Chèr.e.s ami.e.s et camarades,
Je veux d’abord remercier la Ville de Paris, toi, chère Anne, l’ensemble des élu.e.s et des agentes et agents de nous accueillir dans ces beaux salons – de l’Hôtel-de-Ville de Paris, des lieux chargés d’histoire de notre pays, de notre République et de la Révolution Française, qui ont accueilli ici le comité de salut public.
Je veux remercier également le chef étoilé Thierry Marx, précurseur de la cuisine moléculaire, qui nous a fait l’honneur de composer cette carte.
Merci à toi, chef, pour ce banquet que tu as concocté avec tes équipes de l’économie sociale et solidaire et pour ton engagement à associer systématiquement l’alimentation à son impact social et environnemental.
Tu nous démontres chaque jour que l’art de la cuisine peut être exigeant mais doit aussi et avant tout être accessible à toutes et tous.
J’ai noté cette phrase que tu as prononcée lors de ton interview à l’Humanité Magazine, « que le luxe n’est pas une insulte à la misère mais une insulte à la médiocrité ».
Merci à toutes et tous, personnalités du monde politique, syndicale, associatif, culturel et artistique, scientifique, historiens et chercheurs, lectrices, lecteurs et amis du journal, d’avoir répondu une nouvelle fois à notre invitation.
Merci aux équipes de l’Humanité d’avoir imaginé et organisé ce banquet, un défi fou vu le nombre que nous sommes en ce jour ; je tiens à vous redire ma fierté d’être à la tête de ce beau collectif.
Il y a 120 ans et 2 jours, Jean Jaurès, député, journaliste et président du Parti Socialiste unifié lançait l’aventure de l’Humanité, avec l’ambition de participer à sa réalisation pleine et entière.
Sur ce chemin, tout au long du XXème siècle, il y eût des victoires remportées par le mouvement ouvrier et progressiste, des victoires éclatantes car arrachées aux tenants des forces du capital, toujours par la lutte, la grève et la manifestation, des droits fondamentaux pour chaque travailleur et travailleuse, essentiels à notre modèle démocratique, que certains à droite rêvent de limiter ou d’interdire.
Certes, il y eût aussi des échecs malgré nos résistances contre les forces de l’argent, car nous ne luttons pas toujours à armes égales. Ces forces de l’argent dont le seul objectif n’est que d’accumuler des richesses au détriment de la nature et du vivant.
Enfin, il y eût des erreurs qui auraient pu enterrer toute idée de dépassement du système capitaliste.
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A la fondation de l’Humanité, comme à la veille de son assassinat par un nationaliste d’extrême droite Raoult Vilain, Jean Jaurès nous alertait sur les dangers de la guerre.
Cette menace plane toujours sur les peuples.
La guerre et son cortège de morts, de blessés, de mutilés, de destruction de bâtiments comme de notre écosystème, de chaos, de famine et de misère, de déplacés.
Elle frappe toujours les peuples, les classes populaires et plus violemment encore la jeunesse, toujours envoyée en première ligne, comme chair à canon au combat.
Avant la première guerre mondiale, les cibles directes étaient des militaires.
Aujourd’hui, les victimes sont essentiellement des civils et en particulier les enfants.
Cette guerre est partout, sur tous les continents, en Ukraine, au Soudan, en Palestine, et menace dans la zone indopacifique, qui pourrait devenir une zone d’affrontement mondial entre superpuissances surarmés.
Je réaffirme qu’à l’Humanité, nous n’avons pas d’indignation à géométrie variable.
Solidaires du peuple ukrainien qui vit depuis deux ans l’agression du gouvernement russe, aux desseins impérialistes, et une occupation mortifère tendant à éliminer l’idée même d’un Etat souverain et libre.
