Seul le discours prononcé fait foi ⤵️
Cher.es ami.e.s et camarades,
J’ai le plaisir de vous accueillir pour ce meeting à l’occasion des 120 ans de notre Journal !
Je tiens à vous remercier toutes et tous, personnalités du monde politique, syndicale, associatif, culturel et artistique, scientifique, historiens chercheurs, lectrices, lecteurs et amis du journal, d’être aussi nombreux.
Un salut tout particulier à Angela Davis, c’est un honneur pour nous que vous soyez présente à nos côtés, chère Angela, pour votre 3ème participation à la Fête de l’Humanité. Vos combats inspirent depuis des années des générations de militants et militantes.
J’espère que chacun d’entre vous passe d’ores et déjà une belle fête de l’Humanité, ce beau rendez-vous politique et festif de la rentrée.
Comme je l’ai fait lors de mon discours d’inauguration, je veux ici, une nouvelle fois remercier toutes celles et ceux qui rendent possible sa réussite !
Mais l’Humanité ce n’est pas que sa fête, c’est aussi et avant tout son journal, votre journal, et nous sommes heureux de célébrer avec vous ses 120 ans.
1. Notre but reste inchangé
Depuis le 18 avril 1904, date de la fondation de l’Humanité par Jean Jaurès, notre but reste inchangé : celui de participer à la réalisation de l’humanité pleine et entière, en promouvant la justice sociale et environnementale, la paix et l’émancipation humaine.
Jaurès disait ainsi :
« Le nom même de ce journal, en son ampleur, marque exactement ce que notre parti se propose. C’est, en effet, à la réalisation de l’humanité que travaillent tous les socialistes. L’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine. A l’intérieur de chaque nation, elle est compromise et comme brisée, par l’antagonismes des classes, par l’inévitable lutte de l’oligarchie capitaliste et du prolétariat.
Seul le socialisme, en absorbant toutes les classes dans la propriété commune des moyens de travail, résoudra cet antagonisme de fera de chaque nation enfin réconciliée avec elles-mêmes une parcelle d’humanité. »
Ces quelques lignes soulignent à quel point Jaurès, figure de la gauche, avait une parfaite conscience des rapports de force, des rapports de classe.
Et pour lui comme pour nous, l’humanité ne peut advenir sans justice sociale. 120 ans après, ce combat reste entier tant le système capitalisme produit et se nourrit des inégalités.
Mes amis, mes camarades, comment continuer à accepter qu’un seul homme puisse toucher 36 millions d’euros de rémunération annuelle en faisant travailler des ouvriers au smic sur une chaîne de production ? Je veux cibler ici Carlos Tavares, PDG de Stellantis.
Je veux d’ailleurs saluer la lutte des MA France qui continue à mener le combat après 8 mois de grève.
Comment continuer à accepter ce scandale planétaire où 9 milliardaires possèdent autant que la moitié de l’humanité ?
Selon le dernier rapport de l’OXFAM, en 2022, les PDG ont gagné en moyenne 130 fois plus que leurs salariés. Il est temps d’en finir avec cet accaparement des richesses et permettre que chacune et chacun puisse vivre décemment.
Mais au-delà la justice sociale, l’humanité ne pourra être pleine et entière sans construire une société écologiste, protectrice du vivant.
Dans ce monde contemporain, une grave menace pèse sur notre Humanité commune : celle d’un cycle infernal dans lequel nous entraîne le réchauffement climatique.
Le capitalisme et la course au profit nous conduisent collectivement dans le mur.
Des pans de notre biodiversité s’effondrent, toutes les limites planétaires sont dépassées. Les pollutions de l’air, l’eau et sol sont installées pour des millénaires, entraînant une multiplication des maladies.
En 2050, ce sont près de 150 millions de réfugiés climatiques qu’il nous faudra accueillir si nous ne freinons pas ce cycle destructeur.
Oui, il est temps de changer radicalement notre système économique et financier, pour le mettre au profit de la planète.
Enfin, dernier élément de notre triptyque pour la réalisation pleine et entière de l’humanité. Il s’agit du projet de paix, et Jaurès nous a, là aussi, ouvert la voie !
Ce grand pacifiste n’a cessé d’alerter sur les dangers de la guerre, jusqu’à à la veille de son assassinat par le nationaliste d’extrême droite Raoult Vilain, prélude de la 1ère guerre mondiale.
