A l’heure des grands discours de fermeté contre l’argent public mal utilisé ou d’une fraude jugée insupportable, s’est ouvert un grand procès d’une délinquance qu’on évoque peu. C’est la délinquance financière, en col blanc pour détourner des fonds publics, faire de l’évasion fiscale voire pire blanchir et financer des activités criminelles en tout genre. Le procès des Panama Papers a débuté !
En 2016, un consortium international de journalistes, après l’action d’un lanceur d’alerte, révèle une fuite massive de données d’un cabinet d’avocats panaméens. Ce sont des millions d’informations faisant état de fraudes massives à l’impôt à travers le monde émanant de dirigeants d’Etats, de grandes entreprises transnationales ou de personnalités publiques. C’est tout un système d’évasion fiscale qui est mis au grand jour au travers de compagnies offshore et de procédés financiers pour échapper aux radars des institutions.
Le procès qui a débuté hier concerne le cabinet d’avocat en charge des démarches d’évasion fiscale. Ses associés plaident évidemment leur innocence et leur bonne foi. Après tout, ils ne sont que la face immergée de l’iceberg d’une mécanique mondiale. Ce sont 1000 milliards de dollars qui échappent aux circuits officiels ! Autant de moyens en moins pour résoudre les enjeux colossaux de notre époque, notamment les Objectifs de développement durable fixés par l’ONU traitant des enjeux de pauvreté, de prévention des conflits, d’égalité femmes/hommes ou d’accès aux biens communs. C’est donc une question éminemment politique puisqu’il s’agit de répondre à l’accès aux richesses créées par les travailleurs à travers le monde.
Les plus riches, détenteurs de capitaux, savent quant à eux se regrouper pour gérer leurs fortunes engrangées par l’exploitation et le rapt. Combien de dirigeants nationalistes tels Vladimir Poutine, fondamentalistes tels des chefs d’Etat du Moyen-Orient ou en France Jean-Marie Le Pen y placé des avoirs et n’ont pas vu de problème à traverser les frontières pour amasser des millions.
Ce scandale a été surtout le point de départ de divers scandales puisque les Paradise Papers en 2017 et les Pandora Papers en 2019 ont révélé d’autres mécaniques similaires.
Les gouvernement ont du se résoudre à agir et si des actes ont été produits, ils ne remettent pas en cause le caractère systémique, inhérent au capitalisme de l’évasion fiscale. Chaque somme retirée des circuits accroit en effet les écarts de richesses au sein des populations et entre pays les plus riches et le reste du monde. Cela grève les finances publiques et les richesses du monde du travail. Ce n’est donc pas une question anodine mais au contraire centrale car les investissements d’avenir sont empêchés, des choix alternatifs de financement de l’économie pour le développement humain, social et la préservation de l’environnement.
Comble du cynisme, les grandes puissances se font le hérault de ce combat contre l’évasion fiscale tout en bloquant tout projet international. Les ministres de l’Union européenne ont en effet bloqué fin 2023 une convention de l’ONU pour mieux réguler les flux financiers avec des règles communes de fiscalité et de contrôle.
A cela s’ajoute une hypocrisie qui consiste à dénoncer la fraude… de pauvres ! c’est notamment la fraude aux dispositifs sociaux. Elle cristallise l’ensemble de l’attention médiatique pour des sommes individuelles souvent dérisoires. La Cour des Comptes a même révélé récemment que les principaux auteurs de fraude à l’assurance-maladie n’étaient pas les patients mais les offreurs de soin, c’est-à-dire les établissements médicaux et praticiens qui surfacturent leurs prestations, conséquence d’une financiarisation du système de santé.
Il est grand temps de reprendre la main sur cet argent qui échappe aux peuples pour répondre aux besoins sociaux immenses et aux défis nombreux de ce siècle.