Retours sur mon voyage en Palestine et Israël

16 Juin 2022

Du 30 mai au 4 juin 2022, je me suis rendu en Palestine et Israël. L’objectif de ce voyage était clair : pouvoir rendre visite, en tant que parlementaire, à mon ami Salah Hamouri, militant des droits de l’Homme et avocat franco-palestinien emprisonné injustement par les autorités israéliennes depuis le 7 mars 2022 sous le régime de la détention administrative, sans qu’aucun motif ne lui ait été notifié. Mais j’y reviendrai.

Je sais que voyager en Israël lorsqu’on est un militant engagé pour le respect du droit international n’est pas des plus simple. Du passage de sécurité à l’aéroport à Roissy aux contrôles de sécurité à Ben Gourion, les embûches sont souvent nombreuses. De nombreux élus et militants, ces dernières années, se sont vu refuser l’embarquement ou expulser vers l’Europe à peine arrivés.

Nous atterrissons donc à Tel Aviv. De là, nous prenons la direction d’Haifa pour rencontrer le soir même, Reem Hazzan, responsable internationale du Parti Communiste d’Israël. Elle nous exposa la situation politique en Israël, les positions et les actions du PCI contre la politique d’apartheid et la colonisation que fait subir le gouvernement israélien aux arabes vivant en Israël et aux palestiniens vivant en territoires occupés. Le lendemain une rencontre est organisée avec le rédacteur en chef par intérim du journal Al-Ittihad et des journalistes militants. Al-Ittihad est l’organe central du Parti Communiste et le plus important journal en langue arable publié en Israël. Nous avons longuement échangé sur les réalités de la presse dans nos différents pays et sur l’importance d’avoir des médias engagés pour porter la voix des exploités.

Puis d’Haifa, nous avons pris la route direction Jérusalem et la Knesset (Parlement israélien) pour y rencontrer les députés Aida Touma et Ofer Cassif, tous deux membres du PCI et du Hadash, élus sur la Joint list (Liste unie). Ils nous ont rappelé les difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien, notamment face à la coalition du Premier ministre Naftali Bennett allant du « centre gauche » à l’extrême-droite la plus raciste et nationaliste qui, selon leurs propres termes « approfondi la politique de colonisation et d’Apartheid », discrimine toujours plus les arabes vivant en Israël et réprime davantage les mouvements de résistance et les Palestiniens.

Entre temps, le Consulat de France à Jérusalem nous informait que notre requête concernant une possible visite à Salah Hamouri en prison était refusée… Après avoir visité deux fois Salah en prison en 2011 et l’avoir revu à de nombreuses reprises en France, je serai donc privé de visite cette fois-ci. La raison est toujours la même : « Sécurité nationale ». Pourtant, cette demande n’avait pas été faite au dernier moment mais bien plus d’un mois avant notre voyage. Le Consul a fait ce qu’il a pu avec les moyens dont il dispose mais une nouvelle fois les autorités israéliennes ont d’une part méprisé la diplomatie française en rejetant toutes ses demandes mais d’autre part, le pouvoir en place a bafoué le droit le plus élémentaire d’un élu français de voir un de ses compatriotes en incarcération. Ce refus ne serait pas choquant si Israël ne se prévalait pas d’être la « seule démocratie du Moyen-Orient ». Dans quel pays dit démocratique, un parlementaire serait interdit de visite à un de ses concitoyens détenu sans aucun motif ? Aucune. Preuve en est une nouvelle fois, que ce gouvernement israélien a peur que la vérité éclate encore plus au grand jour sur sa politique récurrente de violation des droits de l’homme et des droits des prisonniers politiques palestiniens. Et que dire de ce gouvernement français qui accepte cet état de fait et n’use pas de tout son poids et de son pouvoir pour faire libérer Salah Hamouri toujours incarcéré dans les geôles israéliennes et dont la détention vient d’être prolongée de trois mois sans qu’aucun jugement n’ait été rendu… C’est une honte sans nom, et de nouveau, le Quai d’Orsay et la diplomatie française se trouvent humiliés par le pouvoir israélien. Le soir nous avons pu en échanger directement avec Monsieur René Troccaz, Consul général de France à Jérusalem, ainsi qu’avec Monsieur Raphaël Duizend, conseiller politique au Consulat, que je remercie d’ailleurs pour leur invitation à cette rencontre. Je leur ai exprimé ma vive incompréhension et mon immense regret suite à cette interdiction faite à un parlementaire français de rendre visite à Salah. Je leur ai notamment notifié que j’allais interpeller Madame la Ministre des Affaires étrangères sur cette situation intolérable.

