Algérie : le disque colonial est rayé

7 Fév 2025

Depuis plusieurs mois, un discours monte en puissance sur les plateaux des chaînes d’information, celui des vieilles antiennes de l’extrême droite qui ravivent la nostalgie coloniale et enflamment le racisme.

Alors que nous avons célébré en 2022 les soixante ans de l’indépendance de l’Algérie dans des initiatives bilatérales consensuelles, le révisionnisme refait surface. L’histoire coloniale serait ainsi non seulement « complexe » mais il faudrait cesser de ne voir que le côté négatif. Marine Le Pen, on s’en doutait, allant même jusqu’à nier la dimension criminelle de l’entreprise coloniale pour saluer les aspects positifs de 130 ans d’occupation de l’autre côté de la Méditerranée. 

L’affaire des influenceurs algériens, dont les propos haineux sont parfaitement condamnables, n’est que la mèche pour enflammer les relations franco-algériennes. Accords de 1968 (régissant entre autres l’obtention de visas pour les ressortissants algériens), laissez-passer consulaires, affaire de la Grande Mosquée de Paris : derrière toutes ces polémiques alimentées par les partisans macronistes se dévoile une dangereuse pente populiste.

Les Algériens seraient fondamentalement (culturellement) hostiles à la France et constitueraient une colonne d’un projet de déstabilisation. Voilà une théorie totalement complotiste empruntée à un imaginaire islamophobe et raciste. Il faudrait tordre le bras à Alger par des sanctions économiques comme le fait Donald Trump vis-à-vis de tous ses interlocuteurs. Sarah Knafo et Reconquête ! organisent même une conférence pour mettre de « l’ordre » dans les relations euro-méditerranéennes. Comprenez ici que les anciennes colonies doivent être réduites à leur rôle de destination touristique et à être un hot spot pour filtrer les migrants du Sud. 

La progression constante de l’extrême droite explique cette résurgence du sentiment anti-algérien, aidé en cela par une partie de la droite qui n’a pas, elle aussi, digéré l’indépendance algérienne. 

Depuis la loi de février 2005, à laquelle la Droite dite populaire (dont beaucoup de ses membres ont depuis rejoint le RN) avait tenté de réhabiliter dans les programmes scolaires les « aspects positifs » de la colonisation, le discours révisionniste ne cesse de progresser sur l’histoire coloniale…à rebours des faits et de nombreuses reconnaissances officielles, certes minimes, sur le caractère criminel de la colonisation.  

Qu’on en juge : rien que sur la conquête coloniale (de 1830 à 1847), les historiens algériens et français, et bien d’autres, ont documenté les massacres de masse. Plus d’un million d’Algériens à cette période, les institutions locales dévastées. La suite, faite de spoliations et d’un régime juridique raciste basé sur l’appartenance ethnique et religieuse, n’était pas plus glorieuse sans compter la répression féroce lors de la guerre d’indépendance.

Colonie emblématique par son caractère de peuplement, l’Algérie a un lien intime pour près de 10% de la population française (immigration, rapatriés, soldats du contingent).  

Au-delà de l’Algérie française, le système colonial français avait des différences selon les zones administrées mais portait une violence systémique qui a laissé des traces. 

Le récent rapport sur la colonisation au Cameroun fait état de « violences extrêmes » qui s’étend à d’autres anciennes colonies. Ce caractère colonial se déploie encore aujourd’hui dans les relations de la métropole avec les outre-mer dont les situations explosives à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie-Kanaky en sont les expressions les plus puissantes.

Faut-il dès lors jeter par-dessus bord tout ce travail historique, cette nécessaire refondation des relations entre la France et ses anciennes colonies pour régler des débats politiques français ?

C’est en effet de cela dont il s’agit. Cette réécriture de l’histoire, cette réactivation des préjugés coloniaux et racistes a tout à voir avec la prégnance de l’extrême droite dans le débat public. Il faut la combattre et non pas dresser des portraits élogieux du fondateur du Front National Jean-Marie Le Pen, le tortionnaire d’Algériens, multirécidiviste de la haine et multi condamné.  

Dans un espace international où l’agressivité tient lieu de pratique commune, faut-il voir dans ces discours une préparation des esprits à la guerre contre l’Algérie ? Faut-il y voir une future politique d’exclusion en France selon l’origine des citoyens ? 

Sortons d’un disque colonial rayé et réglons les problèmes de la société française sans chercher des causes externes. La France a une voix qui porte quand elle défend le droit international et le dialogue. L’Algérie comme d’autres Etats du Sud global n’attend plus, soyons coopératifs et responsables. 

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