Commémoration Jaurès – 31 Juillet 2024

1 Août 2024

Chers amis, chers camarades,
Permettez-moi de remercier l’ensemble des militantes et des militants, des organisateurs de notre événement annuel, de la préfecture de police de Paris dont on sait que JOP 2024 les mobilise fortement. Je les en remercie chaleureusement et je sais que toutes et tous sont attachés à assurer la continuité de nos activités dans le respect des contraintes de sécurité qu’impose un tel événement.
Il fallait tenir cette initiative car le souvenir d’un terrible événement et sa portée politique ne peut être mis de côté. Il ne peut pas y avoir de trêve sociale, ni du souvenir.

Nous commémorons en ce jour le 110e anniversaire de l’assassinat de Jean Jaurès. Jaurès était et reste une figure tutélaire de la gauche, de la République, de la France, il nous inspire et nous honore toujours.
Vous connaissez la signification de cette cérémonie, sur le lieu même où le député du Tarn et fondateur de l’Humanité fût lâchement assassiné par un ultranationaliste Raoul Villain. Nous commémorons cette tragédie car c’est bel et bien un véritable traumatisme mais également le marqueur d’une époque, un moment de bascule qui se déroula ici même, attablé avec les collaborateurs du journal dont Landrieu, Longuet, Poisson, Renaudel et Weill. « Jaurès est tué » s’écria Mme Poisson, à qui on prêtera l’exclamation « Ils ont tué Jaurès. C’est la guerre ». L’assassinat de la figure de la paix tétanisa les pacifistes et ouvra la porte à la grande boucherie de la Première guerre mondiale.
Dans l’édition du 1er août, dans un journal écrit à la hâte par des équipes traumatisées par le meurtre du directeur l’Humanité, la rédaction réagissait ainsi face à cet acte odieux : « quelque crime toujours précède les grands crimes…L’hécatombe exécrable que préparent à cette heure, dans leurs ténèbres, les partis militaires et les nationalismes de tous les pays aura eu pour prélude un monstrueux assassinat ».
Cette boucherie, c’est celle de la Grande Guerre, dont nous célébrons les 110 ans cette année, il faut le dire, dans un relatif anonymat, loin du souvenir nécessaire que nous devons pourtant nourrir afin de ne plus jamais revivre cette horreur.
Jean Jaurès a été ciblé pour ce qu’il incarnait, le promoteur d’un idéal républicain, celui d’une paix humaine entre les peuples qui voulait éviter à tout prix l’engrenage de la guerre. Loin des rancœurs et des haines, il portait avec les socialistes, son journal l’idée d’une fraternité universelle. Il se voulait le défenseur d’une société pacifiée où les relations sociales entre individus, entre peuples, entre Etats seraient régies par la recherche du bien commun et de l’émancipation humaine.
Cet assassinat politique était un signal : il ouvrait les vannes de la haine et de la violence totale. Parmi les éléments déclencheurs de la Première Guerre mondiale, on trouve bien celui de l’exécution d’un dirigeant politique de premier plan, engagé contre la guerre.
Les commémorations de la Première Guerre mondiale comme celles du Débarquement de Normandie et bientôt de Provence omettent régulièrement de rappeler les facteurs qui ont plongé le monde dans l’enfer de l’affrontement militaire.
Cette vague, c’est celle de la rancœur, de la vengeance des guerres perdues autrefois, de la guerre économique qui attise la concurrence en Europe et dans le partage colonial pour récupérer des marchés et des ressources dans une course au profit maximal. «  Le capitalisme porte la guerre, comme la nuée porte l’orage » nous prévenait pourtant Jaurès.
1914 est le point de fixation des grands bouleversements du monde. La course folle à l’armement avec la science qui fait faire des progrès considérables à l’humanité mais qui est détournée pour le profit de quelques-uns pour continuer à épuiser le vivant et la planète.
Cette ambiance guerrière s’accompagne du développement des médias de masse. La presse largement diffusée est déjà à l’époque un enjeu de pouvoir au service d’idées rances, de la polémique. Promouvant le nationalisme, les bas instincts, cette presse de caniveau de l’époque construit le ressenti, les préjugés antisémites, racistes, la haine revancharde anti-allemande. Surtout, elle alimente la peur, le bellicisme car le but était de préparer les esprits à la guerre et de la rendre inévitable. Les pacifistes, eux, sont traités comme des capitulards, la cinquième colonne de l’armée allemande et sont donc traités de parias. Être français, c’était selon la propagande d’alors vouloir la guerre !
