Droit du sol à Mayotte : Les intentions du gouvernement sont graves et irresponsables

18 Fév 2025

Qu’est-ce qu’être Français ? That is the question … Profitant d’une proposition de loi LR visant à durcir l’accès à la nationalité française à Mayotte, Gérald Darmanin a ouvert un débat pour faire voler en éclats le droit du sol en France. S’engouffrant dans la brèche, le premier Ministre souhaite élargir le débat à la fameuse identité nationale, rappelant un funeste débat, agité dans tous les sens à l’époque, par Nicolas Sarkozy et sa bande. 

A l’heure où parmi ses premières mesures réactionnaires, Donald Trump décide de supprimer le droit du sol, la coïncidence et le tempo sont ici troublants, pour ne pas dire, abjects. 

D’un côté, honorer les ‘’vrais’’ citoyens en leur octroyant la nationalité suprême et de l’autre, reléguer en citoyens de second rang, les enfants nés de parents venus d’ailleurs. Le tout en pleine crise sociale et en pleine catastrophe humanitaire après le passage du cyclone Chido. L’ile est dévastée et le gouvernement est obsédé par le droit du sol. Quel cynisme.

Malgré un durcissement du droit de la nationalité depuis la précédente loi Asile et Immigration de 2018, des personnes étrangères en provenance des Comores ou d’Afrique, continuent de venir à Mayotte. C’est donc bien la preuve que ce dispositif juridique ne fonctionne pas, précisément, car le problème ne se situe pas là ! 

En s’asseyant sur les principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi, en introduisant une discrimination fondée sur l’origine, totalement contraire à l’article 1er de la Constitution, le gouvernement franchirait un nouveau cap et laisse planer le projet d’une réforme constitutionnelle plus globale sur le droit du sol partout sur le territoire. 

L’immigration est bien une réalité à Mayotte. Mais qui peut réellement penser que si des personnes risquent leur vie en traversant l’archipel sur des embarquements de fortune c’est par appât de la nationalité française, et non, par espoir et nécessité de conditions de vie meilleures ? Bien souvent ces hommes, ces femmes, ces enfants n’ont d’autre choix de quitter leurs terres qu’ils viennent du reste de l’archipel des Comores ou d’Afrique des grands lacs.  Bien souvent, les personnes qui arrivent ne demandent pas la nationalité française mais un statut de réfugié. Le risque est donc surtout d’augmenter l’errance administrative pour des milliers de personnes. 

Mayotte est le département le plus pauvre de France, souffrant d’un sous-investissement en matière d’infrastructures et de services publics de la part de l’Etat.  80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le cyclone Chido a dramatiquement aggravé la situation. C’est dire si celle des migrants est catastrophique pour avoir comme seule perspective de rejoindre Mayotte.

Les intentions du gouvernement sont graves et irresponsables. Il continue d’insuffler, dans les esprits, que l’étranger, le migrant serait responsable de tous les maux. Restreindre l’accès à la nationalité, diviser les citoyens est évidemment plus simple et populiste que d’autres solutions, celle d’un plan d’investissement massif permettant d’améliorer réellement les conditions de vie sur l’ile. 

Alors que Marine Le Pen a fait de Mayotte un de ses terrains de jeu et d’ambition politique privilégié, y réalisant des scores très élevés, il est urgent de répondre aux vrais besoins et attentes des Mahoraises et Mahorais, plutôt que d’alimenter le ressentiment et de désigner des boucs-émissaires, dans une obsession xénophobe. Mayotte ne doit pas devenir un laboratoire des pires politiques menées. 

Mayotte est un département français depuis 2011 mais ses habitants sont abandonnés par l’Etat. Il serait temps de le considérer non comme un département pouvant servir l’influence et les intérêts géopolitiques maritimes de la France, mais bien comme un département à part entière où l’égalité, l’accès aux services publics, à l’eau potable, à un logement digne, sont la priorité. 

Et face à un risque accru de cyclones dans l’Océan indien, ce qui devrait avant tout préoccuper le gouvernement, c’est le risque de subversion marine plutôt qu’une subversion migratoire. 

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