Solidaires du peuple cubain contre le blocus américain,
Des kurdes dans leur combat pour la liberté et contre le terrorisme,
Des femmes iraniennes qui combattent l’obscurantisme religieux, comme de toutes les femmes qui luttent à travers le monde pour leur liberté et en premier lieu, du droit à disposer de leurs corps,
Des Ouïghours, des Sahraouis, des Rohyangas qui luttent pour leur indépendance et contre l’oppression,
De tous nos frères et sœurs qui fuient la guerre, la misère et l’oppression et qui meurent en mer,
Ou encore du peuple palestinien qui subit la colonisation, l’apartheid, les violences et humiliations quotidiennes, les expulsions, les emprisonnements arbitraires, comme pour Marwan Barghouti dont nous exigeons toujours la libération, un nettoyage ethnique et un risque plausible de génocide dans la bande de Gaza, comme l’a affirmé la Cour Internationale de Justice.
Nous redisons ici que nous voulons un cessez-le-feu, la libération des otages et des prisonniers politiques, l’entrée de convois humanitaire et évidemment que le droit international soit enfin respecté par le gouvernement israélien pour assurer la sécurité de tous les peuples.
Je veux vous confier une chose.
Je suis militant communiste depuis près de 20 ans et militant pour la Palestine depuis plus longtemps.
J’ai régulièrement entendu les différents gouvernements français nous dire que ce n’était pas le moment de reconnaître l’état palestinien, qu’il fallait laisser sa chance au processus de paix, au dialogue, aux conférences divers et variés.
Mais aujourd’hui, si nous ne faisons rien, la Cisjordanie sera complètement grignotée par la colonisation, anéantissant un projet national palestinien.
La France doit maintenant prendre une initiative politique, à l’instar de l’Espagne en reconnaissant l’Etat palestinien.
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Désormais, ces guerres prennent un nouveau visage, avec des engins conventionnels de plus en plus lourds et sophistiqués.
Les bombes se larguent par drones, et les batailles se mènent aussi sur internet avec les cyber-attaques ou les fausses informations distillées par les réseaux sociaux à l’aide de puissants algorithmes.
Ces guerres hybrides nous font courir des risques immenses, de conflit à nouveau généralisé, d’autant plus que 9 nations possèdent encore 1200 ogives nucléaires, qui en un instant pourrait effacer une bonne partie de notre Humanité.
Je pense qu’il est temps de remettre en route un grand chantier, celui de l’éradication de l’arme nucléaire militaire en exigeant de la France la ratification du Traité de Tian.
La paix doit redevenir un projet politique pour les peuples, qui ne peut se résumer à une absence de conflit armée.
La paix véritable comme la concevait Jean Jaurès, c’est un projet de sécurité humaine dans tous les domaines,
Un projet de coopération entre les peuples et non de domination de quelques superpuissances qui se remilitarisent dangereusement, et veulent mener des guerres économiques et financières en asphyxiant les peuples par l’inflation ou par une concurrence exacerbée au moins disant social et environnemental.
C’est un projet qui met en son cœur le partage du pouvoir, du savoirs et des richesses,
Un projet qui impose l’appropriation des moyens de production par les travailleurs et travailleuses eux-mêmes, et qui s’attaquent de fait au cœur du système d’exploitation et d’aliénation qui veut s’accaparer la plus-value issue du travail de toutes et tous, au profit d’une minorité.
Il faut en finir avec cette folie où un seul homme peut toucher 36 millions d’euros de rémunération en faisant travailler des ouvriers au smic sur une chaîne de production, comme au scandale planétaire ou 9 milliardaires possèdent autant que la moitié de l’humanité.
Tout est une question de choix politique.
Savez-vous que si nous récupérons 10% des dépenses militaires mondiales, nous pourrions éradiquer la pauvreté en 10 ans ?
Enfin, c’est aussi un projet de mise en commun, qui extirpe nos biens communs comme l’air, l’espace, l’eau, l’énergie, mais aussi la santé et l’éducation des griffes du marché et qui place en tout état de cause l’intérêt général et collectif au-dessus des intérêts privés, particuliers et de l’argent.
Ce projet, nous le nommons communisme, et nous sommes prêts à en débattre avec toutes et tous, y compris avec celles et ceux qui lui donnent un autre nom.
