Le projet de loi dit « pour le plein emploi » conçu par la droite gouvernementale, avec l’appui de la droite sénatoriale à qui elle a laissé un large champ libre, est un nouveau coup de massue sur les droits des Français·es. Après avoir imposé à coups de répression et d’outils constitutionnels et réglementaires détournés une réforme des retraites à laquelle la majorité du pays s’opposait, c’est au tour des privés d’emploi de trinquer. Et les conditions prévues dans le texte initial ont été encore durcies par la droite sénatoriale. C’est une véritable guerre sociale qui est menée, et elle est menée contre le pays.
Cette loi prévoit la création de France Travail en remplacement de Pôle emploi au 1er janvier 2024, avec une plus grande participation à son financement, de l’ordre de 12 à 13% de ses recettes d’ici 2026, contre 11% actuellement pour Pôle emploi.
Parmi les mesures les plus coercitives, la signature d’un contrat d’engagement avec radiation possible en cas de non-respect du contrat. La loi France Travail prévoit des sanctions graduées en cas de non-respect des engagements, à savoir la suspension-remobilisation – une suspension temporaire du versement de l’allocation – avec retour des versements si le ou la bénéficiaire remplit à nouveau ses engagements ; et la suspension partielle ou totale en cas de manquement plus grave à ces engagements. Ce que prévoit ce texte, au fond, c’est le retour de l’offre raisonnable d’emploi, à savoir des sanctions en cas de non-respect des engagements, et notamment suite à deux refus.
Surtout, la loi prévoit le conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) à quinze à vingt heures d’activité par semaine. Ici, le choix des mots est intéressant – si l’on peut dire – : le RSA est une « allocation », qui ne permet pas de cotiser pour la retraite par exemple. Il sera désormais corrélé à des heures d’« activité », des tâches à effectuer… une manière d’éviter de dire « travail », donc, et d’éviter surtout ce qui accompagne un emploi salarié à savoir des cotisations sociales et patronales. C’est donc, en somme, du travail qui ne dit pas son nom en dehors de tout droit social. Pourtant, c’est bien du travail que devront effectuer les bénéficiaires du RSA, sans cotiser pour leurs retraites déjà repoussées, et surtout, du temps qu’ils ne pourront pas consacrer à leur recherche d’emploi. Ce n’est pas le plein emploi qui est visé, mais la pleine exploitation.
Alors que les effectifs sont déjà insuffisants, comment pourraient-ils gérer et accompagner au mieux les deux millions de personnes allocataires du RSA qui vont devoir s’inscrire à France Travail ? Le recours aux opérateurs privés pour les offres de placement, qui ne sont pourtant pas réputés pour leur efficacité, risque fort de se voir démultiplié, au détriment d’un véritable accompagnement. Et qu’en sera-t-il des dispositifs de garde d’enfants lors des heures d’activités, avec une demande qui ne peut que croître ?
Le RN s’engouffre dans cette brèche pour proposer un « RSA national », aux deux sens du terme, à savoir non plus une allocation transmise par département mais à nouveau gérée au niveau national – reprenant à son compte une revendication de la gauche pour appliquer un vernis social sur son idéologie délétère –, et surtout, une allocation réservée aux personnes titulaires de la nationalité françaises, ou aux étrangers qui ont travaillé plus de cinq ans sur le territoire. Pour eux, il y a les humains qui méritent de survivre, et ceux qui ne le méritent pas.
Les mises en œuvre de ces dispositifs d’activité réalisées dans l’Aisne et en Alsace, sur la base du volontariat, en ont montré l’échec, alors qu’une large part des bénéficiaires est inapte au travail et/ou en détresse psychologique élevée. Ils ont besoin d’accompagnement en non de contraintes intenables.
Ce projet de loi, au fond, ne vise pas à ce que tous puissent travailler et participer à la vie de la Nation. Il part du principe que celles et ceux qui touchent le RSA – une allocation, rappelons-le, qui répond à l’exigence constitutionnelle que la collectivité prévoie des moyens convenables d’existence pour tout être humain dans l’incapacité de travailler – seraient des fainéants qui refusent de travailler.
Ce n’est pas « France Travail », c’est « France, travaille ! Et surtout, travaille plus longtemps, et tais-toi ! ». C’est aussi « France, épuise-toi, comme ça tu ne contesteras pas ». Et ainsi, les travailleurs et les travailleuses privés d’emploi, souvent en souffrance, sont stigmatisés et mis à contribution, pendant que le gouvernement multiplie les cadeaux aux entreprises et aux ultra-riches.