Lucide et visionnaire, la réalité est que, depuis, ces dangers pèsent toujours sur les peuples.
La guerre et son cortège de morts, de blessés, de mutilés, de destruction de bâtiments comme de notre écosystème, de chaos, de famine, de misère et de déplacés.
Elle frappe les peuples, les classes populaires et plus violemment encore la jeunesse, toujours envoyée en première ligne, comme chair à canon.
Cette guerre est partout, sur chaque continent.
Je tiens à réaffirmer qu’à l’Humanité, nous n’avons pas d’indignation à géométrie variable.
Nous sommes solidaires de tous les peuples qui luttent contre la guerre et l’oppression, qui fuient les famines et la misère.
Aux côtés du peuple palestinien depuis toujours, nous avons entendu les différents gouvernements français nous dire que ce n’était pas le moment de reconnaître l’Etat palestinien, qu’il fallait laisser sa chance au processus de paix, au dialogue, aux conférences diverses et variées.
Le résultat, nous le connaissons : si nous ne faisons rien, Gaza, la Cisjordanie seront rayées de la carte, anéantie par les bombes et la colonisation.
En tant que pacifistes, nous devons remettre en route un grand chantier, celui de l’éradication de l’arme nucléaire militaire en exigeant de la France la ratification du Traité de Tian (sur l’interdiction des armes nucléaires).
Mes amis, mes camarades, rendons-nous compte : en récupérant seulement 10% des dépenses militaires mondiales, nous pourrions éradiquer la pauvreté en 10 ans.
La paix doit redevenir un projet politique pour les peuples, qui ne peut se résumer à une absence de conflit armé.
La paix véritable comme la concevait Jean Jaurès, c’est un projet de sécurité humaine dans tous les domaines.
C’est un projet ambitieux mais nous voulons continuer d’y contribuer.
Comme vous le savez, l’Humanité a une histoire riche, a traversé des décennies de luttes, deux guerres mondiales, la Résistance, les guerres anticoloniales de l’Indochine en passant par l’Algérie, les assauts de l’impérialisme armé contre des peuples, la guerre froide, et la chute du mur.
Durant ces périodes, l’Humanité en tant que journal a été saisie, a été poursuivie, a été censurée, a même été interdite de parution durant la guerre, s’organisant alors pour permettre une parution clandestine.
Alors quand j’entends il y a quelques jours Louis Aliot, vice-président du RN, accuser l’Humanité d’avoir collaboré avec l’Allemagne nazie, nous sommes en colère. Rappelons lui, qu’entre 1941 et 1945, 15 salariés du journal ont été tués par les nazis. Nous leur rendons aujourd’hui hommage pour que leur mémoire ne soit plus jamais salie de la sorte.
Journal de la classe ouvrière, journal engagé, journal des luttes, outil militant, l’Humanité a traversé les époques, les vicissitudes du monde contemporain.
Sur ce long chemin, de belles pages ont été écrites avec des victoires du mouvement ouvrier et progressiste, face aux forces du capital, arrachés par la lutte, la grève et la manifestation. Nous en étions.
Bien évidemment, il y eût aussi des échecs malgré nos résistances contre les forces de l’argent, car nous ne luttons pas toujours à armes égales.
Enfin, il y eût des erreurs qui auraient pu enterrer toute idée de dépassement du système capitaliste.
Sans faire ici un bilan, je veux dire qu’à chaque fois, à chaque étape, l’Humanité et ses journalistes étaient présents pour être les témoins et relayer les luttes et les combats.
2. Notre but est également de défendre une presse libre et engagée.
Notre journal compte aujourd’hui 150 salariés, et toutes et tous jouent un rôle essentiel dans la chaine de production pour que chaque jour, l’Humanité arrive dans les kiosques ou boites aux lettres .
Je veux saluer cette équipe, chacune et chacun, pour ce travail exceptionnel
En comparaison avec d’autres quotidiens nationaux, nous sommes une toute petite équipe. C’est un défi quotidien immense pour être au cœur de l’actualité, rédiger des articles de fond, détaillés et argumentés, confronter les idées avec le souci de toujours permettre aux lectrices et lecteurs de se forger leur propre opinion libre et éclairie.
Le tout dans un contexte compliqué car comme vous le savez, les médias sont de plus en plus la propriété de milliardaires.
