M. Fabien Gay demande à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités si la création d’un observatoire des personnes mortes au travail est envisagée par le Gouvernement.
Pour l’année 2022, le rapport annuel de l’assurance maladie indique près de 738 morts au travail, soit 93 de plus qu’en 2021.
Ce chiffre alarmant reste en deçà de la réalité : il ne prend pas en compte les décès intervenant lors des trajets entre le domicile et le travail ou causés par des maladies liées au travail, et seuls les salariés du privé cotisant au régime général sont comptabilisés, excluant de fait les fonctionnaires, indépendants ou les agriculteurs.
Si l’on adopte une méthode de calcul plus exhaustive, on recenserait au moins 1 227 personnes mortes au travail en 2022 (286 décès liés à un accident de trajet, et 203 suite à une maladie professionnelle reconnue).
Malgré cette sous-estimation, Eurostat classait la France à l’avant-dernière place des pays européens pour l’insécurité au travail avec 3,53 morts, pour 100 000 travailleurs et travailleuses, tous secteurs confondus.
Il faut également relever une hausse des accidents mortels chez les jeunes, qui ont bondi de 29 % entre 2019 et 2022 d’après les données de l’assurance maladie ; ces chiffres doivent inquiéter, alors que les politiques publiques encouragent le recours au contrat d’apprentissage.
Depuis quatre ans, un observateur recense méthodiquement tous les accidents mortels du travail en France. Son constat est clair : « la sécurité passe après la rentabilité », et cette problématique n’est pas une priorité des politiques publiques puisqu’entre 2017 et 2019, les accidents du travail ont augmenté de 33 %.
Cette affirmation est encore renforcée lorsque l’on se penche sur les effectifs de l’inspection du travail, en diminution de 16 % entre 2015 et 2021. En 2021, il y avait un inspecteur du travail pour 10 000 salariés, quasiment un pour 12 000 en Île-de-France : ces ratios ne leur permettent pas de travailler dans de bonnes conditions, d’autant que seul un tiers des procès-verbaux dressés sont soumis à la justice.
De même, la médecine du travail souffre également d’un manque d’effectifs chronique.
Au sein des entreprises, la situation s’est encore aggravée avec la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui avaient pour mission de veiller à la santé et à la sécurité des travailleurs et travailleuses, et la possibilité d’intervenir directement sur les chaînes de production.
Enfin, sont également à relever les difficultés de l’institut national de recherche et de sécurité, financé par une partie des cotisations des employeurs, qui produit des études scientifiques sur les causes des accidents : en quinze ans, l’organisme a perdu 100 salariés, et fonctionne désormais sans convention d’objectifs, alors qu’un accord national interprofessionnel signé par tous les partenaires sociaux prévoyait de lui allouer des moyens supplémentaires.
Rejoignant tous ces constats, le journal l’Humanité a décidé de participer à renforcer la visibilité de cette « hécatombe silencieuse ». Depuis le 28 avril 2024, journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, le quotidien publie donc sur ses réseaux le décompte des morts au travail.
Cependant, cette situation systémique ne pourra être traitée efficacement que par des politiques publiques ambitieuse ; la première étape serait d’avoir des données précises et circonstanciées sur ces décès dans le cadre du travail.
Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement compte créer un observatoire des personnes mortes au travail en France.