Le mercredi, après voir visité la merveilleuse vieille ville de Jérusalem, nous avons pris le bus direction Ramallah. Que dire de cette réalité qu’est la colonisation qui vous saute aux yeux lorsque vous passez le checkpoint de Kalandia avec ce mur immense qui divise la terre de Palestine en deux et les peuples qui y vivent… Ce mur qui aussi divise et capte les terres arables, l’eau au profit de riches propriétaires israéliens qui font souvent travailler des palestiniens. Ce mur qui n’est en rien un élément de « sécurité » pour l’état d’Israël, mais bien un moyen d’humiliation et de perturbation quotidienne pour la vie des palestiniens. Nombre d’entre eux me racontait qu’avant pour aller d’un point A à un point B, il leur fallait 20, et qu’avec le mur, cela pouvait prendre des heures. Que dire de ces dizaines de colonies israéliennes qui entourent les villes des palestiniens, de toutes ces terres occupées illégalement, de ces milliers de vies volées et détruites par l’occupant. Car oui, occupation, colonisation et apartheid sont des termes qui définissent parfaitement ce qui se passe en Palestine. Le gouvernement israélien est coupable. Coupable d’avoir mis en place un des pires système raciste, discriminatoire et de contrôle des populations au monde, opprimant le peuple palestinien avec une brutalité et une violence inouïe.

Arrivés à Ramallah, des camarades du Parti du Peuple Palestinien, parti héritier du Parti Communiste Palestinien, sont venus nous chercher pour nous emmener à leur siège. Nous y avions rendez-vous avec Bassam Al-Salhi, Secrétaire Général du PPP ainsi que le Docteur Akel Taqez, responsable des relations internationales du PPP. Nous avons abordé de multiples sujets allant de nos positions respectives sur la guerre en Ukraine, sur le rôle de l’OTAN, sur les situations politiques dans nos deux pays et sur l’autodétermination des peuples.

Sur le bus du retour pour Jérusalem, nous avons vécu une de ces scènes quotidiennes devenues malheureusement tellement banales pour des dizaines de milliers de palestiniennes et palestiniens. Parvenus à un checkpoint, deux très jeunes militaires israéliens ont intimé l’ordre au chauffeur du bus de s’arrêter et sont montés dans notre bus pour contrôler chaque passager avec un air très suspicieux. Un par un, chaque passager s’est vu exiger sa pièce d’identité. Nous n’y avons bien sûr pas échappé mais avec l’extrême privilège d’avoir des passeports français. Ce qui n’était pas le cas pour la très grande majorité du bus qui était, à part nous, composée de palestiniennes et palestiniens. Une jeune femme est assise devant nous. Nous nous rendons compte qu’un de militaires tique sur elle et s’ensuit un échange un peu vif entre les deux. Le jeune militaire semble alors appeler ses supérieurs au talkie-walkie. Nous en profitons pour demander à la jeune femme ce qu’il se passe. Elle nous dit alors que le soldat l’enjoint à descendre du bus pour traverser à pied le checkpoint, ce qui implique une perte de temps considérable pour elle car elle doit dès lors passer par un chemin spécial avec des contrôles plus longs et renforcés. Nous la questionnons sur la raison. Sa réponse ne peut être plus claire, « tous les jeunes de moins de 45 ans sont à chaque fois contraints de traverser les checkpoints à pied ». Et là, pas question de négocier avec les soldats. J’avais déjà vécu des situations similaires lors de mes précédents séjours en Palestine. Et cela, nous renvoie malheureusement à la triste réalité que la situation ne s’est guère améliorée et ne va pas en s’améliorant pour cette jeunesse palestinienne. L’objectif de ces contrôles incessants, de ces ordres absurdes ? Humilier, briser, anéantir psychologiquement cette jeunesse palestinienne pour que toute velléité de résistance soit veine. La force de l’habitude, c’est qu’une certaine lassitude gagne…

