Ma semaine au sénat : semaine du 31 mars au 6 avril 2025

7 Avr 2025

Commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants

Tout au long de la commission d’enquête, ses membres – et à fortiori son rapporteur – ont l’interdiction de formuler des jugements de valeurs ou des analyses sur les éléments factuels recueillis. 

En effet, les conclusions de cette instance ne pourront être partagées qu’après délibération de la commission et publication de son rapport, en juillet 2025. 

Aussi, les informations ci-après ne sont qu’une synthèsedes propos tenus lors des différentes auditions. 

Dans le cadre de la commission d’enquête dont je suis rapporteur, nous avons débuté un cycle d’audition des grands groupes. 

Du 17 au 28 mars, nous avons reçu 9 PDG et les avons interrogés sur l’utilisation des aides publiques. 

Automobiles et pneumatiques : 

Nous avons auditionné les PDG de Michelin et Renault, qui ont été transparents sur le montant des aides perçues, quelle qu’en soit la nature : subvention, crédits d’impôts, exonérations de cotisations patronales.  

Ces grands groupes ont touché des fonds publics au titre du soutien à l’emploi, à la formation partielle ou au titre de l’activité partielle en 2023, qui se chiffrent en dizaine de millions d’euros. 

Cela n’a pas empêché les licenciements, et pour cause, rien ne l’empêche dans les conditions d’octroi des aides, ce qui a été une source d’interrogation pour notre commission, puisque ces groupes restent en bonne santé financière, et versent des dividendes. 

Concernant le CICE notamment, les PDG indiquent qu’il a été perçu comme une aide à la compétitivité (à rebours des discours politiques) et n’avait pas du tout vocation à créer de l’emploi en France.

Ils s’accordent à considérer que les fonds publics devraient servir, de manière concrète, à réindustrialiser la France, et se montrent favorables à accroître la transparence.

Concernant le CIR, Renault sous-traite à hauteur de 10%, et ses dépenses hors de France à 0,2% et Michelin sous-traite à hauteur de 6%, et ses dépenses hors de France s’élèvent à 1,8%. 

Seul le PDG de Michelin s’est déclaré favorable au remboursement des aides lorsque les conditions d’octroi ne sont pas respectées.

Métallurgie et sidérurgie : 

Notre commission a auditionné le représentant de la filière France du groupe Arcelor Mittal. 

Le groupe a bénéficié de dizaines de millions d’euros d’aides publiques en France, de diverses natures. 

Il a été indiqué que lorsque des fonds publics sont alloués sans les adosser à une véritable stratégie politique, notamment en termes industriels, leur efficacité s’amenuise.

Des débats ont eu lieu sur la stratégie d’optimisation « de dépenses structurelles » du groupe, notamment sur la question des délocalisations des métiers supports et de l’emploi d’intérimaires alors que le groupe bénéficie d’aide à l’activité partielle. 

De plus, la réalité des remises en état des sites industriels a été questionné, alors que des fonds publics ont été alloués à cette fin. 

Le PDG s’est montré plutôt favorable à accroître la transparence dans les aides publiques perçues par le groupe.  

Distribution en hyper et supermarchés : 

Nous avons auditionné les représentants des groupes Auchan, Parfait et GBH. 

Concernant Auchan, l’ensemble des fonds publics perçus a servi de manière prioritaire à renforcer la compétitivité. 

Si une part a été allouée aux personnels, il a été indiqué que le dispositif de chômage partiel n’a été utilisé que comme instrument permettant de reporter les décisions de suppressions de postes, et n’a pas permis de les éviter.  

De même, il est apparu que de nombreuses dépenses portant sur le respect d’exigences environnementales auraient sans doute été initiées par le groupe, indépendamment des aides publiques allouées. 

Nous avons également fait un focus sur les territoires ultra-marins, par l’audition des groupes Parfait et GBH, puisque des questions subsistaient quant aux la répercussion de différentes baisses de taxes (TVA et taxes d’octroi de mer) sur les prix payés par les consommateurs.trice.s. 

Les deux représentants se sont engagés devant notre commission à améliorer leur transparence, notamment sur la réalité de leurs marges bénéficiaires.

Energie : 

Le PDG de Total a communiqué de manière totalement transparente les montants d’argents publics perçus en France (plusieurs centaines de millions d’euros), et a formulé un certain nombre de recommandations. 

Il considère que les aides publiques doivent être reliées directement à des sites, notamment en difficulté passagère, et qu’en cas de retour à bonne fortune, les montants alloués devraient être remboursés. 

Dans cet esprit, il a indiqué que les mécanismes d’avances remboursables lui semblaient être une bonne disposition, une sorte d’aide au démarrage qui suppose un retour aux caisses de l’Etat en cas de succès. 

Il a également indiqué que lorsqu’un groupe entend pratiquer un PSE, elle il ne devrait pas percevoir d’aides à l’emploi ; de même, lorsque les groupes entendent augmenter leurs dividendes, il considère qu’elles deviennent inéligibles à bénéficier d’aides publiques. 

Enfin, il estime que l’Etat, seul garant de l’intérêt général, doit prioriser l’accompagnement des projets structurellement déficitaires mais essentiels à la transition écologique. 

Tech  

Google France a indiqué n’avoir jamais demandé d’aides publiques. La filiale a bien bénéficié d’exonérations d’impôts et d’exonérations de cotisations, comme le CICE, mais les montants n’ont pas pu être confirmés pendant l’audition (ils seront transmis ultérieurement). 

Cette audition a donc été particulièrement éclairante à cet égard : sans faire aucune démarche, la plupart des grands groupes sont éligibles automatiquement à des renoncements à prélever, qui se chiffrent en millions d’euros. 

Pharmaceutique 

Concernant Sanofi, l’audition n’a pas permis de saisir précisément les montants d’aides publics perçus et leur utilisation. 

Des débats sont nés de l’utilisation de centaine de millions d’euros de crédit d’impôt par an, alors que les effectifs en R&D en France ont baissé ces dernières années, et que des branches d’activité (comme la production de Doliprane) qui ont bénéficié d’argents publics, ont été revendues à des investisseurs étrangers. 

Conclusion : 

L’ensemble de ces PDG est tombé d’accord sur un point : il n’y aurait aucun lien à faire entre les dividendes, les rachats d’actions et l’allocation d’aides publiques. 

Ce point de vue n’est pas partagé par une majorité des membres de notre commission d’enquête, qui privilégie une approche globale du fonctionnement des grands groupes et de leurs sous-traitants. 

Les justifications sur la perception d’aides publiques s’accompagnaient toujours de considération sur l’absence de protection des activités de production en France et en Europe dans un cadre international de concurrence féroce. 

Il est également ressorti de ces auditions que la masse salariale reste toujours une variable d’ajustement de cette compétitivité, sans que les aides publiques, pour ces groupes, ne modifient cette tendance.  

Le constat d’une certaine illisibilité dans la multiplicité des dispositifs existants a émergé, comme la nécessité de les évaluer pour ne maintenir que ceux qui présentent véritablement des effets vertueux. 

Les PDG se sont globalement montrés favorable à l’adossement de chaque dispositif d’aide publique à un objectif clairement défini, pour permettre aux entreprises d’en faire une utilisation plus ciblée qui faciliterait le travail de contrôle de ces fonds. 

Pour retrouver les montants, les compte-rendus des auditions sont disponibles sur le site du Sénat. 

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