Ce projet est d’une actualité criante et urgente car une autre menace pèse sur notre Humanité commune, c’est celui d’un cycle infernal dans lequel nous entraîne le réchauffement climatique.
Le capitalisme, la course au profit et à la suraccumulation des richesses nous conduisent collectivement dans le mur.
Et il y a urgence face à ce défi existentiel, cet enjeu d’Humanité : ce sont des pans entiers de notre biodiversité qui s’effondrent, toutes les limites planétaires sont dépassées, les pollutions de l’air, l’eau et sol sont installées pour des millénaires, et les maladies, comme les cancers se multiplient.
Des zones entières sont en train d’être rendues invivables, car devenus trop aride ou sous les eaux.
En 2050, ce sont près de 300 millions de réfugiés climatiques qu’il nous faudra accueillir si nous ne freinons pas ce cycle infernal.
Il est donc urgent de modifier radicalement nos manières de produire, nos besoins, nos modes de consommation et nos mobilités, et de se réinventer en relocalisant et en s’extrayant du dumping encouragé par les traités libre-échange.
D’ailleurs le gouvernement serait bien inspiré de laisser le travail parlementaire aller jusqu’au bout sur la ratification du CETA ;
Car la démocratie, ce n’est pas de bloquer un texte dans les limbes de la navette parlementaire dès lors que l’on risque de perdre, mais au contraire d’aller au débat d’idées, arguments contre arguments.
Oui, il est temps de changer radicalement notre système économique et financier, pour le mettre au profit du vivant et de la planète.
C’est d’autant plus urgent, que les forces du capital devenues mondialisées et financiarisées avec des GAFAM plus puissants que les ¾ des Etats, sont prêtes à tout pour conserver leurs acquis, y compris à s’acoquiner avec des forces autoritaires, populistes et d’extrême droite.
L’alerte doit maintenant être généralisée.
La percée est mondiale, sur tous les continents, et la menace brune s’étend de l’Argentine à la Hongrie, et se fait plus pressante encore par la victoire de Meloni.
Faire l’autruche, ne rien dire pour ne pas les faire monter est une stratégie vouée à l’échec.
En France, depuis l’accession de Le Pen au 2nd tour de la présidentielle, l’extrême droite s’est d’abord dédiabolisée avant de se banaliser pour enfin se normaliser.
La droite dite républicaine, du ministère de l’identité nationale aux lois immigrations ont validé leurs thèses mortifères, faisant de l’étranger un bouc-émissaire de tous nos maux et pire encore, un ennemi de la République.
L’extrême droite a beau porter des cravates, elle reste fondamentalement anti-républicaine ;
Elle a beau dire qu’elle représente le peuple, elle honnit en réalité, la démocratie sociale et les organisations syndicales qui les représentent ; elle a beau dire qu’elle est laïque, elle peine à cacher sa haine profonde des musulmans et son antisémitisme, qui est toujours son ADN.
Bref l’extrême droite reste l’extrême droite.
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Alors, pour répondre à tous ces enjeux existentiels, les forces de progrès social et écologiques, syndicalistes et associatives n’ont besoin ni de raccourci, ni de chamailleries, ni de mensonges, mais de débats d’idées, de confrontation saine de projet et d’agir.
Il nous faut bâtir et forger une perspective qui redonne l’espoir de réaliser, ensemble, cette humanité pleine et entière dont était porteur Jaurès.
C’est pour cela que nous voulons, 120 ans après, continuer à lutter humblement mais énergiquement.
Au moment où les milliardaires jouent au bonneteau avec les titres de presse, et je veux apporter ici notre soutien aux confrères et consœurs de Marianne, comme à celles et ceux de BFM et RMC, nous continuons à faire vivre l’Humanité, un journal, militant, engagé, communiste, un journal qui se veut un espace de dialogue ouvert à toute la gauche sociale et écologique, aux forces syndicales et associatives, au monde de la création culturelle et de la recherche scientifique.
La concentration de la presse se fait de plus en plus forte, dans tous les secteurs et nos métiers. Évidemment l’édition, mais aussi le portage, l’impression, la distribution, sans parler du désengagement de La Poste pour livrer nos titres.