Le lendemain, nous avons pris la direction de Tel-Aviv, ville dans laquelle nous avions plusieurs rencontres de prévues. Tout d’abord, nous avions rendez-vous dans les locaux du journal communiste Zu Haderekh, pour échanger avec les militants qui font vivre ce journal. Après avoir discuté sur les difficultés de faire vivre une presse engagée, au service des travailleurs et des mouvements sociaux, portant une voix différente en Israël sur la réalité de l’occupation et de l’apartheid, sur leurs moyens de diffusion, je leur ai exposé ce qu’il en était, pour notre part, de l’Humanité en France. Nous avons ensuite longuement abordé les élections en France, le regard qu’ils portaient depuis Israël. De nombreuses questions traversaient leurs esprits.

Puis nous nous sommes rendus dans un centre culturel gérée par le Parti Communiste Israélien. Là, nous avons rejoint une avocate de l’association B’Tselem, ONG israélienne, de défense des droits de l’homme, ayant pour objectif d’informer et d’alerter la communauté internationale sur les violations des droits humains perpétrées par l’armée israélienne et les colons en Cisjordanie. Leur but est de mettre un terme à l’occupation et l’apartheid israélien en Palestine. L’échange a énormément tourné sur leur vision pour résoudre cette situation qui pourrait se résumer à interpeller la communauté internationale pour l’inciter à prendre d’importantes sanctions pour faire pression sur Israël. Enfin, nous avons rencontré un ancien soldat de Tsahal (armée israélienne) qui est aujourd’hui membre permanent de l’association Breaking the Silence, association d’anciens soldats et de réservistes israéliens, scandalisés par l’occupation et le sort réservé aux palestiniennes et palestiniens par l’armée israélienne. Ils cherchent à rassembler des témoignages de soldats sur le terrain pour montrer la réalité de l’action de Tsahal en territoires occupés pour ensuite interpeller l’opinion publique israélienne et contrer la propagande officielle du gouvernement. Il faut saluer leur courage dans un pays où évoquer les simples termes d’occupation et de colonisation peuvent vous valoir en retour de violentes réactions, autant dans votre cercle amical que familial.

Enfin, le soir, nous sommes retournés à Jérusalem. Je ne pouvais pas achever ce séjour sans rencontrer Denise et Hassan Hamouri, parents de Salah, que j’avais déjà rencontrés lors de précédents voyages. Mais cela fait dix ans que nous ne nous étions pas vus, et encore une fois, Salah ne pouvait pas partager notre repas. Nous avons beaucoup parlé de la situation de Salah et de la répression qui s’abat sur lui de la part des autorités israéliennes depuis deux décennies pour ses multiples engagements pour la cause palestinienne et les droits des palestiniennes et palestiniens à vivre en paix sur une terre débarrassée de la colonisation et du joug d’un pouvoir étranger, qui nie à ce peuple son existence même. Ils ont insisté sur le fait que Salah était incarcéré une nouvelle fois sans aucun motif et que seule la mobilisation pouvait le faire sortir. Denise et Hassan nous ont rappelé combien il était important de poursuivre le combat en France pour la libération de Salah et de l’ensemble des prisonniers politiques palestiniens, pour l’autodétermination du peuple palestinien et l’impact des différentes campagnes menées ici pour mettre en lumière les exactions du gouvernement israélien. Je les remercie très chaleureusement d’avoir accepté ce diner et de s’être livrés à nous le temps d’une soirée.

Je n’ai pas eu le temps de revoir tous mes amis à Naplouse, Hebron ou Tulkarem. J’y reviendrai. Malheureusement, Salah doit maintenant purger sa peine jusqu’au 5 septembre. Elle peut être prolongée indéfiniment… Le mouvement populaire doit grandir pour le faire libérer au plus vite.

Dans toutes mes rencontres, mes amis m’ont dit que la politique de colonisation allait tellement vite, que seule une pression internationale pourrait faire céder le gouvernement israélien. A nous maintenant d’y contribuer.

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