Cette semaine, le groupe CRCE-K disposait d’une niche parlementaire, permettant de d’inscrire à l’ordre du jour les textes de loi de notre choix.
Nous avons donc décidé de l’utiliser pour permettre le vote de deux propositions de loi, l’une portant sur l’indexation des salaires sur l’inflation, et l’autre sur la transposition de la directive européenne qui vise à améliorer les conditions de travail des utilisateurs des plateformes numériques.
Explications 👇
Indexation des salaires sur l’inflation
Le premier texte niché portait sur l’obligation d’indexation des salaires sur l’inflation.
Inspirée du modèle belge, cette mesure proposait de mettre en place une « échelle mobile » de tous les salaires dans le secteur privé ainsi que du point d’indice de la fonction publique pour imposer l’augmentation générale des rémunérations, « au minimum », au niveau de l’inflation.
En complément, une disposition proposait d’augmenter la fréquence des négociations collectives dans les entreprises à une fois par an en lieu et place des quatre ans actuels.
L’apport de ce texte était donc d’apporter des solutions concrètes pour sortir du phénomène de paupérisation et de précarisation qui touche notre pays depuis de nombreuses années.
Preuve en est, on observe qu’actuellement, un tiers des personnes vivant sous le seuil de pauvreté (qui n’a de cesse de progresser) est salariée.
Et pour cause, l’évolution de l’indice des prix a été supérieure à celle du salaire moyen annuel.
Pire encore, je suis intervenu en Hémicycle pour signaler que les dividendes ont augmenté dix fois plus vite que les salaires sur la période 2011-2021, et quatorze fois plus vite depuis 2020. Ainsi, les actionnaires se gavent, quand les travailleur.euse.s, seul.e.s à produire des richesses, paient le prix fort de la crise dépressionnaire qui s’installe dans notre pays.
Plutôt que d’apporter des réponses au fait que travailler ne suffit plus à vivre convenablement, un constat largement partagé dans le pays qui avait conduit au soulèvement des gilets jaunes, les macronistes et la droite ont rejeté cette proposition. Le « socle commun » a réaffirmé sa rhétorique de la sacro-sainte politique de l’offre stipulant que toute mesures fiscales et salariales seraient des un freins au développement de l’entreprise.
Une théorie qui n’a jamais fait ses preuves, contrairement au modèle belge dont nous proposions la transposition au bénéfice de l’ensemble des travailleur.euse.s.
Transposition de la directive sur l’améliorer les conditions de travail des utilisateurs des plateformes numériques.
Le second texte niché portait sur la protection des travailleur.euse.s des plateformes de type « Uber ».
Ce texte date de la précédente mandature : alors que les mesures de confinement liés à l’épidémie de COVID-19 ont conduit à l’explosion des livraisons à domiciles, le groupe CRCE-K a déposé cette proposition dès 2020.
Depuis, cette idée a fait son chemin au-delà de notre Hémicycle puisque le Parlement européen a adopté en 2023 une directive qui pose la présomption de relation de travail entre les travailleur.euse.s et les plateformes de rattachement.
Cela conduit à une inversion de la charge de la preuve puisque ce sera à l’employeur de démontrer que la personne est vraiment indépendante et qu’elle n’est pas astreinte à un contrat de travail de fait. Ce texte visait donc à accélérer le processus de transposition en France, pour répondre au plus vite à l’urgence sociale.
Mais, là aussi, la droite sénatoriale a voté contre, constante dans son refus d’avancer sur ce sujet important.
En parallèle de la niche, le Sénat a également été saisit de deux textes que je n’ai pas voté, considérant qu’ils tendaient la main aux idées de l’extrême droite.
PPL Laïcité dans le Sport
Ce texte, déposé à l’initiative du groupe LR, comporte trois mesures : l’interdiction de port de tenue ou de signes politique et religieux dans les compétition des fédérations sportives, l’interdiction pour les collectivités territoriales de mettre à disposition des équipements sportifs pour y tenir des cérémonies religieuses et l’interdiction du port de burkini dans les piscines.
