Bilan 2024

5 Jan 2025

En ce début d’année 2025, je souhaitais revenir avec vous sur des sujets qui ont marqué l’année 2024. Cette année a été dense avec des événements marquants qui sont autant de révélateurs de tendances de fond que parfois de surprises. Voici ce que j’en ai retenu. 

BRICS+

Cet acronyme incarne le forum des Etats dits du Sud global qui veut refonder les institutions internationales. Cette année 2024 a constitué l’élargissement du forum aux cinq Etats originels (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à cinq nouveaux membres. Représentant presque 50% de la population mondiale et 35% du PIB global, ce forum révèle le souhait des Etats non occidentaux de peser dans la marche du monde. Même si ces Etats ont des intérêts divergents et qu’il existe des tensions entre eux, la voix des continents asiatiques, africains, sud-américains est amenée à prendre plus de place dans les grandes décisions de demain. 

Colonial

On pourrait croire que ce terme est dépassé, cantonné aux siècles précédents. Pourtant…Il reste plusieurs situations coloniales dans le monde. La plus connue est évidemment la Palestine, dont les territoires sont occupés depuis plus de cinquante ans là où il devrait exister un Etat souverain, conformément aux résolutions de l’ONU et aux accords d’Oslo. 

Il y a d’autres situations similaires comme le Sahara-Occidental. De nouvelles formes de colonialisme émergent. A certains égards l’Ukraine, dont le projet russe ne consiste pas seulement à écraser son voisin mais à le vassaliser et nier son identité nationale, pourrait constituer une nouvelle situation coloniale si Moscou l’emportait. 

La France, ancienne puissance (néo)coloniale, s’est trouvée souvent du mauvais côté de l’histoire en soutenant les puissances occupantes israéliennes et marocaines mais aussi sur la scène intérieure. De toutes les crises en outre-mer, il en ressort ce poids colonial qui explique les souffrances de nos concitoyens ultra marins. Pire, en Nouvelle-Calédonie Kanaky, à Mayotte, ce ne sont pas seulement des problèmes économiques mais une relation brutale, déniant le droit des populations locales qui se fait jour. La banalisation du racisme et de l’islamophobie dans le débat public démontre la prégnance de représentations coloniales.

Coup de force

En plus de mépriser les mobilisations sociales, le président a foulé la volonté populaire exprimée dans les urnes. Il y eut pourtant deux scrutins cette année qui ont désavoué sa politique libérale autoritaire. Refusant de reconnaître la victoire (certes relative) de la gauche, Emmanuel Macron veut même accélérer sa politique. En plus de la crise économique et sociale, il se sert de tous les outils institutionnels à sa disposition pour servir le grand capital. L’alliance des forces libérales et de la réaction est la nouvelle tendance pour répondre aux exigences des marchés. 

Droit international

N’en déplaise à tous les Etats qui agressent leurs voisins et s’attaquent aux peuples, il existe un droit international. Malgré un affaiblissement certain de l’ONU, voulu par un certain nombre de grandes puissances, le droit international a été au cœur des débats. Le retentissement du mandat d’arrêt international émis contre les deux dirigeants israéliens Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant démontre le professionnalisme des juristes de la Cour Pénale internationale qui ont agi malgré des pressions scandaleuses à leur encontre. Un an après le mandat d’arrêt émis contre Vladimir Poutine, personne ne peut accuser ces juges de partialité. Même si l’instance n’a pas le pouvoir d’arrêter les dirigeants, elle appelle les Etats signataires de sa convention à prendre leur responsabilité pour faire appliquer le droit international.

La crédibilité des Etats occidentaux, qui se font les parangons de la morale et de la démocratie, sera jugée à l’aune de leur positionnement sur ce mandat contre un de leurs alliés. La France s’est une nouvelle fois vautrée dans l’amateurisme par un deux poids deux mesures concernant l’arrestation éventuelle de Benyamin Netanyahou. 

Front

Malgré les tentatives de division, le Nouveau Front Populaire tient bon. Lancé comme un cri d’alerte le soir de l’annonce de la dissolution, cette alliance électorale a réussi à mobiliser pour constituer une force prête à gouverner. Rejointe par les collectifs citoyens, des militants syndicaux, associatifs, elle a fait la preuve qu’il est possible de se retrouver à gauche sur des contenus de progrès, de justice sociale et de transition écologique. 