La ressemblance avec la période actuelle est absolument saisissante. Il reste toujours difficile de comparer les époques mais il est clair que nous affrontons nous aussi des vents mauvais. Le souffle du conservatisme, de la concurrence de tous contre tous, celui d’une parole décomplexée qui humilie, qui divise plane au-dessus de nous. C’est le temps de la chasse aux pauvres, aux immigrés et à leurs descendants, aux syndicalistes, aux féministes, antiracistes repeints tantôt en terroriste, tantôt en wokiste sans savoir à quoi ce terme renvoie. Ce n’est pas grave car le but est de pointer du doigt pour que la « parole » alternative ne soit pas entendue. Le but est de disqualifier, discréditer. Vous êtes contre l’envoi de troupes au sol en Ukraine ? Vous êtes vendus à Poutine. Vous vous élevez contre le climat raciste antimusulman ? Vous êtes proches des Frères musulmans. Vous êtes contre le massacre en cours à Gaza ? Vous êtes vendus au Hamas.
Pire, celles et ceux qui s’élèvent contre ces idées nauséabondes, ces politiques qui dégradent le lien social et accentuent les inégalités sont désormais qualifiés d’ennemis de la République, de la France. Poursuivis ou menacés pour avoir dénoncé des scandales environnementaux, des lois injustes et infâmantes, des violences policières, des syndicalistes, journalistes, lanceurs d’alerte, simples citoyens sont désormais sur des listes de groupes fascisants, prêts à passer à l’action. Ils sont poursuivis pour motifs terroristes, par un Etat autoritaire, procédé indigne quand nous savons que ce fléau nous a meurtri ici en plein cœur de Paris.
Comparer d’ailleurs des militants de la justice sociale et environnementale à des terroristes islamistes qui ne portent que l’obscurantisme comme projet déshonore ceux qui prononcent ces mots.
Nous vivons une inversion invraisemblable des valeurs. Pour certains, la République, ce serait défendre la préférence nationale, les violences policières ou encore la chasse aux pauvres et aux immigrés.
Pourtant, faut-il rappeler que l’extrême droite a toujours combattu la République, de Boulanger à Le Pen, combattu la loi de 1905 sur la laïcité, quand la gauche l’a toujours défendu, parfois au prix de son sang.
Inverser les valeurs, détourner le sens des mots, c’est non seulement une défaite de la pensée mais aussi et surtout une manière d’effacer des repères pour continuer à ce que le système capitaliste continue son œuvre destructrice. C’est une stratégie délibérée de créer la confusion et de fracturer la population sur des idées de division, quitte à confier le pouvoir à l’extrême droite qui apparaît pour le capital une alternative enviable à Macron. L’Hôte de l’Elysée a donc réussi en un septennat à décomposer et recomposer la vie politique française, sur fond de médiocrité du débat intellectuel, en laissant place à des technocrates qui n’ont fait qu’imposer une vision : la leur.
Ce même capital n’est pas en reste puisqu’il renvoie dos-à-dos le NFP et l’extrême droite, renvoyant dos à dos victime et bourreaux, quelques mois après la panthéonisation de Mélinée et Missak Manouchian.
Nous ne pouvons accepter ces comparaisons indignes. En renvoyant dos à dos les « deux extrêmes » comme ils disent, ils se placent dans un centre qui incarnerait la modération. Mais lorsque ce pseudo centre, très à droite, disons-le, n’arrive plus à gouverner, alors le capital demande un nouveau tour de vis sécuritaire et n’exclut plus de confier la destinée de la Nation à l’extrême droite. Voici les vraies raisons de la dissolution. Un Président impopulaire après sept années de politiques libérales et autoritaires ouvrant un boulevard aux héritiers du pétainisme.
C’est pour toutes ces raisons qu’il nous faut faire bloc. S’unir pour changer les choses, tenir le cap ensemble. C’est l’esprit de responsabilité qui doit nous guider face aux périls qui nous menacent.
La division n’est pas bonne conseillère. Pire, elle démobilise et fait croire que des divergences seraient insurmontables à celles et ceux qui comptent sur nous. Le dialogue, la forme nécessaire du débat en démocratie, le fruit de l’intelligence collective : voilà la méthode à adopter. « Se concerter et délibérer cordialement pour l’action commune » comme aimait à le dire le fondateur de l’Humanité.
