Procès Mazan : En finir avec les violences faites aux femmes

22 Nov 2024

D’un côté, l’effroi provoqué par le récit des atrocités commises sur Gisèle Pélicot.

De l’autre, le courage admirable et la dignité dont fait preuve cette femme depuis le début du procès de ses bourreaux.

Qui sont-ils ? Des hommes. 51 en tout. De toutes origines sociales, professionnelles, de tout âge, de 26 à 74 ans. Des hommes lambda, des monsieur tout le monde. Avec comme dénominateur commun, d’avoir répondu à l’appel d’un autre homme, Dominique Pelicot, pour venir violer, durant des années, sa propre femme, sous soumission chimique.

Ce dénominateur commun a un nom : le patriarcat. Hommes anonymes ou hommes célèbres, un temps admiré, la liste est longue, preuve d’un phénomène massif, longtemps passé sous silence et aujourd’hui dénoncé.

Oui le virilisme tue, entraine des violences et de la maltraitance. Partout dans le monde.

Ce système d’oppression masculine qui autorise les hommes à penser qu’une femme peut être un objet à leur merci, que leurs désirs, leurs fantasmes peuvent s’affranchir de tout, et peuvent tout se permettre, même le pire.

L’affaire Pelicot est unique, et en même temps, pas tant que cela.

Unique par son ampleur et le degré d’horreur infligée à cette femme. Unique parce qu’également cette femme a eu la force de demander la levée du huit clos, comme le préconise de nombreuses avocates féministes. Une autre Gisèle, Halimi cette fois-ci, en 1978, avait transformé en procès public du viol une affaire considérée comme un attentat à la pudeur.

Oui, la honte doit décidément changer de camp ! Chaque jour, Gisèle Pélicot est applaudie dans la cour criminelle départementale du Vaucluse, comme une réponse humaine et simple, face à l’horreur vécue.  

Mais cette affaire n’est malheureusement pas unique car elle est l’expression une nouvelle fois des violences faites aux femmes et de la culture du viol. Du sexisme ordinaire aux féminicides, en passant par le harcèlement, les violences psychologiques, les suicides forcés, les agressions, les mariages forcés, la prostitution, la pornographie, ces violences sont systémiques et omniprésentes dans nos sociétés.

En France, un viol ou une tentative de viol a lieu toutes les 2 minutes 30. On dénombre plus de 120 féminicides depuis le début de l’année 2024. Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, ce sont plus de 1000 femmes qui ont été tuées en raison de leur sexe, par des hommes.

Le nombre de victimes de violences conjugales a augmenté de 10 % entre 2022 et 2023, selon l’étude annuelle du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure. Depuis 2016, il a doublé, portant le total à environ 271 000 victimes. Certes, cette augmentation s’explique en partie par la prise de conscience depuis #Metoo, mais pas uniquement.

Des lois ont été votées ces dernières années et ont permis quelques avancées. Mais nous sommes très, très loin du compte.

A quelques jours de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et de la manifestation organisée par de nombreuses associations féministes, je soutiens la revendication d’une loi-cadre intégrale contre les violences sexuelles demandée par une coalition d’une soixantaine d’associations ainsi que la nécessité d’un budget de 2,6 milliards d’euros par an. Cela permettrait d’enrayer ces violences, faire de la prévention dès le plus jeune âge, mieux prendre en charge les victimes et les mettre en sécurité, accompagner les auteurs pour éviter la récidive, pour mieux former les professionnels, pour renforcer les moyens dans les commissariats, dans la justice.

Ces 2,6 milliards représentent 0,5% du budget de l’Etat. Aujourd’hui, l’Etat en dépense seulement 184 millions.

Combien de féminicides supplémentaires faudra-t-il attendre pour que le gouvernement manifeste enfin une volonté de mettre en œuvre une vraie politique publique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes ?

A quelques jours du vote du budget au Sénat, nous verrons celles et ceux qui ont une attitude à géométrie variable, feignant de lutter contre ces violences lorsqu’elles sont perpétrées par une personne étrangère, comme pour le meurtre et le viol de la jeune Philippine en octobre dernier, mais en réalité peu concernés et volontaristes lorsqu’il s’agit de dénoncer un système global.

Alors que les mouvements masculinistes se développent, en France comme ailleurs dans le monde, preuve en est encore l’élection de Trump, champion de la masculinité érigée en toute puissance, il est plus que temps, que nous nous interrogions, tous, nous, en tant qu’hommes, sur notre façon de nous comporter avec nos femmes, nos sœurs, nos filles, nos collègues, nos amies, de nous positionner dans l’espace public et la sphère privée. Il n’y a pas de petite violence, il n’y a pas de petit sexisme. Il s’agit d’un continuum de violences auquel nous devons mettre un terme.

Gageons que ce procès Mazan constituera une nouvelle étape dans la prise de conscience collective. Et le 23 novembre, soyons nombreuses et nombreux aux côtés des associations féministes, pour dénoncer ces violences et exiger des moyens à la hauteur de cette lutte.

Dans la même catégorie

Dans les autres catégories