La paix est le plus grand des combats

12 Jan 2024

De toutes parts le bruit des bombes retentit. De la bande de Gaza à l’Ukraine, en passant par le Yémen ou la Birmanie, sans oublier les nombreux conflits en Afrique et tant d’autres sur la planète, les champs de bataille se multiplient. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants meurent chaque jour. Dans ce contexte de regain des tensions internationales, affirmer que la paix est un projet politique, comme le fit Jaurès, est une urgente nécessité pour conjurer le cycle infernal auquel nous assistons. « À peine la paix fut-elle menacée qu’il se dressa comme d’habitude, sentinelle sonnant l’alarme dans le danger », écrivait Stefan Zweig à son propos.

Il est urgent de combattre la logique belliciste sous toutes ses formes. Elle prend sa source dans le lit du nationalisme, du repli sur soi identitaire, du racisme, qui conduisent à des injustices et des discriminations, jusqu’à la haine. Elle se renforce par la conjonction des intérêts économiques et des visées territoriales ou coloniales, comme le dénonçait déjà le fondateur de notre journal en son temps.

La situation actuelle en Israël et en Palestine l’illustre. Car en opprimant un peuple, en créant l’apartheid, on ne fait que nourrir l’injustice, et l’injustice engendre la haine qui peut mener au terrorisme.

Armer la paix

L’attaque du Hamas, le 7 octobre dernier, est inexcusable. La réplique qui frappe Gaza depuis trois mois est tout aussi inhumaine, tout aussi inexcusable, car la vengeance aveugle et forcenée ne règle jamais aucun conflit et ne fait qu’ajouter de la haine à la haine. À la barbarie terroriste islamiste, on ne peut répondre par les crimes de guerre et le nettoyage ethnique. Et cette guerre, qui implique de nombreux autres pays, risque aussi de déstabiliser tout le Moyen-Orient. Tout comme le conflit en Ukraine déstabilise l’Europe et conduit déjà à un réarmement inédit sur le continent.

Mais la paix est un véritable projet politique, car elle ne se résume pas à l’absence de guerre ou à la fin des conflits armés. La paix n’est pas une absence. Elle n’est pas – ou du moins pas uniquement – l’en-creux de la guerre.

Car vivre dans un pays qui n’est pas en guerre ne signifie pas vivre en paix, dans un pays qui ne connaît aucune tension géopolitique avec ses voisins, qui n’est pas pris dans la spirale de la concurrence et de la surenchère qui, trop vite, mènent à la guerre. Cela ne signifie pas non plus vivre dans l’insécurité, car c’est cela, au fond, la paix : c’est un état de sécurité des peuples qui permet leur émancipation totale, débarrassés de toute oppression, discrimination, d’exploitation et de mise en concurrence. Un état de sécurité des peuples, c’est bien sûr l’absence de conflit armé, mais c’est aussi la possibilité de vivre dignement, de manger à sa faim, d’avoir accès à l’eau et à l’énergie, à l’éducation et à la culture… Elle est la condition d’une vie pleine et digne. C’est aussi une manière de vivre ensemble.

L’infâme loi

Voilà ce que devrait être la « paix véritable » que souhaitait Jaurès et celle à laquelle nous aspirons aujourd’hui.

Hier comme aujourd’hui, la paix véritable et l’émancipation ne peuvent advenir sous les coups de boutoir du capitalisme. Il n’y a pas intérêt. Ce système repose sur l’accaparement des richesses et la concurrence ; entre les travailleurs et les travailleuses, entre les entreprises, entre les peuples. Il repose sur l’inégalité et l’exploitation des masses aux profits de quelques-uns. Il nous a menés à l’ultralibéralisme dans lequel nous nous débattons aujourd’hui, au détriment de l’intérêt général. « Ce qu’on appelle la guerre n’est que l’explosion de ce feu souterrain qui circule dans toutes les veines de la planète et qui est la fièvre chronique et profonde de toute vie », disait l’infatigable militant de la paix.

Et les ultralibéraux qui nous gouvernent basculent aujourd’hui dans un libéralisme autoritaire, on le voit à la multiplication des lois restreignant les libertés et les droits, aux vagues sécuritaires et aux discours et lois qui vont jusqu’à reprendre les thèses de l’extrême droite, notamment sur l’immigration. Ils préparent tous les outils pour les fascistes, s’ils arrivent au pouvoir, et avec eux la guerre de tous contre tous. La flambée de l’extrême droite, en Europe et dans le monde, montre que le fléau du fascisme guette inlassablement, qu’il ne faut jamais relâcher la vigilance, lutter sans cesse contre toutes ses monstrueuses émanations. Visionnaire, le député du Tarn a très tôt compris que la guerre pouvait mener aux pires régressions. L’histoire lui a malheureusement donné raison.

S’inspirer de Jaurès, non comme un totem mais comme une boussole, doit aider tous ceux qui ne se résignent pas à l’état de guerre larvée dans lequel nous sommes, à la pente qui menace de nous mener à l’abîme. « Malgré tout, dès maintenant, il est permis d’espérer, il est permis d’agir. Ni optimisme aveugle ni pessimisme paralysant », disait-il. Son message doit être entendu.

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