Jaurès y a consacré sa vie en unissant les socialistes encore plus divers qu’aujourd’hui, entre modérés et révolutionnaires. Oui, lorsque le péril est là, il ne faut pas faire l’autruche, ni badiner. Je ne dis pas qu’il faut annihiler tout débat de fond ou stratégique. Il faut évidemment le faire vivre et les faire « trancher » par le peuple.
Mais si demain, l’extrême droite arrive au pouvoir, la gauche sera éclatée, divisée et c’est l’idée même de gauche qui peut être marginalisée, voire disparaitre. Trop de camarades en Grèce, en Italie, au Maghreb l’ont vécu ! Lorsque l’extrême droite arrive au pouvoir, on ne sait jamais quand elle part et dans quel état elle laisse la démocratie. Trop de nos camarades ont vécu les procès, l’enfermement, les interdictions pour que nous ne prenions pas la menace au sérieux.
Le Nouveau Front Populaire aura besoin de toutes ses composantes, socialiste, insoumise, écologiste, communiste et des forces vives, syndicales, associatives, parties prenantes des combats à venir pour enclencher des mobilisations victorieuses et changer la vie.
J’ai toujours pensé que nos différences n’étaient pas une faiblesse mais au contraire une force mais aussi un atout. On ne se rassemble pas qu’avec les siens mais avec des forces, des personnes avec qui nous partageons un socle d’objectifs ou de valeurs communes, mais pas identiques, dans le but d’élargir cette base pour devenir majoritaire.
C’est surtout parce que c’est une démarche, un chemin à construire collectivement qu’il nous faut avancer ensemble, modestement et avec gravité. En ces temps où la démocratie est bafouée, le courage est « toujours de chercher la vérité et de la dire ». Nous sommes à l’heure de la post-vérité et de la médiocrité du débat public qui noie tout. La complexité, la nuance sont réduites à néant par des constats alarmistes, des solutions simplistes en instrumentalisant des souffrances réelles.
Rappelons-nous que ceux qui font des listes de personnalités à abattre, s’en prennent aux homosexuels, aux migrants, aux jeunes de nos quartiers et se délectent de nos divisions. Il faut donc toujours faire bloc lorsque les attaques viennent de la droite et de l’extrême droite. Baisser la tête, laisser penser qu’il y aurait des divergences insurmontables entre nous, c’est laisser le poison de la division s’installer. Et surtout, lorsqu’un camarade sera mis à terre, lorsque la vindicte populaire de l’extrême droite l’aura terrassée, alors viendra notre tour. Même si parfois, on aurait pas dit « telles phrase de la même manière », même si parfois on est en désaccord, faisons bloc ; toujours, tenons la tranchée, ne reculons jamais face aux attaques infamantes, résistons à la pensée dominante libérale, autoritaire ou raciste. De notre unité dépend notre victoire. D’autant plus que des milliers de Raoul Villain des temps modernes attendent le signal pour appliquer leur projet violent. Notre journal, avec d’autres médias, est ainsi dans le collimateur de ces groupuscules fascisants.
Permettez-moi d’insister sur l’extrême droite. A chaque moment de cristallisation, elle a toujours rappelé ses fondamentaux de haine, antisémites, racistes. La polémique de la dernière semaine de campagne des législatives sur la marginalisation de nos concitoyens bi-nationaux trace une ligne claire. L’extrême droite veut une société d’apartheid, de classification sur des bases ethniques. Combien de candidats ou militants du RN, de Reconquête et de leurs alliés qui se prennent en photo avec une casquette de la Wehrmacht, font le salut nazi, tiennent des propos racistes ? Combien de dérapages odieux qui ne sont plus des dérapages mais une ligne de conduite ? Le racisme est un élément structurant leur projet de société. Le vote pour ce courant d’idées est donc forcément marqué de ces idées nauséabondes.
Bien sûr, le vote pour l’extrême droite est aussi marqué par le recul de la République, des services publics, de la vie qui se dégrade. Mais ce qui unit, ce qui fait le lien, c’est un racisme, cette peur de l’autre, celle d’une France fantasmée qui honnit une autre France car elle ne lui ressemblerait pas. Pourtant, du haut des tours, au centre des bourgs, nous sommes tous touchés du même mal. C’est ce capitalisme qui nous épuise et contre lequel il est temps de s’unir pour le dépasser.
