Par son annonce extrêmement droitière et provocatrice, le candidat Emmanuel Macron aura eu le mérite de reposer la ”question sociale” au cœur du débat public. Voici le contenu : obliger les allocataires du RSA à travailler 15 à 20 heures par semaine pour percevoir leur allocation. Il reprend donc à son compte la vieille antienne libérale, insupportable, et que des Présidents de Départements de droite ont déjà essayé de mettre en place. Au nom du courage et de l’efficacité, il faudrait remettre ces privé·e·s d’emploi, souvent de longue durée, vers le chemin de l’emploi. Après les allocations qui « coûtent un pognon de dingue », traverser la rue pour trouver du travail, la nouvelle formule serait donc « Travaille pour toucher le RSA ! »
Oui, il y a un échec de l’accompagnement des allocataires du RSA… mais pas celui que l’on croit. Comme le dénoncent les associations de solidarité et les syndicats, c’est l’accompagnement actuel qui est un échec. Non seulement les Départements n’ont pas les moyens d’assurer un suivi de qualité, quand ils s’acharnent à faire des contrôles, mais le montant de l’allocation reste un problème majeur. La Cour des Comptes a reconnu ces problèmes dans un rapport publié en janvier dernier. Vivre du RSA ne permet pas de vivre décemment : c’est vivre avec des privations, faire appel à l’aide alimentaire… Culpabiliser celles et ceux qui en vivent est donc indécent surtout quand le non-recours concerne plus d’un tiers des bénéficiaires potentiels – près de 700 000 personnes – et que les moins de 25 ans ne peuvent y prétendre !
Cette proposition est en réalité révélatrice de la manière dont le capital veut accélérer la transformation du marché du travail. Tout prompt à séduire les milieux patronaux et l’électorat de droite et d’extrême-droite qui vomissent leur haine des pauvres régulièrement, ce dispositif de « devoir » constitue une nouvelle forme de travail gratuit. Où vont être fléchés ces allocataires : pour remplacer des emplois à temps plein ? Dans les collectivités, les associations, les hôpitaux, les EHPAD, à l’école ? Vont-ils remplacer des fonctionnaires qui partent à la retraite ?
Après l’auto-entreprenariat, les services civiques, l’apprentissage financé par l’argent public, voici des nouvelles formes de travail salarié déguisées. Moins soumises au droit du travail, elles facilitent un rapport de forces plus favorable aux employeurs.
Alors qu’on nous a rabâché qu’il ne fallait pas augmenter les minimas sociaux pour ne pas dévaloriser le travail – vieille lune libérale –, voici que cette proposition va mettre en concurrence les travailleurs·ses pauvres entre eux. Le SMIC s’en trouve durablement affaibli. Le Président-candidat, en porte-parole du capital, lance une attaque inédite contre les forces du travail au moment où la question salariale devient un enjeu majeur des débats publics. Pire, en faisant travailler les allocataires du RSA, le candidat jupitérien va continuer le maquillage des chiffres du chômage en sortant des milliers d’allocataires des statistiques.
En raison de l’inflation qui devrait atteindre 4% cette année et qui impacte avant tout les plus précaires, beaucoup de secteurs du monde du travail se mobilisent pour obtenir des hausses de salaires conséquentes. Les essentiels d’hier subissent donc un coup de butoir avec cette annonce : tout le monde doit être au régime sec !
Alors que les profits battent encore des records pour le CAC 40 et que l’emploi a légèrement progressé (même s’il s’agit beaucoup d’emplois précaires), la proposition d’un RSA contraint révèle qu’il y a… du travail ! Oui, il est possible d’embaucher et répondre à des enjeux d’activité. Des milliers de postes sont à pourvoir dans ce pays si tant est qu’ils soient correctement rémunérés.
Tout travail mérite salaire : ce vieil adage n’a plus lieu d’être dans la conception patronale. Il faut pourtant y revenir et amender cette formule : tout travail mérite un salaire juste. C’est le coût du capital qui pose problème. La bonne paie, celle qui permet de pouvoir payer ses factures, profiter de la vie (loisirs, voyages) ne doit pas devenir un luxe. C’est le cœur du projet de Fabien Roussel et de la France des Jours Heureux. Cette dynamique doit s’amplifier dans les prochains jours pour battre en brèche les projets mortifères pour les salarié·e·s.