C’est l’audiovisuel public qui est par ailleurs menacé notamment dans les territoires.
Demain, vous aurez toujours une pluralité de titre en kiosque. Mais pluralité ne veut pas dire pluralisme des idées.
C’est pour cela que notre titre doit continuer sa mission et pour ce faire, nous continuons à nous transformer, à nous adapter, aux nouveaux modes de communication, d’information et de lecture.
Nous avons amorcé notre révolution numérique, en lançant notre nouvelle plateforme en ligne ;
Nous avons réussi le départ de notre application sur smartphone, crée une « Humatinale » avec des équipes qui commencent à 6H30, retardé notre bouclage pour prendre en compte les informations jusqu’à 20h, créé une petite équipe vidéo et réseaux sociaux, développé notre marketing digital.
Tout cela porte ses fruits : l’an dernier, nous avons gagné1500 abonnés et mis le journal à l’équilibre financier.
Mais cela reste fragile, car le monde de la presse évolue vite, les GAFAM pillent nos contenus et nous sommes maintenant menacés par l’intelligence artificielle.
Depuis notre fondation, nous sommes passés d’un quotidien à un groupe de presse, évènementiel, et de communication.
Malgré toutes ces évolutions et révolutions à travers le siècle notamment ces derniers temps, notre but n’a pas changé.
Il est de continuer chaque jour à vous informer, avec de l’information viable et vérifiée, avec des enquêtes approfondies, des révélations sociales et surtout à vous mobiliser pour agir pour la paix,
La justice sociale et écologique,
Pour l’égalité entre tous les êtres humains et à combattre toutes les discriminations,
A relayer les luttes invisibilisées par d’autres médias, en donnant la parole à des syndicalistes, des féministes, des antiracistes, des militants des quartiers populaires, qui sont d’ailleurs menacés dans leurs actions syndicales, convoqués au commissariat, licenciés, insultés d’écoterroriste, interdits de réunion, ou encore menacé pour leur aide aux personnes refugiés…
Nous sommes d’ailleurs solidaires de toutes celles et ceux qui luttent et qui doivent être placés sous notre protection populaire et dès maintenant, je vous invite à préparer la prochaine Fête de l’Humanité, les 13,14 et 15 septembre prochains qui sera placé sous le signe de la paix et de la résistance.
Partout, où la politique libérale et autoritaire du Président Macron voudrait menacer l’un ou l’une des nôtres, nous répondrons toujours présents sans exclusive pour faire corps à ses côtés.
Nous voulons aussi permettre à chaque lecteur et lectrice de se forger une opinion libre de la marche du monde en découvrant et en confrontant les points de vue, avec des arguments qui ne peuvent se résumer à un tweet.
Bref de lire pour s’émanciper.
L’Humanité a une riche histoire, a traversé des décennies de luttes, de combats, deux guerres mondiales, la Résistance, les guerres anticoloniales, la guerre froide, et la chute du mur.
Nos pourfendeurs ont annoncé maintes fois, que notre titre allait fermer, mais en ces 120 ans, nous sommes plus vivants que jamais !
Notre histoire est riche, et je veux saluer les anciens dont mon ami Patrick Le Hyaric qui devait être avec nous, mais qui est retenu dans sa Bretagne natale, comme l’ensemble des équipes actuelles qui font vivre chaque jour l’Humanité avec dévouement, passion et professionnalisme.
J’aimerais que vous les applaudissiez chaleureusement.
Ce journal est plus qu’un journal, il est une aventure unique !
Il est unique, car il a fait de chaque lecteur et lectrices des acteurs et actrices de son histoire.
Par l’abonnement, par le don, par la diffusion, par la construction de la Fête chaque année.
Vous êtes des parties intégrantes de cette histoire.
Alors une nouvelle fois, milles mercis à vous de répondre toujours présents à nos appels à solidarité et à l’action.
Ce titre est le plus beau nom que l’on pouvait donner à un journal, mais aussi une exigence qui nous oblige.
Et nous essayons d’en être digne tous les jours.
Vive l’Humanité !