Pour faire reculer ces idées, il faudra donc combattre et mener la bataille culturelle et idéologique sur ce terrain. Ne plus laisser passer un mot, une soi-disant blague, qui infériorise nos compatriotes pour leur couleur de peau, leur religion supposée, leur orientation sexuelle. Il faudra avec le Nouveau Front Populaire remettre au cœur des grandes mesures une dimension de prévention, d’éducation populaire autour de cette bataille cardinale qu’est l’antiracisme. C’est un enjeu pour revitaliser notre République qui nous est chère, dont je rappelle dans sa devise, il y a le mot fraternité qui est le ciment qui unit la liberté et l’égalité.
Frapper ensemble et de manière concertée, complémentaire est nécessaire et vital : « tous ceux-là sont les soldats de la même armée, les combattants du même combat, les frères de la même espérance » dans son appel à l’unité socialiste en 1897.
Les médias jouent un rôle essentiel, fondamental dans cette société de l’information transformée en spectacle. La gauche a eu raison de mobiliser à l’Assemblée son énergie pour appeler à une régulation contre des médias ouvertement porteurs d’un projet réactionnaire. Des milliardaires rachètent titre sur tire en presse écrite, télé ou encore radio. Mais qui nous fera croire que c’est par philanthropie ? C’est un projet de société qu’ils veulent façonner en imposant leurs thèmes comme l’ont montré les révélations de l’Humanité du milliardaire Stérin qui investit 150 millions pour un projet, nommé Périclès, unissant les droites dans un projet conservateur et réactionnaire.
Leur but est d’associer chaque enjeu à l’immigration, à l’idée d’un corps national menacé par le désordre. Le climat : c’est la faute des immigrés. Le chômage : c’est la faute des immigrés. La cérémonie d’ouverture des JOP : bon ça, c’est la gauche bobo wokiste. C’est aussi la survalorisation des faits divers, la généralisation des faits de société, et un discours de guerre permanent.
En plus de la télévision, les réseaux sociaux saturent les esprits et participent à l’appauvrissement du débat public. L’invective, la haine sont des pratiques normalisées.
Il y a donc un enjeu de lecture à regagner pour permettre de développer l’esprit critique. Il n’y a pas d’action révolutionnaire sans pensée révolutionnaire. C’est aussi un autre rapport à l’information et au temps.
Une nouvelle loi anti-concentration est nécessaire pour empêcher la mainmise par quelques milliardaires. Si on s’est réjoui du non renouvellement de la délégation de C8, la réalité est que Bolloré possède encore 6 chaines, avec désormais Kretinsky, Bouygues et Saadé à ses côtés. Vive le pluralisme !
Les conditions de production de l’information étant primordiales dans l’exercice du métier de journaliste, il faut renforcer le statut des professionnels de l’information pour les dégager de tout arbitraire ou de toute pression. Il nous faut également collectivement empêcher le démantèlement de l’audiovisuel public et au contraire le renforcer. A l’heure du numérique, de l’émergence de l’IA, un grand pôle public d’information est un impératif démocratique.
L’Humanité, comme vous le savez, est particulièrement mobilisée pour faire vivre le pluralisme et d’être la voix des sans voix, ce journal des possibles et des luttes d’émancipation. Porteur des idées de transformation sociale, révolutionnaires même, nous fêtons nos 120 bougies cette année. Par de nombreuses initiatives dans les territoires, nous voulons montrer le visage rénové de l’Humanité qui se déploie dans les espaces numériques et prochainement avec un quatrième média télévisuel en ligne. Comme au premier jour, notre force repose sur nos lecteurs pour diffuser nos titres et participer à élargir le soutien financier, politique. Nous serons présents encore et toujours pour ne pas laisser l’espace médiatique au grand capital et continuer à être indépendant et libre. Les menaces, les intimidations ne nous feront pas taire ! L’Humanité est et restera le journal de la paix, des luttes sociales et environnementales, féministe, antiraciste.
Il nous faut mener la bataille culturelle et la guerre idéologique. Il s’agit de reprendre la main idéologiquement pour rendre majoritaires les idées de progrès, de partage, de solidarité qui fondent notre contrat démocratique et social.
Cette bataille se gagne dans les esprits et dans les cœurs.
Par les mots, les contenus, il faut imposer nos thématiques. Un programme se vit par son aspect désirable et en même temps concret. Cela implique de mener le débat partout dans les médias bien sûr, mais aussi là où la sociabilité se fait dans les quartiers, les bourgs, les lieux de travail et de formation.
Par les cœurs, ce qui implique de la proximité, du lien régulier. C’est régler un problème administratif, faire partir des familles populaires à la mer ou au théâtre, participer à une collecte alimentaire pour répondre aux besoins.