Elle a été le cœur du front républicain, que beaucoup disaient (voulaient ?) éteint, pour empêcher l’accession au pouvoir du Rassemblement national. 

Ce Nouveau Front Populaire doit s’enrichir et accueillir toutes les forces disposées au changement social. C’est la condition pour éviter la catastrophe souhaitée par le capital.

Génocide

Certains diront que c’est la justice internationale qui tranchera. Nous ne pouvons rester insensibles et spectateurs face à un massacre de masse qui se joue devant nos yeux. 

Après la procédure lancée par la Cour internationale de justice (CIJ) sur le risque plausible de génocide à Gaza, le mot n’est plus tabou et est désormais utilisé par des dizaines d’ONG internationales intervenant dans des théâtres de guerre. Comment pouvons-nous accepter que des massacres systématisés, visant toute la population palestinienne de Gaza, soient banalisés à ce point ? 

L’histoire nous regarde pour arrêter cela, sans plus attendre. 

Inflation

Pour les « experts », le phénomène est derrière nous. Pour la grande majorité des salariés, c’est encore le sujet de préoccupation du quotidien. La reprise économique post-Covid, largement enrayée depuis, a fait bondir les prix. La hausse des prix de l’énergie y est pour beaucoup mais c’est surtout l’irresponsabilité politique des gouvernements et des banques centrales qui ont utilisé les mauvais outils pour juguler le phénomène. Au lieu de bloquer les prix dans un certain nombre de secteurs, c’est la hausse des taux d’intérêt et la politique des chèques qui a prévalu. Les libéraux auront beau se féliciter, les impacts sont conséquents pour les classes populaires car ce sont les produits essentiels du quotidien qui ont été durement affectés. Après un pic d’inflation, il n’y a pas de déflation et les prix ne reviennent pas à leur niveau antérieur. Les 10% les plus modestes ont perdu 290 euros de pouvoir d’achat par an et par personne en 2023 (étude de l’INSEE). En comptant seulement l’année 2023, l’inflation a entrainé 1230 euros de dépenses supplémentaires par personne et par an, à consommation inchangée. Imaginez les conséquences concrètes pour une famille qui vit avec un SMIC…La question des salaires, des services publics se pose avec urgence. 

Jeux Olympiques

C’est la belle surprise de l’année. Après une séquence électorale intense et éprouvante, nos concitoyens se sont retrouvés durant la période olympique et paralympique. Plus qu’une simple trêve, cela a été une bouffée d’air frais, un moment de communion. La cérémonie d’ouverture, menée brillamment par le metteur en scène Thomas Jolly, a donne le la de grands moments. Elle a montré le plus beau visage de la France, fière d’elle-même et de son identité républicaine. 

Les performances incroyables de nos sportifs, qui sont les principaux acteurs de cet événement, sont inoubliables. Il faut marquer l’essai de cette séquence pour faire vivre le sport partout sur le territoire et pour tous les publics, ce qui suppose de sortir des critères comptables. 

Licenciements 

300 000. C’est le chiffre annoncé de licenciements dans divers secteurs, dont l’industrie en est le cœur. Cette hémorragie, prétextée par le gouvernement par le contexte économique difficile, est le fruit de politiques intolérables. La financiarisation de grands groupes, dans l’automobile notamment, les aides publiques sans contrepartie issues de la politique de l’offre ont affaibli nos savoirs-faire et causé ces fermetures de site. 

C’est l’échec de décennies de choix libéraux que les salariés paient encore une fois. Sur tous les enjeux stratégiques (énergie, automobile, économie de la connaissance), la France et ses voisins européens sont les spectateurs de cette nouvelle étape de la mondialisation.

Mains

Ces mains sont celles du Rassemblement national. En plus d’être sous surveillance des marchés financiers qui dictent leur programme économique, le gouvernement s’est mis sous la coupe des dirigeants de l’extrême droite. Rejetant sans honte la faute sur la gauche, Emmanuel Macron cherche non pas le compromis mais l’onction des fascistes pour teinter l’austérité de mesures racistes par une surenchère sécuritaire sur l’immigration. Pire, les « concessions » de Michel Barnier pour éviter la censure enrobaient d’un vernis faussement social les exigences du RN.