C’est un marché juteux où les milliardaires se croient au loto, au bonneteau pour vendre ou acheter des titres ! Non pas par intérêt de l’information mais bien par intérêts financiers.
Le fait que la presse soit détenue par la grande bourgeoisie industrielle n’est pas nouveau : Jean Jaurès faisait déjà ce constat à la fondation de l’Humanité.
Ce qui s’est accéléré, c’est un mouvement de concentration avec des trusts de presse comme le groupe Hersant dès le milieu des années 80 jusqu’à aujourd’hui.
Une concentration tellement forte qu’une poignée de milliardaires comme Arnault, Niel, Kretinsky, Pigasse, Saadé, Bouygues ou les familles Dassault et Bolloré possèdent plus de 80% des exemplaires diffusés pour la presse quotidienne nationale et 95% pour la presse hebdomadaire généraliste.
Cette concentration est inquiétante car elle standardise l’information par des lignes éditoriales qui finissent toutes par se ressembler avec des nuances de libéralisme.
Demain, il existera toujours plusieurs journaux, chaines de télévision, radios.
Mais si elles racontent la même chose, alors ce sera un problème.
Pluralité ne veut pas dire pluralisme. Il faut donc d’urgence pérenniser les aides à la presse, qui ne sont pas une aumône mais une garantie de faire vivre une presse libre et indépendante, et nous proposons une loi anti-concentration.
Et notre force, à l’Humanité, c’est que nous vivons grâce à nos lecteurs et lectrices, grâce à vos dons, aux CDH, militant communiste qui diffuse le Magazine sur les marchés. Chez nous, les lecteurs et lectrices sont des acteurs et actrices de notre journal. Alors mille mercis à vous, car cet anniversaire est aussi le vôtre. Continuez à nous lire et abonnez-vous !
Cette bataille pour une information libre et de qualité a un coût et vous connaissez nos difficultés financières, qui sont multifactorielles mais sont dus ces derniers mois aux plaintes que nous subissons lorsque nous dénonçons des pratiques de grands groupes ou de l’extrême droite…
Mes amis mes camarades, nous sommes attaqués devant les tribunaux ! Mais personne ne nous fera taire et nous continuerons à dénoncer les dangers de l’extrême droite.
Si l’extrême droite arrivait au pouvoir, ce serait une catastrophe pour nous toutes et tous, mais aussi pour la presse. Partout où elle arrive au pouvoir, elle attaque la liberté de la presse, l’interdit, promeut les fake news plutôt que l’information fiable, vérifiée et sourcée.
Elle monte en épingle des faits divers en faits de société et promeut les réseaux sociaux plutôt que l’information plurielle grâce à des algorithmes puissants.
Alors chers amis, continuons à rester unis, pour ici aussi la faire reculer.
A l’aube du 10ème anniversaire des attentats de Charlie Hebdo, continuons d’être tous et toutes, collectivement, les garants de la liberté de la presse mais aussi la liberté de caricaturer. Car nous le savons, la liberté de la presse est menacée, et ce, partout dans le monde.
Selon le bilan annuel établi par Reporters sans frontières (RSF), le chiffre des journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions s’élevait à 45 au 1er décembre 2023 et il est à redouter une explosion pour les années 2023-2024.
- À Gaza, depuis quasiment un an, plus d’une centaine de journalistes ont été tués, et le nombre n’a de cesse d’augmenter.
- Dans le monde, 521 journalistes sont derrière les barreaux au seul motif que leur travail, leur enquête, leur analyse dérangeait les pouvoirs en place.
Cela nous rappelle qu’informer est un devoir, mais aussi un danger.
En France, nous avons encore la chance de pouvoir exercer ce métier, mais les sources d’inquiétudes se multiplient :
- En septembre 2023, Ariane Lavrilleux, visée par une enquête en raison de ses investigations sur la vente d’armes de l’Etat françaisa subi une garde à vue de trente-neuf heures, une perquisition et une saisie des données de son téléphone et de son ordinateur.
- De nombreux confrères et consoeurs sont aussi visés dans les manifestations, empêchés de couvrir des événements.
Toutes ces alertes nous ont conduit cette année à la Fête de l’Humanité à ouvrir un village des médias indépendants. C’était une évidence et je vous invite à aller le découvrir.
Directeur depuis 3 ans maintenant, c’est un grand honneur pour moi, d’avoir pris la suite de Patrick Le Hyaric, directeur pendant 20 ans.