C’est enfin et surtout créer les conditions de victoires sociales, de conquêtes politiques à l’Assemblée bien sûr mais aussi dans les instances de pouvoir partout où c’est possible pour changer la vie. C’est donner à voir qu’on peut transformer le monde par des actes immédiats. Engager un premier vote à l’Assemblée sur la réforme des retraites ou par la suite augmenter le SMIC seraient des marqueurs forts de reconnaissance pour les travailleurs et les travailleuses.
C’est à une complémentarité des modes d’actions que nous devons réfléchir. C’est le sens même de la démarche du Front populaire dans son esprit originel. Le débat et la bataille dans les institutions auront besoin de soutien populaire, des initiatives partout sur le territoire. Manifestations, réunions publiques, conférences et bien d’autres initiatives sont les bienvenus.
C’est parce que la démocratie est la réalisation de la paix, que la dispute se fait par le verbe et non par les armes. En ces temps où les rassemblements se font au cri de « Unité » et « Ne nous trahissez pas », d’appels à travailler ensemble, nous devons être à la hauteur de ce moment historique.
Cette paix est aussi un mode de rapport entre les peuples sur la scène internationale.
La paix est un projet politique, une bataille permanente. Si nous n’avons pas obtenu une paix perpétuelle, notre époque dérive malheureusement lentement vers un état de tensions voire de guerre généralisée avec des armes de plus en plus lourdes, aux effets dévastateurs pour les populations civiles.
Les conflits gelés, non résolus, ont retrouvé une vigueur dans le tumulte des inégalités et des appétits de puissances émergentes. Les fondamentalismes, religieux, nationalistes ont alimenté les discours de puissance, d’empires quand ici en Europe, aux Etats-Unis, en Russie, membres permanents du Conseil de sécurité, on s’affranchissait du droit international. L’extrême droite, populiste, nationaliste et fascisante à laquelle nous avons échappé de peu ici est, dans de nombreux Etats, le symptôme et l’accélérateur de cette guerre que certains veulent totale.
La guerre concerne plus d’un tiers de l’humanité, des guerres conventionnelles aux conflits hybrides entre groupes armés et Etats. Les budgets militaires atteignent des records sans précédent pour s’élever à plus de 2 200 milliards. La recherche est tournée vers cet objectif belliqueux et les évolutions scientifiques comme l’Intelligence artificielle sont tournées vers la recherche d’un avantage militaire.
Je ne peux taire ici la situation en Ukraine évidemment. L’ignoble guerre lancée par la Russie pour détruire son voisin est inexcusable, injustifiable. Ayant des impacts concrets et proches puisque c’est une guerre sur notre continent, cette guerre déchire chaque jour un peu plus les principes du droit international. Au motif d’une réécriture complète de l’histoire, le Kremlin et son dirigeant Vladimir Poutine nient le droit du peuple ukrainien à exister. Un peuple ukrainien martyrisé, déchiré entre des familles et les hommes combattant pour résister et empêcher la défaite. Un peuple russe, pris dans l’autoritarisme et l’économie de guerre où toute voix dissidente est éteinte par un pouvoir qui voit dans toute contestation la main d’un progressisme qu’il honnit.
Je veux également rappeler ici : ces derniers jours, les bombardements intenses à Gaza ou à l’hôpital pédiatrique à Kiev ont rappelé l’horreur de la guerre. Quel enfant mérite d’être tué au nom de la folie des hommes ?
De ces conflits, notre humanité doit nous porter du côté des victimes et de la recherche d’une issue, d’un dialogue qui prend la forme de la diplomatie sur la scène internationale. Cela consiste à discuter avec l’ennemi, celui qu’on abhorre. C’est le chemin nécessaire pour trouver une issue.
Il faut pour cela traiter les racines des conflits, en toute responsabilité. Les racines sociales de conflits durables, ce qu’on avait établi au moment de notre université de la Paix en mai dernier, au Pré-Saint-Gervais, sur cette terre où Jean Jaurès avait proclamé son discours de 1913 contre la loi des Trois Ans préparant la conscription militaire. Quand la faim, le dérèglement climatique ou les problèmes sanitaires poussent 20 millions de personnes par an sur les routes de l’exil, l’humiliation et la misère créent une armée de réserve disponible pour les conflits de demain si nous laissons faire.
Construire partout des architectures de sécurité collective pour les peuples, répondant aux besoins sociaux, économiques. Mais aussi environnementaux, j’y reviendrai.
En Europe, au Proche-Orient, c’est bien la solution politique qui doit prévaloir. Si un cessez-le-feu est à chaque fois une étape nécessaire, la paix ne peut être le simple arrêt des combats.
