Sommet de Paris : un hIAtus entre l’ambition et le projet

12 Fév 2025

Le sommet de Paris pour l’action sur l’Intelligence artificielle s’est clôturé après des premiers jours de travail consacrés au partenariat des professionnels du secteur et les annonces grand public. Ces dernières ont marqué l’actualité avec les annonces politiques par l’hôte de l’Elysée Emmanuel Macron. 

Rappelons le contexte. Les Etats-Unis ont depuis quelques jours à leur tête un président d’extrême droite, largement soutenu par l’industrie de la tech. Ce secteur ne regroupe pas que les patrons de nos activités ludiques mais bien un écosystème au cœur des enjeux capitalistiques contemporains : centres de données (dont celles des industries stratégiques et des administrations d’Etat), systèmes de puces électroniques, applications de réseaux sociaux. Ces compagnies absorbent des secteurs entiers de l’économie et leurs dirigeants ont décidé de porter une discours de dérégulation économique. Avec Elon Musk, dirigeant d’une agence de libéralisation et de démantèlement des services publics et de toute mission d’intérêt général ou démocratique, cette caste technophile détient les données stratégiques et sensibles de la plus grande puissance mondiale. Ces barons de la tech veulent en finir avec ce qu’ils nomment le wokisme pour imposer des solutions technologiques à toute réponse : ce sont des accélérationnistes. 

La Chine, deuxième puissance mondiale, a quant à elle répondu sur le terrain technologique avec une application DeepSeek, intelligence artificielle en open source, bien moins gourmande en énergie que ses concurrents étatsunien et qui se développe à grande vitesse.


Le sommet international parisien se veut être une réponse française et européenne à ce duel annoncé. Soit. Mais l’écueil est déjà dans l’ambition de répondre à un affrontement entre deux hyperpuissances…par un participation au combat. Naïveté confondante quand l’enjeu est au contraire de sortir des intérêts marchands et des logiques de bloc !

Nos champions français existent même si nous avons glosé sur l’application Lucie qui a été un échec cuisant. Des dizaines de start-up existent et développent des programmes qui pourraient être de grande qualité. La plus connue étant Mistal IA. 

Ce ne sont pas les mesures de simplification, proclamées par le président de la République, qui régleront tout. La seule chose simple est l’objectif de cet outil, ni bon ni mauvais en soi. 

On peut pérorer d’investir 100 milliards d’euros en France, 200 au niveau européen : quand les budgets de recherche des Etats fondent comme neige au soleil en raison de l’austérité et subsistent seulement pour répondre aux intérêts des grandes firmes, nous faisons de l’Intelligence artificielle une technologie qui alimente l’exploitation et la fuite en avant libérale. D’ailleurs, l’investissement français repose pour l’essentiel sur des fonds de pension émirati et canadien. Pour la souveraineté, on repassera…

L’essentiel de l’argent vise à créer des centres de données pour faire tourner les machines. Où sont les objectifs sociaux et environnementaux ?

Déjà utilisé à des fins ludiques, l’Intelligence artificielle provoque pourtant déjà de grands dégâts :

  • Dans l’écosystème numérique, elle participe pour 4% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial
  • Des milliers de travailleurs sont exploités dans des centres en Afrique et en Asie pour alimenter les recherches et fournir les algorithmes en données
  • Les terres rares qui alimentent les outils technologiques sont déjà au cœur des rivalités géopolitiques et des possibles guerres de demain
  • L’usage militaire pourrait créer un vide juridique sur la responsabilité de crimes de guerre demain et accélérer la déshumanisation de la guerre 
  • Les outils de contrôle social et répressif se développent, pas seulement dans les régimes autoritaires.

Il faut penser un autre monde et un usage modéré, rationnel de cette technologie. L’Intelligence artificielle doit devenir un commun, un bien public, écarté de logiques de concurrences marchandes ou d’Etat. Au travail, dans les services publics, elle peut être un appui pour faciliter l’émancipation, le développement humain et l’innovation. Le mérite du sommet de Paris aura permis de lancer un premier appel de 61 Etats à une IA éthique, inclusive et éthique. 

Les défis sanitaires, sociaux, environnementaux de demain posent la question du contrôle démocratique des outils de notre modernité. A l’image de cet appel d’associations, les organisations et les forces vives du travail et de la création doivent s’emparer de ce sujet pour ne pas le laisser aux fondamentalistes du marché.

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