Le tribunal administratif de Toulouse vient de stopper le chantier de l’A69 et d’élargissement de l’A680. Dans sa décision, le tribunal estime « qu’au vu des bénéfices très limités de ces projets pour le territoire et ses habitants, il n’est pas possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées ».
Cette décision n’est pas définitive, l’Etat ayant annoncé faire appel, le Ministre des transports se permettant de commenter une décision judiciaire en la qualifiant d’ubuesque. Mais elle fera date car c’est la première fois qu’un projet d’autoroute est annulé pour des raisons environnementales, et non par une décision politique. Pour rappel, ce projet avait déjà reçu un avis défavorable du Conseil national de protection de la nature en 2022 et de l’Autorité environnementale en 2023.
Ce projet de 53 kilomètres qui doit relier Verfeil (Haute-Garonne) à Castres (Tarn) a été déclaré d’utilité publique en 2018 et est censé désenclaver cette partie du territoire. Le tribunal a, quant à lui, indiqué que les bénéfices économiques, sociaux étaient trop limités pour justifier la réalisation de ce projet estimant que le territoire ne présente ni un décrochage démographique ni un décrochage économique qui justifierait de façon impérieuse cette construction.
Autre argument retenu par le tribunal : le prix du péage qui en aurait fait l’une des autoroutes les plus chères de France et créant par ailleurs des inégalités entre ceux qui ont le moyen de payer et les autres..
Dès le départ, ce projet a suscité des inquiétudes chez les défenseurs de l’environnement. De nombreux citoyens, associations se sont mobilisés pour dénoncer le saccage de centaines d’hectares de terres nourricières, la pollution des nappes et rivières, l’abattage de milliers d’arbres.. Ils déplorent quedes millions de tonnes de granulats vont devoir être puisées et retournées dans les dix prochaines années. D’après eux, en Ariège, où se situent de nombreux gisements, la nappe phréatique subit déjà les conséquences directes de cet extractivisme.
Dans ce projet, comme dans d’autres de nature similaire, les partisans et les opposants confrontent deux visions de la société qui semblent antinomiques et irréconciliables, à savoir les enjeux d’emploi, de développement et les enjeux environnementaux.
Si certains partisans dont des élus locaux proposent, par ailleurs, plutôt la gratuité de cette autoroute pour en finir avec un modèle privé capitaliste développé par les concessions autoroutières, il est certain qu’il n’est pas possible, au regard des enjeux actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de pollution de l’air, d’arrêt de l’érosion de la biodiversité, d’artificialisation du territoire, de faire l’économie de se poser les bonnes questions en termes d’évolution des pratiques de mobilité, d’aménagement des territoires, de nos propres modes de vie.
Enfin ce qui est très regrettable dans cette histoire, c’est que l’Etat ait avancé tel un bulldozer, puisque le projet devait s’achever fin 2025, sans attendre que toutes les voies de recours possibles ne soient totalement épuisées… Résultat, les travaux ont démarré en 2023, et environ 300 millions d’euros, soit les deux tiers du coût de la construction, ont déjà été engagés sur le chantier. Une véritable gabegie des deniers publics. Cette politique du fait accompli est irresponsable.
Cette première victoire des défenseur.euse.s de l’environnement est historique. Toutefois, l’Etat ne dépose pas les armes et a fait appel de la décision en demandant une reprise immédiate du chantier, alors que la Cour d’appel peut mettre plusieurs mois avant de statuer. Une énième tentative de passage en force de l’exécutif, puisque les travaux sont déjà avancé au 2/3 ; si cette autoroute venait à être déclarée illégale pour des raisons environnementales, comment cette décision pourrait-elle être respectée si la quasi-totalité des infrastructures sont déjà en place, avec leurs effets irréversibles sur la biodiversité ?
Quelle qu’en soit l’issue, l’A69 restera le parfait exemple d’un projet mal géré et de la contradiction entre les discours environnementaux affichés par le gouvernement et ses actes, ce qui ne fait qu’attiser les incompréhensions.