La paix doit être juste, reconnaître le principe d’égalité entre peuples. Cette justice est fondamentalement sociale comme le proclame l’Organisation internationale du Travail : « Pas de paix sans justice sociale ».
Cela motive notre rejet de la colonisation, de l’occupation qui, au nom de la gloire d’un Etat ou d’un Empire, font du mal tant au peuple colonisé qu’au peuple colonisateur. Notre rôle est d’entendre ces voix, étouffées, minoritaires mais dignes, vivantes en Israël, en Russie, et partout ailleurs qui veulent aussi que cesse qu’on écrase son voisin en leur nom.
C’est aussi cet esprit qui doit nous guider dans la solidarité avec les autres peuples en guerre : de la République démocratique du Congo, au Yémen, dans la bande sahélienne, en Birmanie. C’est enfin cet esprit qui doit nous alerter sur les risques majeurs de conflagration avec une possible extension du conflit proche oriental au Liban et surtout en Asie-Pacifique.
La Palestine cristallise beaucoup de passions, de discours haineux ou revanchards. Je n’aurais qu’une formule pour avancer vers une solution : le droit international. Ce qui a prévalu à la création d’Israël et qui doit dès maintenant permettre d’avancer vers la reconnaissance d’un Etat de Palestine. Le droit à la sécurité pour les deux peuples et les deux Etats, israélien et palestinien, dans le respect des résolutions onusiennes. Les victimes civiles méritent notre compassion et que leurs familles, meurtries, puissent voir leurs bourreaux être jugés pour les crimes de guerre qui ont été commis.
Et pourtant, à force de s’enfoncer dans l’engrenage militariste, nous éludons le grand défi qui s’annonce et qui devrait nous unir : la course contre le réchauffement climatique. Cet argent dépensé pour la course aux armements, cet argent contracté quand il s’agit de répondre aux besoins sociaux ou à l’adaptation au réchauffement climatique sont autant de mauvais choix qui nous pénalisent pour l’avenir.
Si nous n’y prenons pas garde, c’est la guerre de l’eau, des terres arables à l’heure où la sécheresse menace notre production alimentaire qui nous guette.
En érodant les capacités de formation, de recherche, nous bouchons des perspectives pour la production de demain, pour trouver les solutions qui nous permettront de nous adapter.
Comme la guerre, le dérèglement climatique fera des victimes de manière indiscriminée. Ce seront évidemment les plus vulnérables, les plus fragiles qui en paieront le prix fort.
Chers amis, chers camarades, le péril est grand mais je sais qu’il existe des forces disponibles pour réussir le changement, pour en finir avec ce monde injuste. L’attachement à la République est réel dans ce pays comme l’a montré le sursaut populaire de début juillet. Cette République, qui est notre bien le plus précieux et le garant de notre vie commune, doit être rénovée et refondée pour répondre aux immenses défis de notre époque.
Salaire/Paix/Climat : voilà le triptyque d’un ordre véritablement juste, l’objectif fédérateur des batailles à venir, le ciment d’un contenu programmatique réellement transformateur.
Salaire car nous ne pouvons accepter des écarts de richesse abyssaux qui font qu’une frange croissante du monde du travail ne peut plus vivre décemment. La part des salariés au SMIC est passée de 12 à 17% sous le mandat d’Emmanuel Macron quand les 500 plus grandes fortunes ont vu leur patrimoine progresser de 115%. Dans un monde déréglé où l’argent roi coule à flots pour une minorité, l’injustice sociale génère le désordre et le repli.
Paix, car comme je le disais il nous faut remettre une culture de paix, un mode pacifié de résolution des conflits.
Climat car c’est plus qu’une urgence. Nos conditions de vie sont en jeu et au-delà de la nécessaire décarbonation de nos modes de productions et de consommation, c’est notre rapport au vivant et à la nature qui doit évoluer. L’enjeu environnemental est un défi philosophique et anthropologique sur la place de notre humanité sur notre planète.
Je vous donne rendez-vous à la Fête de l’Humanité pour porter cette exigence commune et avancer ensemble. Porter l’espoir et l’esprit combatif, rassembleur de Jean Jaurès. Pour une république exigeante, qui applique réellement les principes qui sont au fronton de nos édifices publics. Pour une république sociale qui porte une démocratie sociale au service de la classe des producteurs. Pour une France généreuse, fraternelle par-delà ses frontières.
Je vous remercie.

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