Ces propositions sont une vieille marotte de la droite sénatoriale, qui n’en est pas à son coup d’essai et cherche à attiser les délires de l’extrême droite en interprétant de manière trop extensive le principe de laïcité (qui s’adresse uniquement à l’Etat et ses représentant.e.s, que ne sont pas les compétiteur.trice.s sportives).
Les personnes directement visées par ce texte sont les jeunes filles et les femmes musulmanes.
L’ONG Amnesty International a rédigé un rapport qui démontre les « les atteintes aux droits humains des femmes et des filles musulmanes causées par l’interdiction du foulard dans le sport en France » et met en évidence « le développement alarmant d’un climat hostile aux personnes musulmanes ou perçues comme telles en France, caractérisé notamment par un discours raciste et discriminatoire persistant reliant l’islam au terrorisme, par exemple dans les discours des responsables politiques ».
Si je reste un fervent défenseur des valeurs laïques de notre société, j’ai voté contre ce texte.
Au-delà de son angle idéologique rétrograde, il aura des impacts nocifs sur la pratique sportive des femmes et des jeunes filles s’il venait à être adopté définitivement : 49% y ont déjà renoncé pour des raisons financières (contre 34% des hommes), 46% pour des contraintes familiales (contre 38% des hommes) et 40% pour des contraintes domestiques (contre 33% chez les hommes).
PPL Mariage en France
Je suis intervenue en Hémicycle pour m’opposer à cette proposition de loi déposée par les centristes, qui ne passera sans doute pas le contrôle de constitutionnalité. Mais là n’était pas l’objectif : il ne vise en réalité qu’à alimenter la xénophobie, en normalisant une fois encore les thèses de l’extrême-droite.
Si cette proposition porte sur l’interdiction générale de marier une personne étrangère sans titre de séjour, ses défenseurs s’emploient à instiller un amalgame entre les personnes sans titre de séjour ou protection sur le sol français, avec les situations minoritaires où l’un des futurs époux serait frappé d’une OQTF, et représenterait donc un supposé danger, alors que cette décision administrative ne se fonde en aucun cas sur des risques de troubles à l’ordre public.
La réalité, c’est que la politique déployée ces dernières années par le gouvernement crée chaque jour plus de sans-papiers. Les préfectures sont saturées et délivrent des OQTF de manière exponentielle, souvent sans fondement sérieux.
J’en observe chaque jour les effets dans mon département : nombre de personnes qui y étudient, y travaillent, y construisent leur vie depuis des années se retrouvent brutalement frappées par l’absence de retour des services compétents, voir par une décision d’éloignement du territoire, les privant ainsi de ressources …
Tout ce que trouve à faire la majorité sénatoriale pour remédier à cette situation … c’est les empêcher de se marier, en diffusant le mensonge qu’un mariage serait suffisant pour obtenir un titre de séjour.
Ce texte alimente donc un véritable racisme d’Etat en proposant même de restreindre les droits des individus français ou en situation régulière de se marier avec la personne de leur choix.
La droite a peiné à présenter des chiffres pour fonder cette mesure : et pour cause, elle ne répond à aucun besoin. Les maires n’ont pas à se substituer aux préfets ou aux parquets … et l’immense majorité sont bien plus inquiets de l’explosion de la précarité, notamment des personnes sans titres, que de célébrer les mariages visés.
J’invite donc à sortir du débat démagogique : l’immigration n’a pas à être une chance pour la France, pas plus qu’elle n’est un danger.
C’est un fait social, et la seule question qui se pose réellement est celle d’un accueil digne, en lieu et place d’une criminalisation nocive et inefficace, à moins de renoncer aux principes humanistes qui font notre société pour leur préférer une idéologie fascisante.
Et nous ne sommes pas dupes : la saturation du débat public par le bloc réactionnaire des délires de l’extrême droite, ne cherche qu’à nous faire oublier leurs choix politiques ultra-libéraux, qui conduisent le pays à un chaos social qui s’installe durablement.