État palestinien : maintenant, vraiment

17 Avr 2025

Dans l’avion qui le ramenait de son voyage diplomatique au Proche-Orient, Emmanuel Macron a déclaré vouloir reconnaître l’État de Palestine. Le « moment venu » plusieurs fois évoqué par le locataire de l’Élysée serait donc proche. La conférence internationale sur la Palestine qui se tiendra au siège de l’ONU en juin, coorganisée par la France et l’Arabie saoudite, formaliserait cet acte de reconnaissance.

Grande victoire ! À « l’Humanité », au sein du mouvement communiste et, au-delà, parmi tous les progressistes et démocrates attachés au droit international, cette reconnaissance par la France serait un événement. À l’été 2024, plusieurs États européens entraînés par l’Espagne avaient reconnu l’État ­palestinien, soulignant d’autant le rendez-vous manqué de la diplomatie française. Aujourd’hui, si la déclaration présidentielle est un signe positif, il nous faut être attentifs à son contenu : une reconnaissance… mais sous conditions. Emmanuel ­Macron émet même des contreparties qui douchent déjà notre espoir. En effet, le président de la République appelle les États du Golfe, dont l’Iran, à reconnaître l’État israélien. Or il sait que cette position n’est pas acceptable en l’état. Les tensions entre Tel-Aviv et Téhéran sont vives, comme en témoignent les actes d’hostilité réciproques. Pourquoi poser une condition irréaliste comme postulat de départ ?

Nous pourrions croire qu’Emmanuel Macron prépare déjà l’argument de son impuissance, renvoyant son inaction à l’irresponsabilité des autres. S’il s’agit de faire des accords d’Abraham version 2, en amenant l’Arabie saoudite et le Koweït à une reconnaissance bilatérale avec les Israéliens mais sans perspectives pour les Palestiniens, cela serait vain. La crise actuelle l’a démontré : on ne peut dénier le droit inaliénable du peuple palestinien à exister. Mais, si la diplomatie consiste à ouvrir des voies de dialogue, il y a aussi des actes forts qui sont possibles et qui envoient un signal aux autres. Reconnaître l’État de Palestine, en conformité avec les résolutions onusiennes, en fait partie.

Il n’est plus temps de tergiverser. L’heure est grave. Alors qu’il était à quelques kilomètres de Gaza, Emmanuel Macron a pu constater par la voix des ­secouristes français l’horreur des bombardements israéliens à Gaza. Il sait aussi que le champ de ruines de cette bande de terre palestinienne est déjà le lieu de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, avec un risque génocidaire avéré et demain l’éventualité d’un nettoyage ethnique d’ampleur, avec le projet indécent et excentrique de Donald Trump d’en faire la Riviera du Proche-Orient. Ce projet immobilier, on le sait, consiste surtout à recoloniser Gaza quand la Cisjordanie serait, elle, littéralement annexée.

L’idée d’un projet national palestinien est en péril. Nous ne pouvons pas faire comme si les bombes tombaient du ciel sans commanditaire. La paix avec les Israéliens est une nécessité, mais il faut cesser de donner carte blanche au premier ministre israélien, qui aurait dû être arrêté par les autorités françaises quand il a survolé le territoire national pour se rendre à Washington. Nombre de sanctions à disposition de la diplomatie française et européenne, comme l’accord d’association UE-Israël, peuvent également contribuer à faire pression sur Tel-Aviv pour qu’il cesse ses projets coloniaux.

Paris doit être du bon côté de l’histoire. La France a une voix qui porte et qui peut entraîner d’autres États, notamment en Europe. En parallèle des discussions diplomatiques, les forces populaires doivent faire résonner le message d’une France aux côtés des peuples et d’une paix juste et durable.

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