Bayrou : la saignée

18 Avr 2025

On savait le Premier ministre partisan d’une austérité lourde. Les annonces de difficultés économiques par Bercy avaient préparé le terrain d’une austérité que veut imposer le socle commun. Des Républicains à Horizon en passant par le Modem ou Renaissance, tous ces partis sont animés par le dogme d’un capitalisme dérégulé, de la casse des services publics et des solidarités. Les plus brutaux diront qu’il faut couper à la hache, métaphore anti environnementale et violente s’il en est. Il faut servir le marché roi au nom de la lutte contre les mauvaises dépenses. Telle la saignée qui vide le patient de son sang, la dépense publique serait une pathologie. Le gouvernement voit l’investissement comme une maladie contre laquelle il faudrait lutter. 

La dépense publique, mantra des néolibéraux, n’est utile que pour servir une politique de l’offre. Toute autre dépense serait contreproductive et serait responsable de la faiblesse de la croissance française. 

Utilisant le fardeau d’une dette écrasante, le (toujours) maire de Pau va même jusqu’à utiliser une image absolument mensongère, symbole de cette post-vérité qui devient malheureusement coutumière. Chaque personne serait ainsi dépositaire d’une dette de 50 000 euros…auprès de sa banque. Au-delà de l’image ridicule puisque toutes les dettes ne se valent pas, le fait de dire qu’elle appartient aux banques démontre la servilité du pouvoir à l’égard de la finance. Par ailleurs, la question n’est pas celle d’une dette qu’il faut gérer avec sérieux mais de sa finalité. Investir demain pour la recherche, les besoins sociaux, la nécessaire et vitale planification écologique sont autant de dépenses utiles. Plutôt que de se laisser dicter la commande des affaires par les marchés, il faut affronter ces derniers et reprendre la main par une politique monétaire au service du progrès humain. La Banque centrale européenne doit servir les investissements d’avenir et non ceux de la guerre. C’est le chemin pour retrouver une indépendance stratégique pour produire bien ici et satisfaire les besoins sociaux. 

Malgré un calendrier de concertation qui se tiendra jusqu’au 14 juillet, nous connaissons déjà le programme. Avec des poncifs éculés sur le temps de travail, la productivité et les dépenses sociales, la feuille de route  présentée par François Bayrou fait office de plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) à la Commission européenne. 40 à 50 milliards d’économies sont annoncés pour 2026. Ce qui était programmé avant la censure du gouvernement Barnier va revenir dans ce projet funeste de destruction sociale. Baisser les dépenses publiques de 6% d’ici à 2029 revient à fermer une nouvelle fois des services publics, à remettre en cause l’universalité de certaines prestations sociales, de à réduire l’autonomie des collectivités locales. C’est la notion même d’une égalité républicaine et de cohésion sociale qui se jouent ici. 

La tonalité grave du propos n’y fera rien et les libéraux n’iront pas chercher ce qu’ils ne peuvent justifier par des sondages : les travailleurs rejettent déjà la retraite à 64 ans, la baisse des allocations chômage, toute augmentation du temps de travail. Ce logiciel est impopulaire et totalement rejeté. On ne peut pas prétendre réarmer nos services publics comme l’école ou l’hôpital en coupant tout ce qui fait du commun. On ne peut pas évoquer l’avenir en coupant tout investissement. Les collectivités locales, les acteurs associatifs, les syndicats rejettent toutes et tous en bloc cette accélération d’une austérité XXL car tous devront faire des choix douloureux et dangereux socialement.

C’est ce qui a conduit à la montée de l’extrême droite en favorisant des destructions d’emploi au nom de la compétition économique mondiale, à une violence sociale et à une désaffection de nos concitoyens pour le bien commun. 

Prétendant défendre une souveraineté économique et une adaptation à l’environnement économique hostile initié par Donald Trump, François Bayrou ne fait en réalité ne fait qu’épouser le sillon de cette guerre commerciale. Il n’y aura pas de croissance supplémentaire avec de nouvelles mesures d’austérité qui plongeront encore plus la France et l’Union européenne dans la dépendance économique et industrielle, nous laissant spectateurs de cette nouvelle étape de la mondialisation.

Alors qu’a été annoncée une hausse du budget de la défense de 3% avec l’objectif d’atteindre 100 milliards par an en 2030, nous avons la confirmation des priorités données à la guerre au détriment des besoins sociaux.

Cette guerre aura donc son pendant social pour les travailleurs par des régressions contre leurs droits sociaux, par une nouvelle réforme des retraites. C’est pourtant tout cela qui a déjà conduit à la crise politique actuelle et a provoqué la dissolution, la censure du gouvernement Barnier. Pire, une hausse des impôts est présentée comme injuste. Ce qui est vrai…puisque ce sont les travailleurs qui paient toujours plus ! D’ailleurs, pendant qu’on bannit toute hausse d’impôt des plus riches (qui paient déjà moins proportionnellement à leurs richesses), le patron du MEDEF appelle à la création d’une TVA sociale ! Ce sont encore les plus modestes qui doivent payer ! 

Les discours infantilisants sur les déremboursements de médicaments sont absolument insultants quand on sait qu’un tiers du pays est classé en désert médical et que les pénuries de médicaments sont nombreuses. Ce message s’ajoute aux discours de division qui veulent faire porter le fardeau du coût social sur les étrangers ou de diversion, parlant de la fraude sociale (réelle) à environ 8 milliards quand la fraude fiscale est de plus de 80 milliards !

Seul totem : les aides publiques aux grandes entreprises et au capital ne sont évidemment pas remises en cause, un budget pourtant supérieur à celui de la défense, alors même que leur efficacité et leur contrôle restent largement à démontrer. 

Le capital sait que l’ensemble de ces mesures sont est impopulaires et a donc besoin d’un tour de vis autoritaire et brutal. A l’instar de ce qui se passe en Europe et ailleurs dans le monde, l’alliance avec l’extrême droite devient une perspective crédible et effrayante. Les forces de progrès, républicaines et démocratiques doivent voir cette menace et se mobiliser en responsabilité. 

Il faut empêcher de ce nouveau tour de force brutal et antidémocratique. Ouvrons les voies d’une économie de paix.

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