On voudrait faire gagner l’extrême droite aux prochaines élections qu’on ne s’y prendrait pas autrement par la légitimation au sommet de l’Etat de ses thématiques et de ses solutions.

Post-Vérité

Un des principaux réseaux sociaux est entre les mains d’un dirigeant de multinationale libertarien qui a décidé d’entrer en guerre contre ce qu’il nomme le wokisme. Elon Musk et Donald Trump, prochainement intronisé président de la première puissance mondiale, sont les figures de ce monde de la post-vérité. Toute opinion se vaudrait, quels que soient les faits. Ces grandes fortunes se font même les grands défenseurs de la liberté quand il s’agit d’écraser son voisin ou de faire taire son opposant. 

Il serait réducteur de cantonner ce phénomène aux Etats-Unis puisque partout dans le monde pullulent de telles figures en politique ou dans les médias. Ce populisme 2.0 tord la réalité sans vergogne : la gauche française n’est pas arrivée en tête aux élections législatives, les antiracistes sont les vrais racistes, la planète ne se réchauffe pas…

Le débat public et la démocratie sont chaque jour affaiblis par cette tendance autoritaire. 

Réchauffement

Nous avons battu le triste record de l’année la plus chaude jamais enregistrée. Une bien triste nouvelle pour notre planète et le vivant. 2024 a marqué le dépassement officiel de l’objectif de l’accord de Paris qui visait à maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5C° par rapport à la période pré-industrielle. 

En plus des événements climatiques extrêmes qui ont marqué les consciences (feux de forêts, inondations en Espagne, cyclone à Mayotte), c’est l’incapacité à construire des objectifs partagés lors des sommets internationaux sur le climat qui est affolante. Il est temps de se ressaisir. Seule une mobilisation populaire pourra placer les intérêts des peuples et du vivant au-dessus des intérêts financiers.

Retraites

« Si je la nomme [Lucie Castets], elle abrogera la réforme des retraites et augmentera le SMIC à 1600 euros, les marchés financiers paniqueront et la France plongera». Ces propos d’Emmanuel Macron, prononcés fin août en privé et dévoilés par la presse, révèlent à quel point cette bataille sociale de 2023 structure encore le paysage politique. Véritable brutalité sociale pour les travailleurs (qui ont rejeté à 90% cette mesure), doublée d’un déni démocratique par la procédure du 49.3, la réforme des retraites reste impopulaire. En retirant deux années de vie aux travailleurs, il accentue les inégalités dans un monde du travail précarisé. Même si le capital veut associer le rejet de la réforme à l’extrême droite, ce sont les organisations syndicales et les forces politiques du NFP qui portent l’exigence d’une abrogation avec des solutions crédibles pour pérenniser et améliorer un système de répartition solidaire. Le capital doit être ponctionné pour financer la solidarité nationale. Voilà le clivage de classe par essence. 

Viol 

Vous avez entendu parler de l’affaire Mazan et de la victime Gisèle Pelicot. Le procès qui a permis de faire condamner les cinquante hommes qui ont violé cette femme, sous emprise chimique, doit faire date. Il faut reconnaitre et combattre ce qui a permis cette horreur banalisée puisque ce sont des « hommes comme les autres », « normaux » qui ont été jugés et condamnés en ayant participé à un système organisé de viol. Oui, un viol organisé, répété qui a porté atteinte à l’intégrité physique de Mme Pelicot, mis en danger sa santé. Ces viols de masse ne sont probablement pas une exception. Nous connaissons toutes et tous une femme qui a subi une tentative d’agression sexuelle ou un viol. C’est la masculinité toxique, la culture du viol, cette emprise sur le corps des femmes qui permet le passage à l’acte. L’affaire Mazan est le révélateur d’un problème systémique, d’un patriarcat toujours aussi ancré dans nos sociétés. Les derniers mouvements qui ont permis de dénoncer les violences sexuelles dans plusieurs secteurs de notre société doivent être amplifiés. La libération de la parole doit être facilitée mais les violences sexistes et sexuelles doivent être éradiquées en amont. Alors que nous vivons un phénomène de backclash, d’un retour de bâton réactionnaire qui vise à banaliser les comportements sexistes au nom d’un virilisme retrouvé, il ne faut pas céder d’un pouce et avancer vers l’égalité réelle entre femmes et hommes. 

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