Ce jeudi 21 novembre a marqué un tournant dans la justice internationale. La Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant (membre du cabinet de guerre) et Mohammed Deïf, chef de la branche militaire du Hamas, dont on ne sait s’il est encore en
vie. Cela signifie que ces trois personnes devront être arrêtées à partir du moment où elles posent le pied dans un pays signataire du statut de Rome et seront remises à la Cour pénale internationale afin d’être jugées pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Les pressions sont fortes, notamment occidentales, contre le procureur chargé du dossier, Karim Khan, jusqu’à tenter de le déstabiliser personnellement. Le gouvernement israélien n’a pas tardé à réagir par une instrumentalisation odieuse de l’antisémitisme, n’hésitant pas à comparer cette procédure juridique à l’affaire Dreyfus. Indigne.
Pourtant, pour la première fois, un dirigeant d’un allié occidental est visé. Après avoir poursuivi des dirigeants de régimes dictatoriaux, en Afrique notamment, ou plus récemment Vladimir Poutine, la juridiction démontre qu’elle traite les dossiers sans exclusive. Les accusations abjectes de Tel-Aviv sont donc hors de propos, car les magistrats de la Cour sont indépendants et traitent tous les conflits.
Après l’humiliation du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, lors de son déplacement à Jérusalem, il y a quelques jours, la diplomatie française s’est encore vautrée dans la honte. Le Quai d’Orsay a d’abord annoncé que la France se conformerait à ses obligations exigées par le droit international, avant d’évoquer une situation «juridiquement complexe». Elle a ensuite inventé le concept d’immunité, totalement infondé en droit international, pour se soustraire à ses obligations, quand bien même Israël ne reconnaît pas la CPI. S’il suffisait à chaque dictateur de ce monde de ne pas reconnaître la CPI pour avoir l’immunité, cela reviendrait, de fait, à dénier tout pouvoir aux instances internationales.
C’est donc un deux poids, deux mesures sidérant qu’établit le gouvernement français. Comme révélé par la presse israélienne, Emmanuel Macron a dealé cette position contre l’inscription de la France en marraine du fragile cessez-le-feu entre le Hezbollah et Israël au Liban. Le président de la République anticipe la diplomatie transactionnelle de Donald Trump.
Consternant et déshonorant. Le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, dont le pays est en guerre civile, vient de recevoir une requête en vue d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et déportation contre la minorité musulmane des Rohingyas. Invoquerait-on aussi l’immunité si des intérêts français étaient en jeu dans ce pays d’Asie?
Se soustraire aux obligations internationales au nom d’intérêts immédiats va renforcer le sentiment d’impunité de tous ces dirigeants visés par de telles enquêtes et légitimer la loi du plus fort. La France doit défendre la position que défend sa jeunesse mobilisée pour une paix juste et durable. En plus de respecter ce mandat d’arrêt international, la France doit cesser toute coopération avec Israël: agir pour suspendre l’accord d’association avec l’Union européenne, et surtout cesser toutes les livraisons d’armes à l’armée israélienne. La reconnaissance unilatérale de l’État de Palestine dans les frontières de 1967, au côté d’un État israélien, est aussi un levier d’action concret. Ce serait l’honneur de la France, loin des calculs médiocres au sommet de l’État.