C’est l’argument massue pour justifier cette réforme des retraites : nous serions au bord de la faillite. Forts de scénarios présentés comme apocalyptiques, la Première ministre et son gouvernement nous expliquent qu’il faut travailler plus longtemps car ce serait le sens de l’Histoire mais aussi pour rééquilibrer les comptes des caisses de retraite. La réalité est qu’il s’agit de réduire les dépenses publiques pour se conformer à la feuille de route des institutions européennes et des marchés financiers.
Le Conseil d’Orientation des Retraites, dans son rapport de septembre dernier, annonce plusieurs trajectoires possibles. Construit par les représentants des caisses de retraites, des économistes dont on ne peut les soupçonner d’être des antilibéraux mais un organisme pluraliste. Ce document évoque le fait que la part des retraités dans le PIB, de l’ordre de 14% n’augmenterais pas à l’avenir malgré la hausse du nombre de retraités. Ce qui signifie une tendance négative : un appauvrissement des retraités, notamment de celles et ceux en bas de l’échelle des salarié·e·s. Cela devrait être la priorité pour avancer vers davantage de justice sociale. Il faut dire que les générations qui arrivent en retraites sont celles qui ont connu des fins de carrière difficile, étant parmi les 1,4 millions de séniors ni en retraite ni en emploi. Or, l’argumentaire gouvernemental utilise cette tendance non pas pour améliorer leur situation…mais la généraliser !
Les déficits, réels, des caisses de retraite seront liés à la conjoncture économique ainsi qu’aux exonérations successives d’impôts et de cotisations patronales (plus de 40 milliards !). Non seulement la réforme vise à financer cette politique de cadeaux au capital mais elles creusent encore les plus déficits et battent en brèche l’idée que les aides aux entreprises favoriseraient l’activité économique ! On paie donc deux fois l’échec d’une politique économique de l’offre. Pourtant, malgré des prévisions basées sur « le programme de stabilité » gouvernemental, les déficits sont suffisamment supportables (8 à 10 milliards sur 230 milliards des caisses de retraite) pour aboutir à l’équilibre en 2040.
En réalité, le projet consiste à poursuivre le temps de travail des salariés afin de réduire le temps en retraite et à poursuivre l’appauvrissement des futurs retraités. Seule solution en l’état pour les actifs : épargner dans les dispositifs de plan épargne retraite. La manne financière est dans le viseur des banques et des compagnies d’assurance depuis des décennies. Les produits financiers proposés de plus en plus régulièrement aux travailleur·se·s visent à leur faire accepter l’idée qu’une retraite complète est impossible, qu’il faut s’accommoder de carrières hachées, de modération salariale. L’argument massue est donc une œuvre idéologique majeure pour tendre vers la capitalisation. On demanderait ainsi à celles et ceux qui produisent les richesses de cotiser et d’épargner en même temps pour favoriser l’économie casino, la financiarisation croissante de notre économie.
D’autres solutions existent pourtant. Parlons argent et allons le chercher là où il est. Revenir sur les exonérations de cotisations depuis trente ans rapporterait 260 milliards.
Pour cela, il y a plusieurs solutions. L’emploi d’abord. En permettant par exemple à 10% des séniors au chômage de travailler, ce sont 10 milliards de cotisations supplémentaires qu’on peut récolter.
En sortant de l’austérité pour répondre aux besoins sociaux notamment par un renforcement et une revitalisation des services publics, les emplois publics seraient vecteurs de production de richesse. Favoriser le taux d’activité des femmes, résorber la précarité et les temps partiels souvent subis de celles-ci qui occupent souvent des postes moins bien rémunérés, c’est non seulement une mesure féministe mais un gain financier non négligeable. En alliant justice sociale et efficacité économique, il est possible de trouver des recettes.
Surtout, il faut anticiper de possibles dépenses pour de bonnes retraites et d’un départ à 60 ans à taux plein voire avant pour les métiers les plus rudes comme l’établissent déjà certains régimes spéciaux existants. Pour cela, ponctionner sur les revenus financiers est une nécessité et cela rapporterait près de 40 milliards.
C’est une autre organisation du travail, de la répartition des richesses avec des pouvoirs nouveaux pour les salarié·e·s, une sécurité d’emploi et de formation mobilisant les ressources au service des besoins sociaux et environnementaux.