Ce jeudi 21 novembre marque un tournant dans la justice internationale. La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt international contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant (membre du cabinet de guerre) et Mohamed Deïf, chef de la branche militaire du Hamas, dont on ne sait s’il est encore en vie.
Ce sont les actions terroristes du 7 octobre 2023 qui sont visées pour le responsable de l’organisation islamiste et les bombardements indiscriminés menés par le cabinet de guerre israélien pour les deux dirigeants de Tel Aviv jusqu’à la date du 20 mai 2024.
Cela signifie que ces trois personnes devront être arrêtées à partir du moment où elles posent le pied dans un pays signataire du statut de Rome et de les remettre à la Cour Pénale internationale.
C’est donc un coup de tonnerre puisque les procureurs ont décidé à l’unanimité de proclamer cette décision. Cela faisait six mois que la décision était en attente. Il est certain que de nombreuses pressions, notamment occidentales, ont été établies contre le chargé du dossier Karim Khan, jusqu’à tenter de le déstabiliser personnellement. Le gouvernement israélien n’a pas tardé à réagir. C’est évidemment l’invective odieuse et l’instrumentalisation odieuse de l’antisémitisme qu’a utilisé Benyamin Netanyahou, n’hésitant pas à comparer cette procédure juridique à l’affaire Dreyfus.
Le nouveauté consiste en réalité dans le fait que pour la première foi, un dirigeant d’un allié occidental est poursuivi. Cela démontre l’indépendance des magistrats de la juridiction spéciale qui ont instruit le dossier avec sérieux et compétence, poursuivant les commanditaires des crimes de deux parties. Après avoir poursuivi des dirigeants de régimes dictatoriaux, impliqués dans des guerres en Afrique notamment, ou plus récemment Vladimir Poutine pour les crimes de guerre en mars 2023, la juridiction démontre qu’elle traite les dossiers sans exclusive. Les accusations abjectes de Tel-Aviv sont donc hors propos.
Pourtant, les faits sont accablants : le massacre des populations civiles, les discours haineux et déshumanisants visant les Palestiniens, les déplacements forcés, le blocage de l’aide humanitaire. Les conventions internationales relatives aux traitements des populations civiles, des réfugiés ont été absolument niées depuis le début de l’opération « Glaive de fer ». La réaffirmation du caractère illégal de la colonisation israélienne par la Cour internationale de justice, l’instruction pour risque de génocide de cette même cour, validé par un comité spécial de l’ONU démontrent l’ampleur des crimes commis par l’armée israélienne. La volonté de rendre invivable la bande de Gaza, en tout cas sous une organisation sociale par et pour les Palestiniens est réelle au regard de l’ampleur des dégâts matériels et surtout du massacre. L’annonce de l’annexion prochaine de la Cisjordanie par le gouvernement israélien renforce l’idée que c’est un projet national palestinien qui est empêché.
Après l’humiliation du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot lors de son déplacement à Jérusalem il y a quelques jours, la diplomatie française reste bien silencieuse. Le porte-parole du quai d’Orsay répondant que c’est une situation « juridiquement complexe » quand on l’interroge sur l’éventuelle arrestation d’un dirigeant israélien.
Il est à craindre que les autorités israéliennes foulent au pied cette procédure judiciaire. Dans un monde où les institutions internationales et le droit international sont attaqués régulièrement dans leurs fondements, ces dirigeants savent qu’ils ne craignent rien en l’état. Le retour de Donald Trump à Washington va de plus renforcer ce sentiment d’impunité puisqu’il se constituera comme le parrain de Tel Aviv. La loi du plus fort, voire le Far West, semble être la tendance dominante sur la scène internationale.
La période sera instructive sur les réactions des uns et des autres et notamment des pays européens qui seront attendus au tournant. Vont-ils faire preuve de la même fermeté vis-à-vis du mandat international contre Netanyahou que celui contre Poutine ? Il faut affirmer le caractère universel de la justice internationale qui s’adresse à toutes et tous. Les pays du Sud global reprochent légitimement aux grandes puissances leur double standard et le fait que le droit international est utilisé à géométrie variable. Le monde n’a pas oublié les opérations criminelles, unilatérales ou outrepassant les mandats internationaux, en Irak, en Lybie, en Tchétchénie avec les désastres qu’elles ont engendrées.
La France doit porter une voix forte et appeler à ce que justice se fasse partout. Elle peut agir en reconnaissant sans plus attendre l’Etat de Palestine dans le cadre des résolutions onusiennes, soit dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale. Les députés ont montré l’exemple cette semaine en transformant le groupe d’études à vocation internationale sur la Palestine en groupe d’amitié comme pour reconnaître l’Etat palestinien.
Cette reconnaissance est le chemin vers une paix juste et durable, reconnaissant l’existence des peuples vivant d’égal à égal et le caractère universel des principes qui fondent notre humanité.