Le 7 octobre 2023 est un choc qui marquera pour longtemps la société israélienne. L’attaque terroriste du Hamas, qui fit plus de 1 200 victimes, 251 otages (dont des dizaines d’entre eux sont encore détenus à Gaza), a traumatisé les près de 10 millions d’Israéliens, les communautés juives, et bien au-delà. Benyamin Netanyahou y a répondu par une opération militaire sans précédent, en proclamant un double objectif. D’abord, éradiquer le Hamas. Le premier ministre israélien, pourfendeur des accords d’Oslo, déclarait pourtant publiquement qu’il fallait soutenir le mouvement islamiste pour affaiblir l’Autorité palestinienne et miner la solution à deux États. Le deuxième objectif était d’assurer la sécurité de son peuple, après avoir fait face depuis de longs mois à une opposition interne puissante contre sa réforme autoritaire de la justice. Il n’en est rien. La situation s’est embrasée et sa politique de terre brûlée provoque une instabilité dans toute la région.
Depuis un an, le droit à la sécurité d’Israël s’est transformé en une destruction méthodique de Gaza.
Plus qu’une vengeance aveugle, nous assistons à un risque plausible de génocide. Le déluge de bombes sur l’enclave palestinienne se mêle aux épidémies et à la famine ; les armes cyniques utilisées par le gouvernement d’extrême droite israélien rendent invivable cette bande de terre devenue charnier. Exténuée après vingt ans de blocus inhumain, la population gazaouie vit aujourd’hui un enfer. Les exactions, violences et expropriations se sont intensifiées à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.
Un puissant mouvement de solidarité s’est levé partout dans le monde, exigeant un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages et une voie diplomatique en faveur de la paix. En France, la jeunesse – qu’il faut saluer – défile chaque semaine pour exiger la paix, malgré les tentatives de diabolisation ou les interdictions de réunion et de manifestation. Les actes antisémites ont malheureusement explosé depuis un an et nous les condamnons sans réserve. Mais ils ne peuvent servir à discréditer celles et ceux qui refusent la fuite en avant guerrière.
Si le 7 octobre marque assurément un tournant, cette date n’est pas le début de ce qu’on appelle la question palestinienne. Elle prend racine, depuis des décennies, dans l’une des dernières situations coloniales au monde. Le peuple palestinien subit l’apartheid et la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, le blocus à Gaza et l’oubli pour quatre générations de réfugiés dans des camps éparpillés dans la région. Comment ne pas évoquer également l’emprisonnement à grande échelle de prisonniers politiques, dont Marwan Barghouti, symbole d’un arbitraire insupportable.
L’asymétrie est évidente entre un peuple qui dispose d’un État, de technologie militaire avancée grâce à ses parrains occidentaux, et un autre sans terre, à qui l’on nie le droit à disposer de son propre État.
L’impunité des gouvernements israéliens successifs, qui ont piétiné plus de 200 résolutions de l’ONU depuis des décennies, démontre le besoin de repenser le système international. Netanyahou s’attelle désormais à régionaliser le conflit en attaquant le Liban et, peut-être, demain l’Iran, avec des conséquences incommensurables. La seule voie pour assurer la sécurité des deux peuples, et celle de toute la région, est la reconnaissance d’un État palestinien au côté de l’État israélien dans les frontières de 1967.
Il faut rouvrir le chemin de la paix, qui n’est pas une utopie, mais une nécessité pour les peuples et un projet politique. Pour cela, il faut commencer par faire taire les armes, en suspendant leurs livraisons, mais aussi les accords commerciaux pour obliger le gouvernement israélien à se conformer au droit international. La question des sanctions ne doit plus être un sujet tabou. Les démarches juridiques, comme l’instruction de la Cour internationale de justice ou les demandes de mandat d’arrêt international contre les dirigeants israéliens et du Hamas doivent être soutenues. C’est indispensable pour en finir avec les doubles standards sur la scène internationale.
La France doit retrouver une voix originale dans le concert des nations. Après avoir imaginé une « grande coalition militaire internationale contre le terrorisme » il y a presque un an, qui a laissé pantois même les esprits les plus guerriers, le président Emmanuel Macron a pris une position forte ces derniers jours en demandant l’arrêt de la livraison des armes. Il est urgent que les mots se transforment en actes. Pour que la paix ne soit plus un lointain horizon, il faut d’urgence prendre une initiative politique : celle de reconnaître enfin l’État palestinien, premier pas indispensable pour construire une humanité partagée.