Le droit à une retraite à taux plein, conquête de haute lutte du mouvement populaire, constitue une des avancées majeures de nos sociétés contemporaines. Il permet en effet de disposer de temps pour soi, de donner du temps aux autres, de se reposer après des années de labeur. C’est un âge où l’on peut aider (notre vie associative en est l’exemple) mais aussi être accompagné et soutenu. Des structures adaptées ont émergé pour assurer des prises en charge. Mais force est de constater qu’elles n’ont plus rien à voir avec l’image d’Epinal de la maison de retraite d’antan.
Le scandale des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) doit nous interroger. Déjà au cœur de polémiques lors de périodes caniculaires ou des premiers pics de la pandémie de Covid-19, voilà que le livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet a révélé des atteintes supplémentaires faites à nos aînés. Le premier groupe du secteur de la dépendance, Orpéa, est ainsi accusé de maltraitance systémique.
Pour rentabiliser au mieux l’activité, ce sont des personnels usés et des négligences régulières qui sont pointées, tout cela par des économies faites sur les conditions de vie des personnes âgées : repas et couches rationnés, douches économisées. Des accusations de délit d’initié ont par ailleurs été révélées contre le directeur général du groupe Yves le Masne, nous rappelant ainsi que ce groupe était coté en Bourse et mû par la logique du profit maximal.
Derrière les indignations de façade du Président de la République ou celles de la ministre déléguée à l’autonomie Mme Bourguignon, qui a évoqué recevoir des plaintes de familles depuis des semaines (mais sans rien faire), ne faisons pas mine de découvrir ces pratiques humiliantes.
C’est à la société toute entière de se regarder en face. Placées dans une mécanique marchande pour des entreprises gérées par des fonds de pension exigeant une forte rentabilité, les EHPAD, entreprises gérées par des fonds de pension exigeant une forte rentabilité (15%, mais pourquoi pas 20% demain dans un pays vieillissant), sont aujourd’hui dans une situation de non-assistance à personnes âgées en danger.
Ce serait remettre en cause des décennies de conquête pour une retraite digne et en bonne santé. C’est d’autant plus scandaleux dans une société où les retraites décentes s’amenuisent, que les familles doivent payer des sommes conséquentes et que ces établissements, gavés d’argent public, sont coutumiers de l’évasion fiscale.
Il est temps de sortir ce secteur des griffes de la finance. Il est temps de faire de l’autonomie une cause nationale pour enfin traiter nos aînés avec dignité et respect en réunissant tous les acteurs du secteur. Les aide-soignant·e·s qui sont de véritables lanceurs d’alerte depuis des années, à l’instar de leur mobilisation chez l’autre mastodonte du secteur Korian, et qui ont été parmi oublié·e·s du Ségur de la Santé doivent être entendu·e·s. Résultat, les difficultés de recrutement avec des salaires peu valorisants, les conditions de travail difficiles provoquent un taux d’encadrement moyen de 3 trois soignant·e·s pour 10 dix résident·es. Les familles des patient·e·s ont tant à dire également et leur statut d’aidant·e doit être pleinement reconnu. Les EHPAD de différents statuts doivent être mieux encadrés et coordonnés dans une politique globale de prise en charge du troisième âge avec les aides à domicile sous le pilotage de la Sécurité sociale.