Lutte contre les expulsions : l’indignité libérale

3 Fév 2023

300 000. C’est le nombre de sans-domicile fixes dans le pays. Dans plusieurs collectivités, des nuits de la solidarité sont organisées pour sensibiliser la population à ces situations terribles et pour aller à la rencontre de ces personnes vulnérables. C’est cela qui devrait inspirer la majorité présidentielle qui s’entiche à faciliter les expulsions locatives alors que le président avait fait de la lutte contre le sans-abrisme un engagement phare de sa première élection.

Le projet de loi visant à « protéger les logements contre l’occupation illicite » est ainsi un monument de brutalité et cynisme. Il va faciliter les expulsions au nom du sacro-saint droit de propriété, supérieur semble-t-il au droit au logement et à une vie digne.

Prétextant des situations réelles mais très minoritaires (-1% des situations de conflits locatifs), la majorité Renaissance joue de la confusion pour faciliter l’arbitraire de propriétaires peu scrupuleux. Si on pointe souvent les mauvais locataires, on ne dit jamais rien des mauvais propriétaires.

La criminalisation des locataires à qui on renvoie la suspicion permanente est intolérable. Elle met sur le même plan des squats et des situations locatives difficiles. Or, la majorité des squats relèvent de situations marginales avec des personnes très vulnérables ou désespérées…qui sont hélas en nombre croissant. Leur expulsion sera accélérée alors que la loi ASAP le permet déjà dans les 72 premières heures.

Mais ce projet va s’attaquer aux locataires en situation d’impayés. Les hausses de factures, d’électricité et de gaz notamment, vont être répercutées par les propriétaires, les bailleurs sociaux sur les locataires, portant un nouveau coup aux finances des plus modestes. Pire, la confusion est entretenue, portée notamment par la droite, pour inclure dans les occupations les locaux non-meublés. Les occupations d’usine, dans le cadre de luttes sociales et de grèves, pourront donc être réprimées plus facilement.

Les sanctions sont disproportionnées : 3 ans d’emprisonnement et 45 euros d’amende.

La charge de la preuve, la contrainte permanente seront ainsi des éléments pesants sur les locataires. Même avec un logement insalubre, les propriétaires n’auront pas de compte à rendre. On protégerait les marchands de sommeil qu’on ne s’y prendrait pas autrement…

Les associations de locataires, des personnes en situation de grande précarité ont raison de dénoncer ces régressions. Ce sont l’ensemble des locataires qui peuvent devenir des cibles de telles mesures en cas de coup dur. Les impayés de loyers ne sont pas la norme et encore moins une fierté pour celles et ceux qui le subissent. Dans la majorité des cas, avec des associations, des bailleurs sociaux voire par des décisions de justice, les situations sont échelonnées et réglées de manière apaisée.

Ajouter de la violence en se faisant l’avocat de petits propriétaires (qui en tirent une source de revenus) avec des mesures qui serviront avant tout les multi-propriétaires (11% des 24% d’entre eux possèdent 46% du parc locatif) voire des marchands de sommeil.

Enfin, l’Etat se défausse complètement, lui qui ne respecte pas ses engagements sur l’hébergement d’urgence qui relève de ses prérogatives. Il faut souvent les mobilisations d’élus locaux pour mettre l’Etat face à ses responsabilités.

Le droit au logement est un droit inaliénable. Il permet d’assurer une sécurité de vie, de se projeter dans une vie sereine. Pour toutes ces raisons, il doit être extrait des logiques marchandes. La loi Kasbarian-Bergé n’est pas une solution mais une aggravation du problème.

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