39 heures de garde à vue, dix heures de perquisition, présentation devant un juge le 25 septembre : c’est le sort d’Ariane Lavrilleux, journaliste d’investigation pour Disclose, contre qui l’Etat a porté plainte pour violation du « secret-défense ». Une atteinte au secret des sources et à la liberté d’informer de bien mauvais augure alors que les Etats généraux de l’information s’ouvrent ce mardi 3 octobre.
Le chantier est pourtant vaste, car le secteur de la presse cumule de nombreuses difficultés : inflation, concentration extrême avec des médias aux mains de quelques grands groupes, inégalités de captation des ressources publicitaires, qu’elles proviennent du secteur privé ou public. Et, si des aides existent, des solutions plus efficaces pourraient être mises en œuvre, comme une taxe sur la publicité de 1% redistribuée aux titres d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires. Parallèlement, les évolutions des usages de l’information et la montée en puissance des intelligences artificielles présentent des risques en termes de fiabilité de l’information.
L’accès à l’information et le pluralisme de la presse sont constitutifs de la démocratie : pour que les Françaises et Français soient des citoyennes et citoyens à part entière, qu’ils participent pleinement à la vie de la Nation, il leur faut bénéficier d’une information fiable, vérifiée, d’une diversité d’analyses et de lignes éditoriales qui n’avancent pas masquées pour se former leur propre opinion. Victor Hugo le soulignait déjà en 1848 : « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. »
Enfin, le gouvernement doit se rappeler que les aides publiques à la presse sont essentielles, mais elles ne sont ni une aumône, ni la condition d’une allégeance à un quelconque pouvoir, comme les aides à la culture. Elles relèvent de l’Etat, qui n’intervient pas sur l’information mais donne le cadre et les moyens à celle-ci de se déployer, dans toute sa diversité et dans le pluralisme des analyses. L’indépendance des médias et l’accès à l’information doivent être garantis, notamment via l’acheminement des journaux – à l’inverse du démantèlement de La Poste en cours.
Notre journal, fondé par Jean Jaurès en 1904 et qu’il avait voulu indépendant des puissances de l’argent, continuera à faire entendre sa voix, ses combats, les chemins de l’émancipation humaine. On ne peut le dire mieux que Jaurès : « C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. »