Vivre de son travail

1 Fév 2024

Le pouvoir élyséen est très loin des préoccupations populaires. L’opération communication du premier ministre avec bottes de pluie pour hurler trois mesurettes à côté d’une botte de foin n’a pas fait illusion.

La mobilisation des agriculteurs succède à de multiples crises, révélatrices d’une impasse libérale d’un gouvernement autoritaire, sourd aux revendications populaires.

Une lame de fond est commune à ces mouvements : les travailleuses et travailleurs de première ligne n’arrivent pas à vivre dignement de leur travail. Le gouvernement, la droite, l’extrême droite, le patronat auront beau opposer ceux qui ont un travail et ceux qui en sont privés, la réalité est que les richesses produites par le travail sont captées par une minorité.

Les travailleurs de la terre n’échappent pas à cette injustice sociale. Ils incarnent en effet beaucoup d’enjeux d’une nation qui se veut souveraine : notre alimentation et avec elle les enjeux de santé publique, l’aménagement du territoire et l’adaptation face au changement climatique.

Le mal est profond et vient de loin, bien avant l’arrivée de l’actuel monarque républicain à l’Élysée. L’insertion de notre agriculture dans la mondialisation libérale a provoqué des dégâts. Au nom de la compétitivité, les productions agricoles ont été financiarisées comme des marchandises. Vendre au maximum et au prix le plus bas : le modèle de l’agrobusiness est devenu l’élément structurant de la vie agricole, au détriment de la masse des producteurs. À cela s’ajoutent des injonctions contradictoires. Il faudrait produire plus, mieux et surtout toujours moins cher. Intenable pour une profession qui se sent souvent pointée du doigt et dont le taux de suicide révèle le malaise profond.

Les traités de libre-échange, signés en toute opacité par l’Union européenne, dont les gouvernements français ont été moteurs, ont accentué cette tendance. On demande aux agriculteurs français de respecter des normes environnementales et sociales qui ne s’appliquent pas pour les produits équivalents importés, les « clauses miroirs » n’ayant jamais été instaurées. L’exemple du dernier accord, signé avec la Nouvelle-Zélande, étant l’illustration du sacrifice des éleveurs et des laitiers sur l’autel du libre-échangisme.

Malgré les lois Egalim, qui ont reconnu le problème de la rémunération au juste prix, les grands groupes de transformation et les grandes centrales d’achats profitent de leur rapport de force pour capter l’essentiel des marges.

Si nous considérons la production agricole essentielle dans nos vies, il nous faut revoir l’essentiel de la chaîne, de la manière de produire aux circuits de distribution et jusqu’à la consommation.

Les tentatives de récupération minables par les réactionnaires et les libéraux et par la direction de la FNSEA ne feront pas oublier qu’ils ont été les ardents défenseurs du libre-échange.

Il faut entendre le message principal. La juste rémunération garantie avec des prix planchers qui rendraient impossible la vente à perte. Alors que 500 000 agriculteurs doivent partir en retraite sous dix ans, le prix du foncier doit être maîtrisé pour permettre à de jeunes agriculteurs de pouvoir s’installer et éviter que les exploitations soient accaparées par des grands groupes ou des puissances étrangères.

Accompagnons enfin la nécessaire transition écologique, déjà entamée, de ce secteur qui ne peut se résumer à une charge de travail administratif.

N’opposons pas le social et l’écologie comme les droites coalisées essaient de le faire. Pour l’agriculture comme pour d’autres secteurs d’activité, c’est la reprise en main populaire des pouvoirs et des richesses face au capital qui doit unifier celles et ceux qui luttent.

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