La bataille sociale sur cette réforme des retraites est entrée dans une nouvelle phase après les lectures de la Commission Mixte Paritaire (CMP) au Sénat et à l’Assemblée Nationale. Rien n’est fini, même si le gouvernement va vouloir jouer le pourrissement du conflit social en opposant démocratie parlementaire et démocratie sociale. Nous saluons une nouvelle fois la belle unité syndicale depuis début janvier et les manifestants qui ont défilé par millions durant 8 journées de mobilisations. Des gaziers/électriciens aux cheminots/traminots en passant par les éboueurs, les agents publics comme les salariés du privé, toutes leurs actions et leurs mobilisations sont déterminantes pour faire entendre leur voix.
Si le mouvement social est à saluer par son ampleur, son unité, ses actions, il n’en n’est pas de même du gouvernement qui n’aura jamais réussi à convaincre et à gagner le débat politique. L’exécutif aura utilisé tous les articles de la Constitution ou les arguties du règlement des assemblées pour contraindre les parlementaires à voter ou plutôt à avaler la réforme.
Par la procédure de l’article 47-1, le délai contraint à l’Assemblée nationale avec réduction des prises de parole pour les amendements a été le premier étage de ce déni du débat parlementaire. On peut discuter des stratégies parlementaires des groupes politiques mais la principale obstruction est venue des rangs du gouvernement qui a voulu centrer le débat sur les seules polémiques.
Le passage du vote bloqué au Sénat (procédure de l’article 44-3) est du même acabit. La droite sénatoriale a même été jusqu’à la caricature en ne répondant jamais aux interpellations des groupes de gauche. Pourtant ultra-majoritaire, la droite a tour à tour activé l’article 38, puis le 44-10 pour réduire les temps de parole de l’opposition de gauche au Sénat.
Malgré cela, la ténacité de l’opposition de gauche a permis de pousser le débat pendant neuf jours qui ont mis en lumière le véritable projet libéral durant les rares périodes où la droite est sortie de son silence.
En défendant mollement le modèle de retraite par répartition, le gouvernement et la droite ont dévoilé leur véritable projet de retraite par capitalisation. Les346 milliards de cotisations sociales qui échappent chaque année au capital pour les redonner aux compagnies d’assurance constituent la cible à venir des prochaines réformes.
A cela s’ajoute le mensonge sur de nombreuses avancées qui n’en étaient pas comme le revenu minimal à 1 200 euros, la prise en compte des critères de pénibilité ou des droits des femmes. Il a fallu l’intervention de brillants économistes et de journalistes pour dégonfler ces discours erronés. En plus du mépris du débat, la parole officielle s’en est donc encore une fois trouvée discréditée et décrédibilisée.
Hier la CMP, réunissant 7 sénatrices et sénateurs et 7 députés dans un huis clos, dont la majorité est proportionnellement inverse à l’opinion des Français, a donc conclu un pacte contre les travailleurs et travailleuses. 2 ans de plus cash, sans qu’aucune des deux chambres n’ai pu avoir un débat et un vote normal.
Les lectures des conclusions au Sénat et à l’Assemblée nationale sont maintenant finies. La faiblesse et l’autoritarisme du pouvoir s’est une nouvelle fois traduit par l’utilisation du 49-3 à l’Assemblée nationale. Mais le mouvement continue.
Car la démocratie, c’est aussi le débat contradictoire, la nuance, ce que ce gouvernement a refusé de faire. Dès la phase préliminaire, la négociation avec les organisations syndicales a été un dialogue de sourd puisque le gouvernement ne voulait faire bouger son projet d’aucun iota. Les alertes du président du Conseil d’Orientation des Retraites sur le fait que l’équilibre financier du système des retraites n’était pas menacé n’ont pas été entendues.
Enfin, le mépris de la rue et de la mobilisation, qui est un aspect de la liberté d’expression, est flagrant. C’est à ce dire si ce n’est pas la grève qui sera remise en cause. C’est en tout cas le souhait des experts autoproclamés et autres éditorialistes tous acquis au libéralisme débridé.
Rejeté par 70% des Français, qui acceptaient les mobilisations malgré les effets sur leur quotidien, avec plusieurs millions d’entre eux qui ont battu le pavé au moins dans les nombreuses manifestations depuis janvier, ce projet de loi va aggraver une fracture démocratique et sociale béante dans le pays s’il est adopté. C’est visiblement le souhait de ce gouvernement qui souhaite démobiliser et dégoûter les forces de résistance sociale. Cela ne manquera pas de favoriser l’abstention, le rejet et alimenter le discours de l’extrême-droite, pourtant bien éloigné des préoccupations sociales de la masse des salariés.
L’objectif de cette réforme est depuis le début de « rassurer les marchés financiers ». Plus que jamais, ce sont les intérêts du capital qui priment sur les intérêts populaires. Le marché méprise la démocratie, encore et toujours.
La mobilisation doit donc se poursuivre, sous d’autres formes, car le projet de loi peut encore être retiré. La proposition de loi pour enclencher un processus de référendum sur la réforme des retraites est une de ces pistes porté par l’ensemble des forces de gauche. 185 parlementaires ont signé une motion instituant le référendum d’initiative partagée. Une fois validée par le Conseil constitutionnel, cela pourrait constituer une piste sérieuse d’action. Bien commun du peuple français, notre modèle social doit faire l’objet d’un débat public. Nul doute qu’il serait facile de trouver les 4,6 millions de Français signataires pour lancer cette bataille. Ce serait un débouché sain à ce mouvement social qui doit pouvoir trouver un débouché car la mobilisation fait aussi partie de la démocratie.