COP 16 : irresponsabilité humaine face au vivant

13 Nov 2024

La COP 16 pour la biodiversité s’est achevée ce dimanche 3 novembre à Cali. Ce sommet avait pour but de poursuivre les travaux de l’édition précédente et de répondre à un enjeu vital : la préservation de la biodiversité. Dans les débats, au moins ceux considérés comme rationnels, sur le dérèglement climatique, la biodiversité n’est pas forcément perçue comme un enjeu majeur. Pourtant, un million d’espèces est menacée directement d’extinction dans les prochaines décennies. Cela serait la sixième extinction de masse la plus rapide et provoquée par les activités humaines liées à la période industrielle, qu’on appelle communément l’anthropocène. Cela tend à être normalisé mais les précédentes extinctions de masse ont été des processus longs sur plusieurs siècles dans un cycle d’évolutions de formes du vivant et du climat. C’est donc une anomalie et un danger que nous provoquons contre l’ensemble des formes de vie. Un million d’espèces qui disparait, ce sont des espèces qui meurent en raison de pollutions diverses de l’air, des sols, des eaux, des activités diverses qui empiètent sur les écosystèmes. Cela provoque en cascade des changements dans la chaine alimentaire. La disparition d’une espèce en provoque d’autres. Les arbres, dont chacun admet le caractère essentiel au développement de la vie, sont menacés pour un tiers d’entre eux. Il ne s’agit pas seulement des forêts primaires mais de centaines d’essences dont les conditions sont mises à mal par le réchauffement climatique prévu à 2° C. Alors que nous avançons vers les 3,1°C, de nombreuses autres espèces seront impactées.

Préserver le vivant, ce n’est pas symboliquement sauver les ours blancs pour nos enfants ou la beauté de la nature, c’est indispensable car nous fonçons vers l’abîme. Nous sommes menacés dans nos conditions d’existence puisque nous sommes interdépendants des autres formes de vie. Même en pensant de manière égoïste, nous devons agir. A l’heure où la santé environnementale est reconnue comme indispensable à notre bien-être, agir pour la biodiversité n’est pas une chose secondaire. D’ailleurs, en dégradant des formes de vie, nous laissons souvent place aux espèces invasives, dangereuses pour notre santé.

Le précédent sommet consacré à la biodiversité a établi des objectifs quant à la préservation des espèces en garantissant des zones protégées pour assurer leur reproduction. C’est l’accord Kunming-Montréal qui prévoit de protéger 30% des mers et des terres et de restaurer 30% des écosystèmes dégradés. Un objectif louable que devait concrétiser ce sommet en Colombie, symbole d’un pays qui veut agir pour la justice climatique, à savoir un effort partagé au niveau international pour que cet enjeu ne soit pas une nouvelle fracture entre le Nord et le Sud.

Objet de négociations entre Etats, organisations internationales, ONG et collectifs, l’issue de ce sommet est encore décevante. Il y a évidemment des avancées comme la reconnaissance d’une inégalité et d’une injustice historique entre Nord et Sud. Le fonds mondial biodiversité a été reconnu et abondé à hauteur de 400 millions d’euros. Un fonds dit Cali sera financé par les dons d’entreprises qui font des bénéfices à partir de données génétiques. Les peuples autochtones ont obtenu leur reconnaissance par un groupe permanent qui sera consulté pour les questions relatives à la coexistence humaine dans les espaces protégés ou de pratiques coutumières respectueuses de l’environnement.

Ce sont évidemment des avancées salutaires et non négligeables mais rien ne peut masquer ce sentiment désagréable que la loi du profit reste le totem intouchable alors qu’elle contribue à saccager la biodiversité. Du Fonds Cali aux crédits biodiversité qui permettent de payer des destructions de nature (comme les crédits carbone), financer des réparations est toujours plus dangereux et dépensier que de laisser la nature en l’état.

Les moyens financiers sont importants mais ils ne doivent pas occulter le besoin de changer de logiciel. Si les accords commerciaux internationaux ou les guerres continuent de dégrader la nature pour assouvir des enjeux de puissance ou des intérêts d’une classe prédatrice, cela ne règlera pas l’immense défi auquel nous faisons face.

La preuve en est que seuls 17,6% des terres et des eaux intérieures et 8,4% des océans et zones côtières se trouvent aujourd’hui dans des zones protégées, loin de l’objectif de 30%. Il faudrait sanctuariser par ailleurs l’équivalent d’un territoire comme le Brésil pour réaliser le dernier défi de 30% d’espèces renaturées.

L’Union européenne n’a pas été au rendez-vous en refusant un fonds de péréquation pour les pays les plus pauvres. En rabotant son propre « Green Deal », sous la pression des milieux d’affaires et des climatosceptiques, cette institution a démontré qu’elle n’était pas un fer de lance d’un combat pourtant vital.

On nous rétorquera que les zones les plus pauvres du monde ont besoin de pouvoir se développer et d’utiliser un certain nombre de ressources. C’est certes vrai mais il faut partout privilégier les techniques les plus vertueuses sur l’environnement, ce qui nécessite des coopérations et non des logiques de concurrence. C’est un monde de biens communs qu’il faut faire émerger par une coopération via les instances internationales. C’est aussi une révolution copernicienne dans les rapports collectifs et individuels entre les humains et les autres formes de vie qu’il faut construire.

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