En cette rentrée qui inaugure un nouveau quinquennat du Président Macron, le gouvernement frappe fort avec la réforme des retraites annoncée et, depuis lundi 3 octobre, l’examen du projet de loi portant les premières mesures d’urgence relative au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ce texte marque la première étape d’une réforme de l’assurance-chômage dont on sait, d’ores et déjà, qu’elle prendra la forme d’un durcissement et d’un amoindrissement des droits — déjà fort amoindris par la précédente réforme, élaborée en 2019 et en vigueur depuis l’an dernier.
Le ton est donné : le premier article de ce court projet de loi n’est en effet rien d’autre qu’un blanc-seing pour le gouvernement, qui s’octroie la possibilité de prolonger par décret les règles actuelles pour en fixer ensuite de nouvelles, sur la base d’un principe de modulation en fonction de la conjoncture et du marché du travail. Quant aux indicateurs retenus pour fixer ce principe de modulation, il faudra attendre… sans aucune précision.
Cette modulation des paramètres du régime est présentée par l’exécutif comme une adaptation au marché de l’emploi, c’est-à-dire la possibilité de protéger davantage en cas de chômage élevé et de durcir en cas de trop grand nombre de postes vacants.
Le gouvernement ne s’arrête pas là, puisque la territorialisation est également envisagée, là encore sans aucun critère annoncé, hormis la différence d’indicateurs économiques. Avec en ligne de mire les Outre-Mer. Et il peut compter sur les autres droites de l’Assemblée nationale pour durcir le texte, par exemple sur l’acceptation d’un CDI s’il est fondé sur des bases similaires au CDD exercé, ou encore la présomption de démission pour tout salarié qui abandonne volontairement son poste de travail afin de le rendre inéligibles à l’assurance chômage. Le gouvernement peut se réjouir ; il n’aura pas à porter la responsabilité de ce durcissement qu’il souhaite, tout en s’assurant, à l’aide d’une soi-disant concession, une majorité pour faire passer son texte au Parlement.
En somme, il y a eu dialogue et concertation : avec LR et le MoDem. Pour le reste, le ministre du Travail, du Plein-Emploi et de l’Intégration — l’intitulé sonne comme une incantation — Olivier Dussopt a prévenu ; il n’y aura aucune négociation. La macronie s’entête et s’enferre donc dans son mépris du débat et de l’exercice de la démocratie en assumant réclamer les pleins pouvoirs pour ensuite décider seule. Pour eux, semble-t-il, la démocratie consiste à glisser de temps en temps un bulletin dans l’urne en faisant le choix du moins pire, de celui ou celle qui a le plus de chance de l’emporter.
Surtout, c’est l’occasion de donner des gages au capital en rééquilibrant un rapport de force qui était en sa défaveur — modestement, pourtant. Dans la période récente où la question du pouvoir d’achat est cruciale, et même vitale pour beaucoup de Françaises et de Français, les débats ont porté sur les salaires et, parfois, sur les conditions de travail. On se souvient des difficultés à recruter du personnel dans les restaurants, notamment cet été. Certains secteurs ont ainsi dû céder à des revendications salariales. En faisant pression sur la durée et les critères d’obtention des allocations, le gouvernement amoindrit le poids des revendications et redistribue les cartes… au détriment des salariés et des chômeurs.
Cette amorce d’une réforme dure et violente, mais qui avance masquée, oublie totalement, comme le soulignait involontairement une députée Renaissance, tous les freins qui existent pour retrouver un emploi ; la garde des enfants, l’accès au numérique, les transports, les discriminations — multiples — à l’embauche…
Elle ne peut pas davantage occulter les difficultés d’un nombre croissant de nos concitoyens. Au deuxième trimestre 2022, 7,4% de la population active était au chômage, soit 2,3 millions de nos concitoyens. Sans compter celles et ceux qui travaillent, mais occupent des emplois précaires, à temps partiel, ou celles et ceux dont le salaire ne suffit pas à payer le loyer, la nourriture, la cantine pour les enfants, les factures d’énergie qui explosent… Il nous faut lutter contre cette réforme, et contre toutes celles qui entendent mettre à mal nos conquis sociaux et nos droits.