Il y a plusieurs types de pollutions. Beaucoup sont liées aux effets climatiques et impactent notre mode de vie, notre bien-être. D’autres portent atteinte à nos droits et à nos libertés.
C’est le cas des idées d’extrême-droite qui ne gangrènent plus le débat public. Elles sont omniprésentes dans le débat public par des polémiques, la politisation d’affaires sordides et de faits divers pour appeler à chaque fois à la violence, à la haine. Que des représentants de l’extrême-droite se comportent ainsi, ce n’est pas étonnant mais que d’autres véhiculent et légitiment leurs idées devient problématique.
Dans le dernier numéro du Journal du dimanche, la direction des Républicains assume un nouveau tournant autoritaire et liberticide. Prenant à son compte l’obsession identitaire de l’extrême-droite, la droite veut créer une hiérarchie de droits entre Français et immigrés. Être Français et vivre en France serait ainsi un mérite. Droit du sol remis en cause, suppression de l’Aide médicale d’Etat, assimilation immigration-sécurité, submersion migratoire : toutes les antiennes et les mots de l’extrême-droite sont reprises mot pour mot ! Pire, l’éminence grise (brune ?) de ce projet, Guillaume Larrivé ex-député LR qu’on disait favorable à un rapprochement avec le courant macroniste, évoque dans le Journal du dimanche l’enjeu d’un référendum sur le sujet migratoire, « éminemment national » car il déterminerait « le visage de la communauté nationale dans les décennies à venir ». Ou comment parler du grand remplacement sans le dire !
Visiblement en mal de positionnement tant le macronisme applique déjà son programme économique, voilà que les chefs de la droite veulent se redorer à peu de frais. Ils ne font que relayer la doxa du capital, prompt à précariser toujours plus les immigrés pour en réalité précariser l’ensemble du salariat.
A quoi correspond ce fond de l’air bien peu ragoutant ? Après un mouvement social d’une ampleur inédite, la bourgeoisie cherche à canaliser la colère populaire contre les populations les plus précarisées, au bas de l’échelle sociale en assurant la division des exploité·e·s.
A ce jeu, l’extrême-droite, la vraie, avance et malgré la respectabilité que certains veulent lui apposer, n’a pas changé de programme ni de méthode. Souhaitant engranger jusqu’en 2027 sur les dégâts économiques et sociaux causés par la dérégulation capitaliste, sur l’éclatement d’une société où règne la résignation et l’individualisme, elle ne renie pourtant aucun de ses principes fondamentaux.
A chaque action de groupes d’extrême-droite, il est dévoilé des liens entre cette violence politique, raciste, haineuse et le Rassemblement national. On aura beau le banaliser, le cœur de la mouvance reste bien ce parti politique où l’affairisme et le népotisme sont la norme, soit le pire des dérives capitalistes. Les costumes et les plateaux télés pour le RN et ses porte-parole, le travail de harcèlement, de division, de haine des groupes, par forcément structurés mais qui sont les relais permanents de cette atmosphère suffocante sur les réseaux sociaux, dans les territoires, par le biais du milieu associatif. C’est cette complémentarité qui fait l’efficacité de l’extrême-droite.
Comble du cynisme, Marine Le Pen en appelle à dissoudre les groupes néo-nazis au nom de la lutte contre l’extrémisme (sic). Ce serait donc une modérée ! Elle ne fait que relayer la parole gouvernementale puisque Elisabeth Borne en appelle à lutter contre les extrémismes, renvoyant dos à dos ceux qui menacent des élus, dégradent des locaux associatifs (Planning familial, associations antiracistes, syndicats), projettent des attentats ou tuent tout simplement et les mobilisations sociales, environnementales. Il y a pourtant un maire qui a été victime d’une tentative d’attentat pour avoir simplement appliqué la demande de l’Etat d’accueillir un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) ! Ce même maire, démissionnaire, et qui souligne l’absence totale de l’Etat face à des groupes d’extrême-droite menaçants et violents. Le silence public et la minorisation de cette affaire dans le débat public sont assez révélateurs, surtout en comparaison des menaces totalement farfelues qui sont inventées sur la mouvance « woke » que d’aucuns ne définit clairement.
Il faudrait pourtant rappeler les alertes nombreuses, en France et Europe, sur la menace terroriste que font peser des organisations qui ne veulent plus seulement faire du bruit ou occuper la rue mais déstabiliser et faire taire celles et ceux qui ne partagent pas leurs idées.
Ceux qui s’amusent à entretenir des confusions ou à minimiser ce climat défendent un discours d’ordre. Le narratif consiste à décrire, au nom de la défense de la République, une France qui serait assiégée par les migrants, perturbée par les contestataires, volée par les inactifs, agressée par la délinquance, étouffée par les réglementations. Il faudrait donc éliminer ces menaces. Les esprits sont préparés pour un tournant encore plus autoritaire et libéral car l’austérité se déploie pour revenir dans les clous de la rigueur budgétaire. Le MEDEF, par la voix de son président M. Roux de Bezieu, parlait même il y a deux mois d’un « mal nécessaire » si Marine Le Pen venait à être élue. Partout dans le monde, dans une Europe qui n’est évidemment pas épargnée, les courants nationalistes prospèrent jusque dans les hautes sphères du pouvoir dans des coalitions populistes, nationalistes où la droite et l’extrême-droite s’accordent pour gouverner. Certains sont prêts à faire rentrer la France dans ce cycle infernal.
Ce sont pourtant ces incendiaires qui font du mal à la République en refusant de combattre l’extrême-droite, en poursuivant les politiques libérales, terreau des violences sociales et de la haine. Ce sont ces incendiaires qui vont contre la majorité populaire opposée à la régression sociale et alimentent l’idée que la démocratie ne sert à rien, passant continuellement par coups de force.
L’esprit de responsabilité nous appelle à ne pas minorer ces menaces démocratiques et sociales. Les progressistes, démocrates et républicains sincères doivent s’unir, échanger sur la meilleure manière de combattre l’extrême-droite. Cela passe par la lutte pied à pied contre ces mouvances sur le terrain et dans le débat d’idées pour être intransigeant face à ce poison de la division. Cela passe aussi et surtout par une dynamique populaire pour porter de nouveaux droits économiques, politiques et sociaux et en finir avec les dégâts d’un capitalisme dérégulé.