Ce lundi 20 mai peut constituer un événement dans les relations internationales. Le procureur de la Cour Pénale Internationale, Karim Khan, a émis une requête en vue d’un mandat d’arrêt international contre le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerres et crimes contre l’Humanité dont le déplacement forcé de population, les persécutions ou encore le « fait d’affamer délibérément des civils ». Trois principaux dirigeants du Hamas sont également visés, dont Ismaïl Haniyeh, chef de la banche politique, Yahya Sinwar, chef dans la bande de Gaza et Mohamed Deïf, commandant des Brigades Al-Qassam pour crimes de guerre et crime contre l’Humanité dont le meurtre, le viol et la prise d’otages.
Il faut d’emblée préciser une chose : ce sont des juges de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui valideront ou non la procédure et qui pourront émettre des mandats d’arrêt. Auquel cas, les personnes visées devront être arrêtées si elles posent le pied dans un des 124 Etats membres signataires de la convention de Rome instituant la CPI. Cette procédure fait suite à une visite en Israël, en Cisjordanie et à la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza.
Pourquoi cette double requête fait événement ?
Elle pose pour la première fois la poursuite de dirigeant d’un Etat affilié comme occidental. C’est aussi une nouvelle illustration de la violation régulière du droit international par l’Etat israélien, quelques mois après les requêtes émises par la Cour internationale de justice (CIJ) concernant le risque de génocide.
Sans préjuger des rendus juridiques, il est clair que les crimes de guerre commis par Israël en réaction aux attentats du Hamas bafouent le droit international. Prenant appui sur les propos des responsables israéliens qui visent à infliger des souffrances aux civils, les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité s’appuient sur l’utilisation de l’arme de la faim, les bombardements indiscriminés notamment contre les populations civiles, la déshumanisation des civils.
Depuis l’adhésion de l’Etat de la Palestine à la Cour Pénale Internationale en 2015, une requête était déjà instruite par l’ancienne Procureure de la Cour Fatouma Bensouda. Le gouvernement israélien, déjà dirigé à l’époque par Benyamin Netanyahou, avait vilipendé cette adhésion et les enquêtes de cette instance internationale, lui fermant les accès aux territoires occupés. C’était alors la politique de colonisation, l’intervention militaire israélienne de 2014 à Gaza et les marches dites du « retour » qui étaient dans le collimateur.
Les accusations contre le Hamas sanctionnent aussi la stratégie meurtrière de ce groupe terroriste, l’extermination, le meurtre, la prise d’otages, le viol comme arme de guerre et les tortures infligées aux victimes.
Les deux acteurs se retrouvent au banc des accusés malgré les pressions incommensurables qu’a reçu le procureur de la CPI, notamment de la part des sénateurs républicains des Etats-Unis ou encore d’officiels israéliens.
Tant que le gouvernement israélien que les chefs du Hamas rejettent le fait d’être placés sur le même plan. Les officiels israéliens alimentent des accusations d’antisémitisme insupportables à ce propos quand le Hamas se présente en organisation de résistance.
C’est tout à l’honneur de la CPI de réclamer justice envers les deux protagonistes du conflit pour les différents crimes qu’ils ont commis. C’est l’occasion cynique pour les uns et les autres de ne plus aller à la table des négociations autour du cessez-le-feu et la libération des otages israéliens, et des prisonniers politiques palestiniens.
Ces deux ennemis de la paix sont discrédités et trouveront ici un argument supplémentaire pour empêcher un cessez-le-feu. D’autres difficultés s’y ajoutent comme le fait que majorité des forces politiques israéliennes ne remettent en cause ni l’intervention militaire à Gaza ni le logiciel colonial. De son côté, le Hamas, bien qu’affaibli, veut se donner un prestige de résistant face à une Autorité palestinienne dévitalisée.
C’est l’occasion pour amplifier la mobilisation en faveur du respect du droit international. Après la requête de la Cour internationale de justice (CIJ) sur le risque de génocide, il est clair que ce levier rappelle que le respect du droit international s’applique à toutes et tous, acteurs étatiques ou non. La situation humanitaire à Gaza mais au-delà la fuite en avant d’une violence alimentée par le colonialisme appellent en effet à des actes forts tant ils sont la conséquence de violations répétées du droit.
C’est l’action coordonnée de juristes mais surtout des mouvements de solidarité qui peut crédibiliser une issue politique juste et durable.
Ces démarches démontrent l’impasse du double standard porté notamment par les puissances occidentales et depuis par leurs adversaires dont la Russie.
Qui a crié au scandale quand un tel mandat d’arrêt a été émis contre Vladimir Poutine en mars 2023 ? Pas grand monde, a juste raison. Mais les Etats-Unis qui n’ont pas de mots assez durs contre la CPI, dont ils n’ont pas ratifié le traité, par la voix de Joe Biden annoncent par contre leur coopération avec cette même Cour à propos de l’Ukraine… La suspension temporaire d’arme, l’échec à peser auprès de son allié israélien et ses autres alliés du monde arabe sont autant de camouflets pour Washington et alors que les mobilisations les plus puissantes dans le monde occidental pour dénoncer l’inertie et le double standard se situent dans ce pays.
Le Quai d’Orsay a pris le parti de soutenir la procédure judiciaire en cours quand l’Union européenne se terre dans le silence.
Cette bataille juridique démontre que la pression populaire fait évoluer les rapports de force et les positions des Etats. Il existe d’autres leviers comme la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, en conformité avec l’article 2 de ce texte qui conditionne les échanges économiques au respect des droits humains. La France, dans la lignée de certains Etats européens, pourrait participer à la reconnaissance de l’Etat palestinien afin là aussi de faire bouger les lignes.
L’action collective peut ouvrir un chemin d’espoir. Aux forces de progrès de s’en saisir.