Le cyclone Chido a traversé les pays africains côtiers de l’Océan indien. C’est l’île de Mayotte qui a été la plus dévastée en étant dans la trajectoire de la tempête, classée violette, soit le niveau le plus élevé d’intensité.
Le bilan provisoire est inconnu pour le moment mais tout porte à croire qu’aux dizaines de victimes identifiées, s’ajouteront plusieurs centaines d’autres. Les dégâts matériels sont d’ores et déjà terribles : les infrastructures sont dévastées, à l’instar de l’hôpital principal de l’ile endommagé lourdement. Les écoles, encore en état, ont été transformées en centre d’hébergement d’urgence, les quartiers d’habitat précaire, bidonvilles faits de tôles, sont à terre.
Les premiers convois d’assistance de l’Etat sont arrivés, par le biais de l’île de la Réunion. D’autres renforts sont heureusement attendus et la solidarité s’organise notamment avec le Secours populaire français.
Si des membres du gouvernement démissionnaire sont arrivés sur place, l’absence du Premier ministre-Maire François Bayrou, tout juste nommé, est absolument scandaleuse. En se rendant au conseil municipal de Pau, il démontre le peu d’intérêt qu’il porte aux Mahorais et Mahoraises, à ce territoire qui lui semble être une entité étrangère. Le président de la République a certes décrété un jour de deuil national qui engage la nation entière mais ces fau pas de Bayrou sont lourds de symboles.
Au-delà et plus généralement sur le fond, l’intensité du cyclone n’explique pas à elle seule la dévastation de l’île.
D’ailleurs, l’ampleur du cyclone ne doit pas nous dire que c’est un événement exceptionnel. Le dérèglement climatique va rendre ce type d’événements extrêmes plus récurrents. L’augmentation des températures des océans alimente des cyclones plus puissants et plus longs. Cela est valable dans l’océan Atlantique comme dans l’océan indien. En l’occurrence, la violence des vents (qui sont passés dans les deux sens en quelques heures) a démontré la fragilité du bâti sur l’île. Les « catastrophes naturelles » sont donc encore une fois des catastrophes sociales et climatiques. Elles révèlent l’état des infrastructures, l’impréparation et l’inadaptation face à cette nouvelle donne climatique et le manque de moyens des services météorologiques, sacrifiés sur l’autel de l’austérité. L’état de sécheresse qui touche le sud-est de l’Afrique depuis plusieurs années a fragilisé les sols lors des épisodes intenses de pluies.
Les questions sociales et écologiques sont donc intimement liées. Il faut y ajouter une troisième d’ordre politique.
Mayotte n’est pas une île française comme les autres. Elle est sous administration française en raison d’un legs colonial indû, contrevenant à toutes nos obligations internationales. C’est encore une gestion coloniale qui y prévaut encore malgré la départementalisation appliquée depuis 2011. On y manque de tout : les écoliers ont cours au mieux une demi-journée par jour, 6000 à 10 000 enfants ne sont pas scolarisés, 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté et seuls 30% des adultes en âge de travailler ont un emploi. L’accès à l’eau est restreint avec des coupures plusieurs fois par semaine voire par jour. Le rapport de l’inspection générale de six ministères, jamais publié depuis sa production en 2022, fait état de cette incurie générale. Il est peu de dire que la République n’est pas au rendez-vous. La préparation des pouvoirs publics face à la tempête en a été la dernière illustration puisque les alertes à la population ont été insuffisamment diffusées.
Les réactionnaires n’ont pourtant qu’une seule grille de lecture : tout serait lié à l’immigration. Bruno Retailleau pointe déjà, dans les décombres des tôles, la « question migratoire ». Les cyclones seraient donc moins dangereux que des sans-papiers. Après l’opération « Wuambushu » orchestrée par Darmanin, visant à chasser les migrants sans-papiers des bidonvilles, la droite et l’extrême droite continuent d’attiser la violence, la haine et à soutenir des milices locales aux discours racistes. Le bilan, derrière les annonces musclées, est dérisoire avec moins de 500 destructions d’habitats insalubres, un chiffre d’expulsion resté stable (autour de 25 000 par an) avec des moyens démesurés. L’argent public aurait été mieux dépensé dans les besoins sanitaires et sociaux.
Résultat : les populations migrantes refusent déjà d’aller en centre d’hébergement de peur d’être expulsées. Si le locataire de Beauveau venait à profiter du cyclone pour renforcer la chasse aux migrants, il démontrerait l’inhumanité envers tous les Mahorais car cela accentuerait la crise sanitaire existante avec l’épidémie de choléra en cours.
Ces migrants, qu’on vilipende, venus par radeaux de fortune, sont environ un millier à disparaître chaque année dans des embarcations de fortune dans l’Océan indien. Ils méritent mieux que le mépris et d’être associés à tous les maux d’une société mahoraise maltraitée par un Etat aux pratiques coloniales. Ces femmes et ces hommes sont surtout des Comoriens, dont Mayotte fait partie culturellement et politiquement. N’en déplaise aux racistes en tout genre, les Comoriens sont chez eux à Mayotte.
Aidons donc Mayotte sans polémique et construisons demain avec les populations locales un projet garantissant leurs droits effectifs. Il sera temps ensuite de faire un bilan de cette gestion de la tempête et de convoquer une commission d’enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur ce drame.