Etats-Unis : terre de fascisme ?

30 Oct 2024

Les élections qui auront lieu dans quelques jours aux Etats-Unis auront un impact sur la marche du monde. Le fait qu’un président résolument et clairement d’extrême droite puisse l’emporter démontre l’évolution terrible du système politique étatsunien et plus largement du capitalisme.

Car, oui la possible arrivée au pouvoir d’un mégalomane aux sympathies néoconservatrices et soutenu par des groupes ouvertement fascistes n’est pas un accident de l’histoire. Sa victoire changerait concrètement l’ordre du monde.

La personnalité de Donald Trump, son parcours d’homme d’affaires brutal qui voit chaque obstacle comme une entrave à abattre, sont des facteurs à prendre en compte. Mais la dynamique est bien plus profonde.

Le pays s’est construit sur des massacres de masse, du génocide des Amérindiens à l’écrasement de divers mouvements émancipateurs de paysans, d’esclaves, d’ouvriers, de mouvements progressistes.

Il a toujours été traversé par des tensions et des affrontements avec une guerre civile qui a marqué et qui marque encore durablement le pays.

De la guerre de Sécession à la Guerre froide, des mouvements conservateurs structurent depuis toujours la société étatsunienne. Ils ont pris une ampleur plus grande avec les mandats de Ronald Reagan et de George W. Bush. Chantres d’un marché totalement dérégulé, d’une hégémonie des Etats-Unis comme gendarme (brutal) de la scène internationale, ils sont convaincus d’un destin divin et d’une supériorité de leur pays. Pour certains, il s’agit seulement d’une supériorité morale, teintée de religiosité. Pour d’autres, cela s’articule à une supériorité à connotation civilisationnelle, voire raciale, contre les ennemis du monde entier et de l’intérieur (les syndicats, les Noirs, les migrants, les femmes, les wokes).

Le symbole de cette mouvance est le réseau Qanon qui infuse sur les réseaux sociaux, dans les territoires et à l’international pour trouver des alliés. Les Eglises évangéliques, les mouvements anti migrants, les organisations de parents d’élèves, les lobbys des armes mènent les batailles culturelles pour restaurer ce qu’ils appellent la grandeur de l’Amérique (Make America Great Again). Usant de la violence, de l’intimidation et avec l’appui des moyens colossaux des Fondations et des milliardaires de divers secteurs (dont la tech), ils appliquent déjà localement leur projet de société.

Les mesures symboliques prises dans des Etats républicains font froid dans le dos : interdiction du droit à l’avortement et traque de femmes, interdiction d’ouvrages et d’utilisation de termes (relatifs à l’homosexualité ou à l’esclavage), enfermements d’enfants migrants.

Avec le Project 2025, Donald Trump et ses alliés instaureraient une purge dans l’Etat pour imposer leurs soutiens partout et transformer profondément leur pays.

Aidés d’une cour suprême largement acquise à leur cause, ils pourraient comme d’autres gouvernements dits « illibéraux » verrouiller les institutions. La modification des lois électorales, déjà en cours dans certains Etats républicains, pourrait empêcher non seulement toute alternative politique mais même une simple alternance. Les populations noires, précaires seraient les principales cibles de ces dispositifs.

D’autres mesures violentes comme la construction du Mur avec le Mexique ou encore la restriction de mesures comme Medicare (soins minimum pour les personnes âgées) pourraient être imposées. Comble du cynisme, il n’y a pas à douter que l’affaiblissement de toute politique publique se fera pour les plus riches et au nom du peuple. La stratégie des démocrates, qui néglige les classes populaires, est évidemment à interroger mais cela ne doit pas nous empêcher de dénoncer la brutalité de classe d’un héritier milliardaire qui n’a que faire du peuple ouvrier.

A l’échelle internationale, une nouvelle administration républicaine conduirait à de profonds changements.

Plus que le virage néo-conservateur du début du XXIe siècle, ce serait une vraie rupture dans la tradition diplomatique étatsunienne. Il y a toujours une forme de consensus national sur la politique étrangère. La mouvance MAGA (Make America Great Again), loin d’être simplement isolationniste, est en réalité opportuniste et suprémaciste dans le sens où elle privilégie l’intérêt seul de Washington par tous les moyens. Plus qu’America first, c’est American capitalism first que cette administration veut promouvoir. Les différents magnats, dont le plus connu est Elon Musk, sont les fers de lance de cette domination financière et industrielle qu’ils veulent imposer à tout prix.

Certains osent affirmer que le premier mandat de Donald Trump a été marqué par une baisse de la tension mondiale. Il n’en n’est rien puisque les conflits en cours, notamment ceux qui structurent l’actualité internationale, ont germé durant son mandat. 

Deux conflits prendraient immédiatement une nouvelle tournure.

En Ukraine, M.Trump affirme régler le conflit en une journée. Ce qui au vu de ses accointances avec la Russie, non seulement personnelles avec M.Poutine mais aussi idéologiques sur un capitalisme nationaliste, signifierait une forme de reddition de l’Ukraine, amputée du Donbass et dans une insécurité permanente.

Au Proche-Orient, le projet génocidaire du gouvernement israélien serait validé et pourrait entrainer une nouvelle étape d’embrasement de la région avec une guerre contre l’Iran. Les Etats de la région seraient encore plus fragmentés.

Un autre théâtre de guerre pourrait s’ouvrir en Asie-Pacifique puisque la concurrence est devenue l’enjeu existentiel d’affrontement au point qu’il y a déjà des tentatives d’orienter l’OTAN vers cette partie du monde.

Par son déni climatique, une nouvelle administration Trump accentuerait les pires effets du dérèglement climatique et provoquerait de nouvelles instabilités.

Le soutien à des régimes autoritaires, à des partenaires en Europe, en Amérique latine ou en Asie qui partagent les mêmes vues d’un projet national-conservateur pourraient créer un axe extrêmement dangereux pour la sécurité collective des peuples.

En France, nul doute qu’un soutien à l’extrême droite serait évident en perspective de 2027 et accentuerait des ingérences qui minent déjà le Vieux Continent.



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