Auschwitz-Birkenau, Dachau, Buchenwald, Ravensbrück, Mauthausen, Chelmno, Treblinka et bien d’autres. Autant de noms évocateurs des pires moments de notre histoire collective. Autant de noms associés à jamais à l’horreur humaine et dont la prononciation nous glace instantanément. Durant plus de dix ans, le régime nazi a bâti une effroyable entreprise : des dizaines de camps de concentration et de camps d’extermination. Deux types de structure, l’une destinée au travail forcé, l’autre à la mort. Mais elles recouvrent une seule et même réalité, une seule et même finalité : celle d’asseoir l’idéologie nazie du IIIe Reich et son projet politique funeste, fondé sur l’antisémitisme et l’obsession de la suprématie de la race aryenne.
Ces camps ont été au service de la persécution, principalement des juifs, dictée par Hitler et Himmler, allant jusqu’à l’extermination d’hommes, de femmes, d’enfants. Dès le premier jour de leur périple, les déportés sont entassés dans des wagons à bestiaux, dans des conditions d’hygiène déplorables, entraînant parfois des décès au sein même de ces convois à destination de l’enfer. Pour celles et ceux qui arrivent au bout du « voyage », il s’ensuit des mois et des années de torture, de supplices, d’humiliations, de famine, de froid, d’épidémies, de travail forcé pour soutenir l’effort de guerre allemand.
Les juifs d’Europe (France, Pologne, Hongrie, Pays-Bas, Grèce, etc.) furent les victimes principales de la barbarie nazie. Plus de 6 millions de juifs périrent dans les camps, dans les ghettos, durant la Shoah. Mais la haine des SS prit également pour cible les Roms, les Tziganes, les communistes, les homosexuels, etc. Autant de catégories de minorités, chacune épinglée d’un triangle de couleur discriminant et stigmatisant, victimes à leur tour d’une abominable extermination méthodique, à l’échelle industrielle.
Parallèlement, la guerre se poursuit et les forces alliées gagnent du terrain. Au fur et à mesure de leur avancée, les armées alliées « découvrent » les camps nazis. En 1944 et au début de 1945, face à la progression des troupes soviétiques, les dirigeants nazis s’efforcent de vider les camps et d’effacer les traces des centres d’extermination installés depuis 1942 dans les territoires de l’Est. Le camp d’Auschwitz fut découvert presque par hasard, par l’armée soviétique. Après des années de guerre déjà éprouvantes et meurtrières, la terreur et l’effroi furent immenses face à cette sordide et impensable vision de corps décharnés, après des années d’enfermement et de maltraitances nazies.
Ce mois de janvier 2025 marque le 80e anniversaire de la libération de plusieurs camps, dont celui d’Auschwitz-Birkenau, plus important rouage de la machine à tuer nazie, le 27 janvier 1945. Cette date est retenue depuis, notamment par la France, comme la journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité. Cette libération, si elle constitue évidemment un soulagement, est paradoxalement synonyme de l’horreur révélée au grand jour : chambres à gaz, fours crématoires, charniers, prisonniers tels des morts-vivants en pyjamas rayés et anonymisés par un simple matricule. La négation même de l’identité humaine.
Cette libération est le signe de la victoire face à l’idéologie nazie. Pour autant, comment faire vivre cette libération, comment reprendre une « vie normale » après des années d’enfer imposées par des monstres humains ? Comment croire encore en l’humanité et à une possible paix entre les peuples ? « On ne revient jamais des camps. » Cette phrase, prononcée par des déportés, montre à quel point les traumatismes poursuivent et hantent à vie celles et ceux qui ont survécu. Les traumatismes sont tels qu’il fallut attendre les années 1970 pour que la parole se libère et que, progressivement, l’indicible puisse être dit et nommé. L’indicible porte aujourd’hui un nom et est qualifié de crime contre l’humanité, plus spécifiquement de génocide, concept officiellement reconnu par les Nations unies en 1948.
Les survivants et les survivantes des criminels nazis, aujourd’hui encore, puisent au plus profond d’eux-mêmes, dans leurs souffrances intimes, pour que cette part de notre histoire contemporaine ne soit jamais oubliée ou mise sous silence, qu’elle survive au travers des générations, tel un acte de résistance. La documentation et les récits insoutenables de celles et ceux qui ont miraculeusement survécu aux camps mettent en lumière ces atrocités à l’état pur. Par ses nombreux témoignages, ce hors-série en partie réalisé à partir d’articles publiés dans l’Humanité nous replonge dans l’ampleur de ce système concentrationnaire et nous ouvre la voie vers la résilience.
Dans un contexte de montée de tensions internationales, de nationalisme, de xénophobie, d’antisémitisme et de racisme, il est de notre devoir collectif de nous souvenir et de transmettre. Nous ne devons plus jamais vivre ça.