Le poison raciste est là

25 Mar 2024

A l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, le Ministère de l’Intérieur a dévoilé des chiffres pour le moins inquiétants. Le service statistique du service ministériel de la sécurité intérieure a révélé une poussée des actes antisémites, racistes et xénophobes.

L’essentiel de ces actes sont des injures et des menaces. Mais la violences physiques et atteintes aux biens des victimes progressent. C’est une preuve supplémentaire d’une banalisation des racismes.

Les chiffres sont éloquents : + 284% d’actes antisémites, +22% d’actes anti-arabes ou anti-musulmans.

Ne soyons pas stupéfaits. Dans un monde où les idées réactionnaires progressent, mettant en concurrence les individus et les peuples, la France n’y échappe pas avec une extrême-droite dont les idées sont banalisées et qui caracolent en tête des sondages à plus de 30%.

Les actualités internationales (notamment la crise au Proche-Orient) ou les polémiques identitaires incessantes dans le débat public expliquent cette normalisation des idées de haine. Le racisme est devenu une opinion normale sous couvert de lutte contre le politiquement correct ou par des artifices rhétoriques.

Être noir et arabe est associé à la délinquance, au trouble social quand la haine du Juif prospère toujours sur le fantasme multiséculaire d’une toute-puissance d’une communauté qui tirerait les ficelles du « système ».

Alors que devons-nous faire ? Réagir d’abord en condamnant publiquement chacun de ces actes de haine avec la même vigueur.

Combattre le mal à la racine ensuite. Cela implique de dire les choses clairement. Il n’y a pas de place dans notre République pour les semeurs de haine notamment dans la représentation politique. C’est aussi agir contre les discriminations du quotidien qui n’est pas l’affaire d’individus malveillants. Ces actes font système et infériorisent nombre de nos concitoyens selon leur couleur de peau, leur religion supposée ou réelle, leur quartier résidentiel qui seraient peuplés de « séparatistes » ou de délinquants en puissance. Dans l’accès au logement, à l’emploi voire même dans les administrations publiques, le poison raciste est partout. Pour les personnes qui le subissent, ce sont autant d’humiliations, de rancœurs qui alimentent le repli sur soi et la défiance vis-à-vis des institutions.

Comment ne pas enfin évoquer les violences policières et ces refus d’obtempérer qui cachent mal un racisme systémique dans l’institution policière ? A chaque bavure, de jeunes arabes et noirs sont abattus ou grièvement blessés.

La régulation des médias et des réseaux sociaux est aussi une nécessité pour ne pas laisser les paroles de haine prospérer sans prévention ni sanction. Le débat délétère permanent confine à des situations orweliennes où les racistes sont devenus respectables et les anti-racistes vilipendés. La polémique lunaire sur Aya Nakamura en est révélatrice. On peut aimer ou pas le style musical de cette artiste que nous accueilli à la Fête de l’Humanité en 2019. Mais elle est aujourd’hui l’artiste française la plus écoutée dans le monde. Alors qui de mieux qu’elle pour accueillir le monde entier à Paris ?

Au-delà, le remède à ce poison ne peut se trouver que dans la construction de communs. Ce commun passe par une politique résolue contre les inégalités, des services publics revitalisés pour permettre l’accès au droit de toutes et tous et pour sortir des grilles de lectures identitaires inspirées d’un relent colonial qui imprègne encore nos imaginaires. Car oui la République, ce n’est pas un discours d’ordre ou de moral mais des politiques effectives d’égalité quelque soit son origine. C’est l’identité d’une nation civique et non ethnique. L’éducation populaire doit redevenir un axe d’intervention pour battre en brèche des clichés qui ont la vie dure.

En soutien des collectifs et des associations antiracistes ou par des actions juridiques, le mouvement progressiste doit porter ce combat qui n’est pas secondaire mais au cœur du combat de classe.

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