Entré en vigueur en partie depuis 2017, l’accord Union européenne-Canada (dit Ceta) est symbolique d’un libéralisme débridé. En plus de lever les barrières douanières sur l’essentiel des biens et des services, il ouvre la porte au dumping social et environnemental et à une concurrence effrénée.
Le gouvernement, après l’adoption en catimini durant l’été 2019 de cet accord en première lecture à l’Assemblée nationale, refuse jusqu’à aujourd’hui de l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat. C’est une dérive démocratique grave, car après le 49.3 pour imposer la réforme des retraites, les ordonnances pour couper le budget sans passer par le Parlement, le gouvernement refuse d’inscrire ce projet si important car… il n’est pas sûr de remporter le vote. Mais la démocratie n’est pas à géométrie variable !
Ce jeudi 21 mars fera date. À l’occasion de sa niche parlementaire, le groupe CRCE-K a décidé de redonner le pouvoir aux représentants du peuple en inscrivant, malgré les pressions, le Ceta à l’ordre du jour et offrira à chaque parlementaire l’occasion de se prononcer.
Le Ceta est un modèle destructeur pour l’environnement et nos conditions sociales, mais aussi nos services publics et nos petites et moyennes entreprises sur le volet investissement.
On peut penser à l’agriculture tout d’abord, où la mobilisation des artisans de la terre fait l’actualité. Alors que les clauses miroirs – censées éviter les distorsions de concurrence et refuser les produits importés dans des conditions de production interdites dans l’Union européenne – sont inexistantes, le Ceta va inonder le marché de poulets nourris aux farines animales et aux antibiotiques ou de colza dopé aux OGM. C’est donc une bombe sanitaire en plus d’être une menace pour notre agriculture.
Ces accords produisent également des régressions dans le droit du travail. Opposer les travailleurs et affaiblir leurs droits pour les soumettre à la logique du profit maximal : voilà le credo du libre-échange dérégulé. Surtout, les accords de libre-échange comportent des clauses sur le règlement des différends par des instances privées, hors de toute juridiction publique. C’est la porte ouverte à des accords financiers déresponsabilisant les acteurs privés qui violeraient des législations et fragilisant les fondements juridiques de nos démocraties européennes.
Le Ceta n’est malheureusement pas le seul. L’Union européenne continue d’en signer ou d’en négocier à tour de bras, comme le prouve la récente actualisation de l’accord économique avec le Chili, la validation de celui avec le Kenya, il y a une semaine, ou encore la poursuite des négociations avec les pays du Mercosur.
Le rejet de l’accord au Sénat serait un coup de tonnerre politique qui résonnerait bien au-delà du Palais du Luxembourg, dans toute l’Union européenne et par-delà l’Atlantique. Ce serait cohérent avec les attentes populaires, et en premier lieu celles des travailleurs, qui veulent vivre dignement de leur travail, mais aussi des citoyens qui veulent consommer de la qualité.
Le 21 mars doit ouvrir la page d’une renégociation de tous les traités de libre-échange en cours et, au-delà, d’une autre mondialisation, mutuellement avantageuse pour les peuples, un monde de coopération et d’échanges et non celui de la compétition.