Je lui adresse mes pensées les plus amicales et chaleureuses.
Je salue également avec beaucoup d’affection et d’admiration Pierre Laurent et Patrick Appel-Muller, tous les 2 anciens directeurs de la rédaction.
Chacun a dû à son époque affronter des défis colossaux pour permettre au journal de continuer à vivre !
Cette année d’anniversaire est donc particulière pour nous et a déjà été très riche. Et je tiens à remercier très sincèrement toute l’équipe du journal, pour leur engagement, leur professionnalisme au quotidien. Votre travail est précieux.
J’ai évidemment une pensée toute particulière pour Sébastien Crépel et Maud Vergnol, co-directeur et directrice de la rédaction et la rédaction en chef de tout donner pour poursuivre notre projet. Un immense merci.
Pour cette occasion spéciale, nous avons publié deux beaux ouvrages, l’un intitulé « 120 ans, 120 Unes, 120 Regards » mettant en avant les Unes les plus marquantes de l’Humanité, et l’autre intitulé « Instantanés d’Humanité. »
Ce sont de très beaux ouvrages, témoins de notre histoire collective, preuve vivante du rôle quotidien de l’Humanité.
Enfin, tout juste sorti de l’imprimerie, spécialement, pour la Fête, nous venons de publier ‘’Jaurès, la voix du Peuple’’ le 1er Tome d’un recueil de ses éditoriaux publiés dans l’Humanité.
Ces éditoriaux sont un trésor compilé et sanctuarisé que nous voulons également transmettre aux jeunes générations, tant ils sont source d’inspiration.
Vous pourrez y découvrir également tous nos hors-série, dont le très beau sur Manouchian, à l’occasion de la panthéonisation de Missak et Mélinée, en février dernier.
L’Humanité a évidemment beaucoup évolué en 120 ans d’existence.
D’un quotidien, nous sommes devenus un groupe de presse, qui a lancé un magazine, une présence sur les réseaux sociaux et maintenant une plateforme numérique. Cette révolution numérique était indispensable face aux difficultés de la presse écrite.
Bien évidemment, nous poursuivons notre cœur de métier, à savoir un journal papier, mais nous devons nous diversifier pour toucher un public plus large pour augmenter votre visibilité.
Et nos choix stratégiques portent leurs fruits puisque nous allons bientôt atteindre les 20 000 abonnés numériques !
Et enfin, comme certains l’ont peut-être vu hier soir, je suis très fier de vous annoncer la naissance d’un 4ème média : notre chaine Twitch ! Là, aussi, c’est bien la preuve que nous nous développons, que nous nous modernisons en regardant l’avenir !
Chers amis, chers camarades, vous le voyez L’Humanité est pleine de projets, preuve de sa jeunesse !
Mais ces projets ne pourraient exister sans le soutien indéfectible des lecteurs et des lectrices. Vous êtes indispensables. Ce journal est le vôtre !
Je remercie aussi les CDH, la Société des lecteurs, les Amis de l’Humanité et la Fondation Humanité en partage pourleurs nombreuses initiatives qui contribuent à nous faire rayonner.
120 ans après la fondation de l’Humanité, nous continuons à lutter humblement mais énergiquement pour accompagner tout mouvement vers l’émancipation humaine.
De par notre histoire, le journal est évidemment communiste, mais il est aussi un journal qui se veut un espace de dialogue ouvert à toute la gauche sociale et écologique, aux forces syndicales et associatives, au monde de la création culturelle et de la recherche scientifique.
C’est le socle indispensable pour parvenir à notre objectif commun.
Un journal où la confrontation des idées est possible, sans pensée unique, à l’heure de la tentation de l’uniformisation et de la standardisation voulues notamment par les chaines d’information continue.
Nos pourfendeurs ont annoncé maintes fois, que notre titre allait fermer, mais en ces 120 ans, nous sommes plus vivants que jamais ! Et personne ne nous fera taire !
Ce journal est plus qu’un journal, il est une aventure unique !
A l’instar d’un des slogans affiché sur la grande scène, l’Humanité est le plus beau nom qu’on pouvait donner à un journal ! Ce titre est aussi une exigence qui nous oblige.
Je termine sur une citation de Jean Jaurès « A mesure que se développent chez les peuples et les individus, la démocratie et la raison, l’histoire est dispensée de recourir à la violence »
Vive l’Humanité !