Soldes exceptionnelles sur l’électricité !

3 Jan 2022

Ces dernières années, les factures d’énergie n’ont cessé d’augmenter, entraînant toujours davantage de Françaises et de Français dans la précarité énergétique. Et l’envol des prix n’est pas près de s’interrompre ; pour le mois de février 2022, on nous annonçait même 35% ! En cause, l’augmentation des cours du gaz et du prix de l’électricité sur le marché de gros.

Pour endiguer les protestations légitimes suscitées par cette nouvelle hausse, le gouvernement s’est engagé à la limiter à 4%. Et pour faire semblant de tenir cette promesse, il a déjà réduit la principale taxe sur l’électricité (TICFE) au minimum, amputant donc les recettes fiscales de l’État. Le gouvernement vient d’y ajouter une nouvelle supercherie.

En substance, la stratégie adoptée est d’endetter EDF. Un petit pansement qui évite soigneusement de s’attaquer à la racine du mal qui ronge le secteur de l’énergie : le dogme du marché et de la concurrence.

Il s’agit à présent d’augmenter les parts de vente d’électricité que doit concéder EDF dans le cadre de L’ARENh, l’Accès régulé à l’énergie nucléaire historique – déjà en soi un scandale, puisqu’il s’agit donc pour l’électricien de vendre une part de sa production à un coût fixe, et surtout très peu élevé, aux fournisseurs alternatifs afin de leur éviter de s’approvisionner sur le marché de gros de l’électricité.

Qu’est-ce qu’un fournisseur alternatif ? Un parasite. Généralement, le fournisseur alternatif, une entreprise du secteur privé, ne produit pas d’électricité : il se contente de l’acheter, ici à EDF, et de la revendre, le tout en utilisant le réseau de distribution public RTE. Vous trouvez cela inutile et coûteux, quand il est possible de l’acheter directement à EDF ? Ça l’est. Bienvenue dans le monde de la concurrence artificiellement créée.

Pour endiguer la hausse spectaculaire qui s’annonçait, le gouvernement a donc décrété qu’EDF vendrait 120 térawattheures de sa production à ces fournisseurs alternatifs, au lieu des 100 TWh fixés jusqu’à présent – soit environ 30% de sa production globale d’électricité. Cette part, EDF la vendra 46,2 euros le mégawattheure, contre 42 euros jusqu’alors. On pourrait croire que le gouvernement a du moins concédé une augmentation au bénéfice d’EDF… si ce n’était qu’actuellement, pour donner un ordre d’idées, le coût du mégawattheure sur le marché de gros est d’environ 250 euros. On repère aisément l’intérêt pour les fournisseurs alternatifs d’acheter à EDF dans le cadre de l’ARENh, et les difficultés que cela peut occasionner pour l’entreprise historique. En somme, le gouvernement propose aux fournisseurs alternatifs de belles soldes d’hiver, au détriment d’EDF.

Enfin, pour compléter le dispositif, certains jours de décembre parmi les plus chers vont être ôtés du calcul du Tarif réglementé de Vente.

Le coût de ces mesures pour EDF ? Huit milliards d’euros.

Dans ce contexte de hausse des tarifs, d’inflation et de campagne électorale, sont mis à contribution les usagers dont la facture augmente, l’État et EDF… Bref, tout le monde, sauf les fournisseurs alternatifs. Voilà comment le gouvernement parvient à ses fins ; en évitant surtout de s’attaquer au marché, en renforçant une concurrence artificiellement conçue, et en continuant à affaiblir EDF.

Or, plus EDF, autrefois entreprise intégrée, s’affaiblit, moins elle conserve de compétences et de savoir-faire, et plus elle a recours à la sous-traitance, donc au secteur privé. Secteur privé qui, par définition, a pour objectifs premiers la rentabilité, puis le profit – contrairement au service public qui garantit à toute la population, sur l’ensemble du territoire, un même accès à l’énergie. On pourrait évidemment dire la même chose de l’eau, des soins, de l’éducation de l’administration, du courrier, des transports, etc.

N’oublions pas que la fuite des compétences, le désengagement de l’État et l’abandon à la concurrence conduisent toujours, dans tous les secteurs, à des hausses de prix pour les usagers qui deviennent peu à peu des clients – la nuance est importante –, et à des défaillances en termes de qualité et de sûreté des installations.

On pourrait accuser l’Union européenne – fondée, il est vrai, sur le marché commun – d’imposer la concurrence dans ce secteur, comme dans tant d’autres. Mais l’Union européenne n’est jamais que la résultante des États qui la composent, de leurs jeux d’intérêts et de leurs interactions ; et chaque nation a le droit, même dans ce cadre, de décider qu’un secteur relève de l’intérêt général, gardant alors sa pleine souveraineté sur celui-ci.

Qu’attendons-nous donc pour sortir l’énergie du marché, pour garantir à la population un véritable accès à ce bien commun essentiel et vital ?

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