Handicap : 20 ans après, une loi inaccessible ?

11 Fév 2025

La loi du 11 février 2005 a consacré le droit des personnes en situation de handicap à avoir des droits et a suscité d’immenses espoirs. 

Pour la première fois, cette question était réellement prise en charge, et ce, de façon globale. Elle a été saluée à la fois pour son ambition et sa méthode d’élaboration, en impliquant réellement les associations et les personnes concernées pour établir des propositions correspondant aux besoins. Cette loi fait aujourd’hui référence, en se fixant deux objectifs majeurs : la compensation du handicap et l’accessibilité universelle. 

Et pourtant, 20 ans après, il est admis et partagé que le bilan est plutôt mitigé et que le chemin est encore très long pour parvenir à l’égalité réelle. 

D’une part, la loi n’est pas appliquée dans son intégralité, et d’autre part et surtout, son application est très hétérogène selon les départements. Si les départements ont effectivement compétence en la matière, l’article 2 de la loi de 2005 précise que c’est bien à l’Etat d’être garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire. 

Sans faire un bilan exhaustif de la loi, prenons quelques thématiques particulièrement éloquentes pour illustrer les problèmes et les manques actuels : 

  • En ce qui concerne l’accessibilité : Aujourd’hui, près de la moitié des établissements recevant du public (ERP) reste inaccessible aux personnes à mobilité réduite. Les délais fixés dans la loi n’ont pas été respectés, ont sans cesse été reportés, malgré l’existence de sanctions pénales et financières. 

    Pour beaucoup, l’accessibilité est vu comme un coût, une obligation et non comme un droit. 

    Sur les 736 gares SNCF jugées prioritaires, 482 étaient accessibles en France fin 2023 et  seulement 25% des stations ferrées dans Paris intra-muros. Si l’on constate un effort et un rattrapage ces dernières années, il est clair que le droit à la mobilité n’est pas assuré et que cela impacte l’autonomie des personnes en situation de handicap. 

    De même, comment ne pas être en colère contre la loi Elan qui, en 2018, a réduit de 100 à 20 % la part des logements neufs accessibles aux personnes handicapées ? 

Face à cette situation, je soutiens la demande du Parti communiste français d’inscrire l’accessibilité dans la Constitution. 

  • Sur le taux d’emploi et le niveau de vie  : Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est presque deux fois plus élevé que la moyenne nationale. De ce fait, la moitié des personnes en situation de handicap ont un niveau de vie inférieur à 1 512 euros par mois, soit 300 euros de moins que le niveau de vie médian des personnes valides. 
  • Sur le droit à la scolarité : là encore malgré les ambitions de la loi de 2005, le droit à la scolarisation pour toutes et tous n’est pas respecté. Certes, le nombre d’élèves handicapés scolarisés a progressé depuis 2006, passant de 232 300 à 501 700 à la rentrée 2022. Ce chiffre est toutefois à nuancer puisque cette augmentation est liée en partie à l’élargissement de la définition du handicap. Encore trop d’enfants qui pourraient bénéficier de l’école inclusive en sont pourtant privés. Soit ils sont suivis par des structures médico-sociales soit ils sont à la charge de leur famille, faute de place suffisante ou de structure adaptée. 
  • Sur la compensation du handicap. La garantie de ce grand principe est, là aussi, en deçà des objectifs. Les raisons sont simples. Au 1er janvier 2024, 78 démarches usuelles demeuraient inaccessibles aux personnes handicapées. Dès lors, il n’est pas étonnant de constater un non-recours. De même, les démarches apparaissent trop souvent complexes et non automatiques, ne permettant pas de garantir l’effectivité de ce droit. 

    Selon les départements, les délais pour obtenir des aides sont extrêmement longs (de 6 à plus de 8 mois, par exemple, pour la Prestation compensation Handicap). Cette attente peut avoir des conséquences dramatiques et faire basculer une personne déjà vulnérable dans une grande précarité. D’autant que l’on peut  également regretter la non-revalorisation des différents barèmes…. 

    Enfin, si l’on peut saluer la déconjugalisation de l’AAH (allocation adulte handicapé)  portée notamment par l’ancienne députée Marie-George Buffet, que de temps perdu dans le parcours législatif pour convaincre du bien-fondé de cette mesure de justice sociale ! 

Ces quelques exemples montrent tout le chemin qu’il reste à parcourir pour faire appliquer la loi et que les personnes en situation de handicap aient accès à une citoyenneté pleine et entière.

Et au-delà, il faut également en finir par la stigmatisation, les préjugés, les violences ou l’invisibilité des personnes en situation de handicap, quel qu’il soit. Le rapport annuel de la Défenseur des droits indique que le handicap est pour la 7ème année consécutive la première cause de discrimination en France. 

Les jeux paralympiques de Paris 2024 nous ont permis de prendre collectivement conscience de notre retard et notre méconnaissance dans ce domaine. Nous avons toutes et tous découvert des athlètes incroyablement performants, si tant est qu’on leur donne les moyens de pratiquer du sport. Les jeux paralympiques ont été un grand succès populaire et ont suscité l’adhésion ! Notre regard a changé, notre rapport au handicap a été modifié durant cette période. Et si l’on prolongeait cette parenthèse enchantée dans la vraie vie et que cela contribue à l’héritage des jeux ?

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