L’extrême droite gagne du terrain

30 Nov 2023

Un nouveau pays est tombé dans l’escarcelle de l’extrême droite. Mercredi 22 novembre, le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders a remporté la victoire aux législatives, avec 37 sièges sur 150, loin devant ses adversaires et bien plus haut qu’anticipé dans les sondages précédant l’élection.

Certes, le PVV ne pourra pas gouverner sans une coalition et l’appui d’autres partis, des négociations qui présentent des difficultés. Tout d’abord, elles prennent souvent plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et la situation actuelle est inédite. Ensuite, le PVV a essuyé un premier revers : Gom van Strien, à peine désigné pour négocier, vient de démissionner à la suite d’accusations de fraudes au sein de son ancienne entreprise. Néanmoins, les partis de droite semblent plutôt enclins à un rapprochement, et il y a somme toute peu de chance que les négociations ne finissent pas par aboutir.

Cette percée arrive dans un contexte particulier. Les dynamiques qui mènent au vote sont toujours complexes, et il faut veiller à ne pas les simplifier à outrance. Mais quelques éléments se dessinent cependant. Le gouvernement avait engagé en 2022 un plan azote qui visait à réduire de 50% les émissions d’ici 2030. Un plan qui avait attisé la colère des agriculteurs et conduit à la création d’un nouveau parti, le « mouvement citoyens-agriculteurs » qui avait remporté 17 sièges au Sénat début 2023. Elle s’inscrit aussi dans la suite de l’échec des négociations sur la politique d’accueil des réfugiés qui avait conduit en juillet dernier à la démission de la coalition de Mark Rutte.

Est-ce à dire que les populations se moquent de l’environnement ? Non, mais peut-être rejettent- elles des mesures déconnectées de leur réalité et qui sont perçues comme pénalisant systématiquement les plus défavorisés – d’autant que, comme le révélait récemment Oxfam, les 1% les plus riches polluent davantage que les 66% les plus pauvres. Ces politiques publiques, quand elles adviennent, viennent donc accroître les inégalités, sans proposer d’aides suffisantes ou de solutions alternatives. Tout en continuant à vanter un monde dans lequel consommer est gage de qualité de vie et gagner beaucoup d’argent, le signe d’une vie réussie. En termes d’injonction paradoxale, on atteint un niveau honorable.

Est-ce à dire que les populations sont anti-immigration et racistes ? Non, mais l’angoisse des fins de mois difficiles, les inégalités croissantes, la saturation des débats politico-médiatiques autour des thématiques et de rhétorique d’extrême droite, la facilité à désigner des coupables, tout cela tend à canaliser une partie de la colère légitime vers celles et ceux qui ne sont pas coupables, mais victimes – des guerres, des difficultés économiques…

L’essor de l’extrême droite, en Grèce, en Allemagne, en France, son arrivée au pouvoir en Italie, en Argentine et à présent au Pays-Bas, n’arrivent pas de nulle part. Ce mouvement effrayant s’inscrit dans la continuité de l’ultralibéralisme et des politiques publiques qui, après avoir fait croire à une hausse du niveau de vie pour tous, révèlent des inégalités criantes ; des politiques publiques vécues comme déconnectées des réalités de terrain ; des politiques d’assèchement des services publics et de privatisation de l’intérêt général ; des mesures vécues comme répressives et qui ne ciblent que les plus précaires. Elles conduisent trop souvent à des explosions de colère, à l’abstention, ou au vote fasciste. Nous devrions prendre la victoire du PVV pour un avertissement.

S’ajoute à cela qu’en France, la gauche a déçu. Celle qui est arrivée au pouvoir et n’a pas tenu ses promesses : car la gauche socialiste de Mitterrand puis Hollande a, à quelques exceptions près, continué comme la droite. Elle n’a pas tenu sa promesse de justice sociale. Elle s’est inscrite dans ce système capitaliste mortifère et n’a pas remis en question le dogme néolibéral, qui repose sur les inégalités. Pour beaucoup, elle n’est plus une alternative crédible, et les petites phrases, les luttes intestines et le buzz permanent la décrédibilisent aujourd’hui.

Pour autant, l’extrême droite ne propose aucune rupture, aucune alternative. Elle n’est que le nom d’une idéologie de haine et de repli sur soi. Tous les votes du RN à l’Assemblée nationale montrent bien leur vrai visage : celui d’un parti excluant, libéral, raciste.

Dans ce mouvement terrible de retour du fascisme – dissimulé parfois sous le masque d’une pseudo-respectabilité, adoubé parfois par les libéraux au pouvoir qui jouent un dangereux jeu électoraliste –, les élections européennes de l’an prochain s’annoncent particulièrement risquées. Et que dire des prochaines élections présidentielles en France, après cinq nouvelles années Macron de casse sociale, d’anéantissement du système des retraites, du RSA, du chômage des séniors…

Il n’est jamais trop tard pour lutter. Dans l’Exception et la règle, Bertolt Brecht écrivait :

« Qu’en une telle époque de confusion sanglante

De désordre institué, d’arbitraire planifié

D’humanité déshumanisée,

Rien ne soit dit naturel, afin que rien

Ne passe pour immuable. »

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