Le 8 mars 2024 : en cette Journée internationale des droits des femmes, tel un symbole, la France est devenue le premier pays au monde à inscrire dans sa Constitution la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Que de luttes, que d’obstacles pour parvenir à ce moment historique.
Cette constitutionnalisation adoptée par le Congrès fut le fruit d’une longue bataille parlementaire, lancée par le groupe communiste au Sénat en 2017, menée main dans la main avec les associations féministes et la société civile.
Comme pour chaque nouveau droit, chaque progrès social, il a fallu affronter des réticences et des résistances.
Malgré des remises en question aux traductions très concrètes, comme l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade aux États-Unis en 2022, il a fallu convaincre de l’utilité, de la nécessité d’une telle réforme constitutionnelle en France.
Alors que des avancées ont été obtenues ces dernières années (suppression du délai de réflexion, création d’un délit d’entrave physique et numérique, prise en charge à 100% de l’IVG et des actes afférents, allongement du délai légal, autorisation donnée aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales), les menaces restent vives : les locaux d’associations féministes sont régulièrement attaqués, des campagnes de désinformation et de propagande anti-IVG sont organisées sur Internet en détournant des sites officiels pour faire pression sur les femmes et les dissuader d’avorter en les culpabilisant.
Si la loi constitutionnelle est une belle victoire idéologique, ce droit demeure fragile et son exercice effectif, menacé.
En dix ans, plus de 130 centres IVG ont fermé en France. Le néolibéralisme affaiblit ce droit par les baisses de moyens alloués aux établissements de santé. De ce fait, chaque année, 5 000 femmes doivent se rendre à l’étranger pour pouvoir avorter. De même, de nombreuses femmes doivent se déplacer dans un autre département, faute de médecins pratiquant l’IVG. Comment, par ailleurs, au regard des stratégies financières de certains laboratoires pharmaceutiques, ne pas être inquiet face à une nouvelle pénurie potentielle de misoprostol, médicament indispensable pour pratiquer une IVG médicamenteuse, comme ce fut le cas en 2023 ?
Une autre menace de taille pèse sur ce droit chèrement acquis : l’extrême droite, aux aguets, aux portes du pouvoir, qui, contrairement à ce qu’elle essaie de faire croire, ne défend ni les droits des femmes ni les droits sexuels et reproductifs. Il existe en France une mouvance réactionnaire et conservatrice puissante, antimariage pour toutes et tous, anti-PMA, antiIVG, qui use de tous les moyens pour s’opposer à tout droit, à toute avancée.
La loi Veil fêtera les 50 ans de son entrée en vigueur en janvier 2025. Un bel anniversaire qui marque cette étape historique pour les femmes, fruit, là encore, d’une mobilisation des féministes à la hauteur de la répression et de l’hostilité qui s’abattaient sur les anonymes comme sur les signataires du Manifeste des 343 salopes.
N’oublions jamais qu’il n’est pas si loin, ce temps où les avortements étaient clandestins. N’oublions jamais qu’il ne sont pas si loin, le procès de Bobigny et l’âpre combat de l’avocate Gisèle Halimi pour faire évoluer les mentalités et défier la loi de 1920 interdisant l’incitation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle.
Depuis, chaque année, plus de 200 000 femmes avortent légalement en France. Un chiffre témoin de la liberté et du droit de chaque femme à choisir de poursuivre ou non une grossesse.