Dix ans déjà. Nous n’avons rien oublié. Cabu, Charb, Tignous, Wolinski, Honoré, Elsa Cayat et leurs collègues ont été assassinés par des terroristes islamistes, porteurs d’un projet obscurantiste et rétrograde. Trois jours d’horreur ont suivi, de Montrouge à Dammartin-en-Goële en passant par le bain de sang visant nos compatriotes juifs à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Nous pensons à chaque victime, à chaque blessé traumatisé par ces événements.
Nos camarades et amis de Charlie Hebdo, dont certains étaient collaborateurs de l’Humanité et des acteurs assidus de la Fête de l’Humanité, sont morts car ils dessinaient. Depuis des années, avec leur crayon, ils racontaient les vicissitudes de nos vies et de la société, caricaturaient les puissants, la vie politique, les religions. Sous leur plume, le dessin devenait une œuvre d’art pour nous faire rire, nous interroger, nous émouvoir, nous irriter même.
Politiques, subversives et blasphématoires, leurs œuvres pouvaient déplaire, être débattues, c’était d’ailleurs leur but. Rien ne justifie l’assassinat de leurs auteurs. Menacés depuis des années, sous protection policière, ils refusaient de courber l’échine devant les ennemis de la liberté et les fanatiques de la haine et de la réaction. Ce 7 janvier 2015, c’est aussi la République laïque, sociale, universelle, nos valeurs et notre histoire qui ont volontairement été attaquées. Qu’a-t-il été fait depuis ?
Pour combattre les obscurantistes religieux, il est impératif que notre République reste unie, fraternelle et solidaire en commençant par refuser les amalgames. Les terroristes du Bataclan, ceux qui ont décapité Samuel Paty ne doivent en aucun cas être associés aux musulmans dans leur ensemble. Refusons la haine de l’étranger, de l’Arabe et des musulmans prônée par l’extrême droite qui partage, en réalité, le même rejet de l’autre que les fondamentalistes religieux.
Depuis dix ans, le débat public s’est considérablement dégradé, le racisme et la haine de l’autre sont décomplexés, les vérités alternatives et la désinformation sont propulsées par de puissants algorithmes sur les réseaux sociaux. Des médias télévisés alliés de l’extrême droite s’érigent même en champions de la liberté d’expression dans une inversion incroyable des valeurs. Pour notre part, nous continuons à mener le combat pour le droit à l’information, mais aussi pour la liberté de création, éléments moteurs d’un projet de société émancipateur.
L’esprit Charlie est celui de l’art irrévérencieux ; il nous incombe de le porter, toujours et encore, en dénonçant ce monde brutal et injuste. Dix ans plus tard, nous sommes toujours debout et nous choisissons le chemin de la paix et de la fraternité humaine.