Sport le plus populaire de France, le football est au cœur de l’actualité…économique. Oubliez les difficultés de la sélection nationale à quelques semaines du Mondial ou encore la valse des joueurs durant le mercato estival. C’est la descente aux enfers d’un club historique, 6 fois champion de France : les Girondins de Bordeaux.
Relégué sportivement en deuxième division puis en division non-professionnelle, le club est tout simplement menacé de liquidation judiciaire. Et avec lui, la descente aux enfers pour le club de formation, les féminines et les près de 300 salariés.
Sous la coupe d’un contrôle financier depuis plusieurs années, les instances de régulation financière de la ligue de football professionnel estiment que les garanties ne sont pas apportées par la direction du club. Il faut dire que ce sont près de 20 millions d’euros qui ne sont pas assurés. On ne peut que donner raison à la Direction nationale du contrôle de gestion quant à l’opacité des fonds, même si on se rappelle que cette même direction a validé le rachat, il y à 4 ans, de ce même club par le fond américain GACP à M6.
Fonds de pension, holding, magnats, trading : le football français est pleinement entré dans l’ère de la financiarisation dont on voit les dérives par ailleurs sur le champ économique. Les valeurs du sport ont bon dos quand la rentabilité à haute valeur ajoutée et à court terme est devenue la norme.
Avec des investisseurs et des montages obscurs, un club peut désormais être à la merci d’une disparition rapide si les résultats, principe de l’aléa sportif, ne sont pas au rendez-vous. Les promesses d’apport en capitaux et de transferts importants pour viser les sommets convainquent évidemment les supporters. Les élus locaux, comme à Bordeaux sous la précédente mandature municipale, portent parfois une lourde responsabilité en accueillant ce genre d’investisseurs obscurs.
Depuis 2016, le championnat français a été une cible de choix d’investisseurs pour des projets d’acquisition. Plus de la moitié des équipes de l’élite seront en 2022-2023 sous pavillon étranger.
Cette ouverture a motivé la direction du football français, de plus en plus sous la main des équipes professionnelles, à négocier à la hausse les droits télévisuels. On se souvient du fiasco de l’affaire Médiapro quand les clubs visaient un projet à plus d’un milliard d’euros de droits télévisuels…alors que le groupe n’avait pas les fonds pour assurer le projet et rémunérer les clubs ! Le fiasco a été évité de près mais pour faire entrer d’autres acteurs de cette financiarisation et de cette économie vorace avec Amazon Prime ! Dans tous les cas, le public plébiscite majoritairement des plateformes de diffusion « pirates » tant les tarifs de ces chaînes sont élevés.
Le football français n’a pas encore compris qu’il a voulu se faire telle la grenouille aussi grosse que le bœuf…C’est pourtant un autre chemin que ce sport aurait dû prendre en France. Il est impossible de rivaliser avec les autres grands championnats européens en les concurrençant sur leur terrain et avec leurs armes…Qu’on pense à la Superleague, ligue fermée, que les mastodontes européens voulaient créer l’an dernier et dont le projet est toujours dans les tuyaux puisque ce conglomérat porte l’affaire devant la justice européenne au nom de la libre concurrence et des principes des traités libéraux de l’Union Européenne ! Renoncez à cette politique de fuite en avant, celle de l’échec !
Changement d’identité de clubs, investisseurs qui vont et viennent sans scrupules, exclusion de certains groupes de supporters : les tensions locales, qui ne justifient absolument pas les violences dans les stades, s’expliquent aussi par ce décalage grandissant entre supporters et argentiers du football professionnel.
Quand on évoque Bordeaux, la mobilisation est au rendez-vous et dépasse les frontières de la région ? Mais pour des pouvoirs publics sollicités et prêts à mobiliser l’argent public pour socialiser les pertes comme auparavant à Nice ou Lens, combien de clubs moins connus qui ont coulé dans l’anonymat ? Dans cette course à l’argent-roi, quelle image renvoyons-nous aux fans, aux enfants qui pensent que devenir la prochaine pépite constitue l’objectif de toute une vie ? De nombreux éducateurs et arbitres de football amateur témoignent de la pression portée par des parents sur leurs enfants, engendrant de la souffrance voire de la violence. C’est évidemment sans commune mesure avec le sort fait à de jeunes Africains baladés par des agents véreux et placés dans des circuits de trafic d’êtres humains…
Il est temps de sortir de cette logique et de placer le sport, même professionnel, sous une autre logique. Quand on voit la qualité de jeu d’équipes moins cotées ou encore la richesse de notre formation, la voie de la financiarisation n’est assurément pas la bonne pour notre football. Les succès de nos sélections ne se sont pas gagnés sur le terrain financier, loin de là. Il est temps de réguler car il y a une économie du sport qui a du sens mais qui doit être indexée sur la valorisation de l’activité sportive comme levier de socialisation, d’émancipation et dont le sport professionnel n’est qu’un petit bout.
A l’image d’autres activités, le football et le sport subissent les logiques froides de la rentabilité et de la financiarisation. Il est temps de l’en débarrasser.