Systra est aujourd’hui le numéro un français des groupes d’ingénierie en matière de transport ferroviaire et urbain. Son influence s’étend désormais sur l’ensemble de la scène internationale : depuis 2010, le groupe a acquis plus de 20 sociétés sur plusieurs continents, élargissant ainsi son effectif de 4.100 salariés et son chiffre d’affaires de 460 millions d’euros cumulés.
Ce groupe, né de la fusion de deux sociétés appartenant à la SNCF et la RATP, avait l’objectif de rassembler cette ingénierie publique et innovante au service du transport ferroviaire. Ce pari a été gagné : de nombreux grands chantiers ont pu voir le jour sous maîtrise d’œuvre Systra comme, pour les plus récents, une partie des prolongements de ligne de métro du Grand Paris (Ligne 4 ou 14 par exemple).
Présentée comme le numéro 3 mondial du secteur, la marge d’exploitation de Systra a atteint 7,7% de son chiffre d’affaires en 2023, qui s’élève quant à lui à environ 1,1 milliard d’euros. Ses entrées de commandes ont grimpé de 50 % depuis 2021.
Actuellement, la SNCF et la RATP restent détentrices chacune de 43,4 % des parts, assurant un droit de regard de la puissance publique sur les choix et l’activité du groupe ; alors que le groupe est en pleine santé financière, les deux entités ont annoncé leur choix de revendre 58% de leur part et de n’en conserver que 20% chacune, ce qui aura pour conséquence de les placer dans une situation d’actionnaire minoritaire.
Cette cession se ferait au profit du fonds de gestion « Latour Capital » qui a pour objectif de : « faire passer le chiffre d’affaires à 2Mds d’€ en 2030 ». Selon Jean Castex, directeur de la RATP, cette opération doit permettre à Systra de « financer son développement et de garantir son indépendance stratégique », a souligné Jean Castex, PDG de la RATP.
Vu ces annonces desquelles il ne ressort aucun projet industriel spécifique, il y a fort à parier que cette hausse attendue du chiffre d’affaires ne pourra se faire qu’avec une nouvelle augmentation des politiques d’acquisitions d’entreprises ; cette priorité donnée aux moyens de croissance externe au détriment d’une croissance interne basée sur l’innovation et le développement de l’outil de travail conduira à une croissance artificielle.
Cette stratégie économique apparaît délétère. Les modèles économiques privilégiant les rachats sans projets industriel solide, dans le seul objectif de faire monter le chiffre d’affaires et la côte de ses actions reste une stratégie de court-terme, au seul profil d’intérêt minoritaires, et au détriment de la préservation des savoir-faire, des emplois et des compétences.
Alors que le groupe affiche une pleine santé financière, un fonds d’investissement de 3.1 milliards d’€ d’actifs est capable d’acheter Systra, pourquoi l’Etat serait-il incapable de le conserver ?
C’est là le signe d’une volonté inquiétante : l’Etat fait le choix de se séparer de leviers utiles au développement du pays.
Aussi, il souhaiterait savoir ce que le gouvernement entend faire pour conserver un actionnariat publique majoritaire, et s’opposer à la cession des parts de la SNCF et de la RATP au fond de gestion Latour Capital ?