Le 22 février 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision à l’encontre d’EDF : l’électricien se voit sanctionné pour avantages concurrentiels non reproductibles, à hauteur de 300 millions d’euros, suite à une plainte d’Engie. L’Autorité de la concurrence reproche à l’entreprise d’avoir utilisé les données des fichiers issus de ses clients lors du passage à la fin des Tarifs réglementés de l’électricité (TRV), de 2004 à 2021, dans l’objectif de « maintenir ses parts de marché dans le secteur de la fourniture d’électricité et de renforcer sa position sur les marchés connexes de la fourniture de gaz et de services énergétiques. »
Voici l’absurdité de la libéralisation du secteur de l’énergie : l’Autorité de la concurrence sanctionne EDF pour avoir fait ce que tous ses concurrents font ou rêvent de faire. En revanche, pas question de laisser l’opérateur public, déjà désavantagé face aux acteurs du privé, faire comme les autres – bienvenue dans le monde quasi dystopique de la concurrence et du marché.
Alors que le secteur de l’énergie est en voie de libéralisation accélérée sous la houlette de l’Union européenne, tout est fait pour démanteler l’entreprise encore majoritairement publique. Cette sanction résonne comme la dernière attaque en règle contre EDF, après la scission avec GDF, la fin des tarifs réglementés et la mise en place de l’Arenh. Dans le cadre de ce mécanisme, depuis 2010, EDF a l’obligation de céder 100 TWh de sa production nucléaire aux entreprises privées pour un prix fixe et très peu élevé. L’idée était, nous racontait-on, d’inciter et d’aider les dites entreprises à s’insérer sur le marché et développer leurs propres moyens de production. Un échec total, car si elles ont pris leur part, aucune n’a investi dans la production – comme on pouvait s’y attendre : pourquoi investir et produire soi-même lorsqu’on peut tranquillement parasiter les autres sans prendre de risques ? Notons qu’en l’occurrence, l’Autorité de la concurrence n’a pas jugé utile de sanctionner les acteurs alternatifs pour non-respect de leurs engagements.
Pire, EDF fait déjà face à des coûts multiples, notamment ceux du grand carénage nécessaire à l’entretien de nos centrales, qui se facture à 49,4 milliards d’euros, mais également ceux du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour contenir la hausse des tarifs de l’énergie… soit huit milliards d’euros d’endettement pour EDF, et de nouveaux cadeaux aux entreprises privées.
La sanction de l’Autorité de la concurrence vient donc s’ajouter à cette longue liste – non exhaustive.
Quel est, au fond, le prix de la libéralisation du secteur de l’énergie ? L’affaiblissement d’un monopole naturel public, les hausses des tarifs pour les usagers, le risque de rupture de l’égalité territoriale. Les libéraux, dans leur vision dogmatique, iront jusqu’au bout du démantèlement – si nous les laissons faire. En cas de réélection d’Emmanuel Macron, on peut d’ailleurs s’attendre à un retour du projet « Hercule » ou « Grand EDF » pour continuer la casse.
N’oublions tout de même pas que sans EDF, point de lumière.